Congo-Kinshasa: Présidentielle en RDC - «Pour battre M. Tshisekedi, il n'y a pas besoin d'une candidature commune» (Delly Sesanga)

interview

En République démocratique du Congo (RDC), la liste officielle et définitive des candidats pour la présidentielle du 20 décembre prochain a été publiée par la Céni, vendredi 3 novembre 2023. La Cour constitutionnelle s'est déjà penchée sur les différentes requêtes avant de valider 26 candidatures. Les deux institutions n'ont écarté aucun candidat, un bon signal pour Delly Sesanga, lui-même candidat, qui salue l'inclusivité du processus. Néanmoins, l'opposant et président du parti Envol estime que des inquiétudes demeurent concernant la suite du processus.

RFI : La Cour constitutionnelle s'est prononcée sur plusieurs recours concernant les candidatures et aucune candidature n'a été écartée. Pour vous, ces validations, est-ce un signal positif pour la suite du processus électoral ?

Delly Sesanga : Ce qui est évident, c'est que nous nous sommes battus depuis le début pour des élections inclusives et que, à cette étape, l'inclusivité est au rendez-vous, suite à de diverses pressions exercées par les politiques, la société civile et l'opinion nationale et internationale afin d'avoir cette inclusivité pour les élections. Donc, on peut considérer que, à cette étape, c'est plutôt une avancée.

Et est-ce que vous gardez des inquiétudes sur la suite du processus, avant la campagne électorale qui doit commencer le 19 novembre ?

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Nous avons toujours des préoccupations liées à l'environnement général du pays, par rapport à la liberté d'opinion. Il y a des journalistes qui continuent à croupir en prison, des militants comme Lens Omelonga qui est toujours en prison pour délit d'opinion. Nous avons ensuite les conditions sécuritaires qui ne sont pas réunies pour tous les candidats. J'ai fait l'objet moi-même d'agressions de la part de militants et de responsables du parti au pouvoir lors de ma tournée dans le Kasaï. Et, il reste aussi que la Céni (Commission électorale nationale indépendante), telle qu'elle a été composée, telle qu'elle fonctionne, ainsi que la Cour constitutionnelle n'offrent pas des garanties aujourd'hui d'indépendance et de neutralité, à même d'assurer que le processus sera transparent, crédible jusqu'au bout.

Avez-vous constaté, ces derniers mois, un durcissement du climat politique dans le pays ?

Ce durcissement tient depuis que le régime s'est lancé dans ce processus électoral qui est un processus qui n'est pas consensuel, dans les différents éléments des réformes, dans la mise en place de la Céni qui a été faite de manière unilatérale, et dans la corruption des règles pour la composition des renouvellements de membres à la Cour constitutionnelle. Tous ces éléments donnent à penser qu'aujourd'hui, nous avons un processus qui est frauduleux et qui n'est pas assez ouvert. À cela s'ajoutent les actes qui sont prévus dans le calendrier électoral, et pour lesquels la Céni elle-même s'était engagée, notamment la publication des listes des électeurs, la cartographie électorale, l'audit du fichier électoral, toutes ces opérations qui n'ont pas été réalisées pour asseoir la confiance et la crédibilité du processus. Donc, ce sujet de préoccupations demeure, mais si nous avons considéré qu'il fallait tout de même aller à ces élections, c'est parce que nous croyons à la capacité de notre peuple à un sursaut pour se mobiliser massivement à l'occasion de ce vote, et de ne pas s'abstenir d'aller voter pour pouvoir changer son destin demain.

Cette élection, elle va avoir lieu en un seul tour. Forcément, se pose la question de la multiplicité des candidatures : il y en a 26. Est-ce qu'il est obligatoire, incontournable de passer par une candidature commune de l'opposition ?

C'est une vue de l'esprit. J'ai fait la tournée de plusieurs provinces dans notre pays, plus d'une dizaine, et j'ai constaté que dans le fond intérieur, la population veut du changement, ne veut plus de ce régime. Et donc, pour battre M. Tshisekedi, il n'y a pas besoin d'une candidature commune. Par contre, la candidature commune est utile pour endiguer la fraude, pour empêcher à ce que le pouvoir ne puisse matérialiser son schéma de fraude. Et je dirais que de ce point de vue, les forces de l'opposition les plus importantes sont conscientes de la nécessité d'avoir une candidature commune. Mais une telle démarche devrait s'articuler autour d'un projet commun, d'un programme commun, chose qui nous a souvent manqué par le passé, parce qu'on s'est battu pour les individus contre d'autres individus. On ne s'est jamais battu autour des programmes. Vous dites qu'il y a 26 candidats, mais je n'ai pas vu autant de programmes qu'il y a de candidatures. Donc les perspectives qu'il y a pour redresser ce pays sont bien infimes, et il est possible autour de ces projets que nous avons proposés, la refondation du Congo, par exemple, de mettre tout le monde d'accord pour pouvoir avancer.

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