La mesure fait grand bruit au Sénégal, pays de la Teranga. Il s'agit, en effet, du limogeage des membres de la Commission électorale nationale autonome (CENA) par le président Macky Sall.
L'annonce a été faite le 4 novembre dernier, à travers un décret présidentiel, provoquant une surprise quasi généralisée. En effet, s'il est vrai que le renouvellement de la CENA avait été demandé par bien des acteurs politiques, y compris ceux de l'opposition, depuis 2021, force est de reconnaître que le moment choisi par le président Macky Sall pour le faire, paraît pour le moins suspect.
Pourquoi renouveler l'organe électoral, à seulement quatre mois de la présidentielle et ce, en plein débat sur l'éligibilité de l'opposant Ousmane Sonko dont la réintégration dans le fichier électoral, a été exigée par la Justice sénégalaise ?
Est-ce parce que le président Sall ne contrôle plus les membres actuels de la CENA dont le mandat, faut-il le rappeler, a expiré depuis plus de deux ans ? Autant de questions que l'on peut se poser. Toujours est-il que d'aucuns ont vite franchi le pas en voyant dans la décision prise par le chef de l'Etat sénégalais, une action de représailles.
Surtout quand on sait qu'elle intervient quelques jours seulement après la demande de la CENA, à la Direction générale des élections (DGE), de procéder à la réinscription de Ousmane Sonko sur la liste électorale. N'est-ce pas cette posture qui a suscité le courroux du locataire du palais de la République ?
Tout porte à le croire d'autant que depuis son renoncement à un troisième mandat, Macky Sall n'a eu de cesse de mettre des bâtons dans les roues de son adversaire politique de sorte à l'empêcher à tout prix de briguer la magistrature suprême.
Le Sénégal n'est pas à l'abri d'une crise post-électorale
C'est peut-être de bonne guerre, dira-t-on. Car, une chose est certaine. Conscient du poids politique de l'opposant en détention, Macky Sall n'a pas intérêt à ce que Ousmane Sonko lui succède au pouvoir. Si fait qu'il fait des pieds et des mains pour que triomphe son dauphin à la présidentielle qui se profile à l'horizon.
Mais en agissant ainsi, le natif de Fatick achève de convaincre les uns et les autres, que c'est beaucoup moins la démocratie qui le préoccupe que son propre avenir. Certes, d'aucuns objecteront, à juste titre, que la décision de renouveler la CENA n'a rien d'illégal même si elle pèche, un tant soit peu, dans la mesure où les changements ne peuvent se faire qu'au tiers.
Mais étant donné que le Sénégal a assez pleuré, n'était-il pas temps que Macky Sall aille au-délà des textes en privilégiant l'intérêt du peuple ? Malheureusement, on n'en est pas là ; tant les calculs politiciens semblent avoir pris le pas sur la raison. Reste seulement à savoir si cela prospèrera.
En tout cas, avec ces changements à la CENA, qui posent désormais un véritable problème de confiance, il faut dire que le Sénégal n'est pas à l'abri d'une crise post-électorale, à moins que le décret présidentiel ne soit retoqué par les juridictions compétentes.