C'est la deuxième fois que le domaine royal d'Antsahadinta a connu un incendie.
La dernière s'est produite le 1er novembre et a vaporisé la maison où a habité Rabodozafimanjaka, une des épouses d'Andrinampoinimerina.
Une case royale donc, mais aussi une demeure familiale qui est encore habitée par les descendants jusqu'à maintenant.
Quatre jours après l'incendie du palais « royal familial » d'Antsahadinta, ce qui reste du mur de l'aile adjacente à l'entrée principale dégage encore de la chaleur.
De quoi imaginer la violence des flammes de cette nuit du 1er novembre, jour de la fête des morts. Rakotoasimbola, le gardien des lieux revient sur cette tragédie.
« Ce sont les explosions des "bararata" servant de porte d'entrée qui nous ont alertés. J'ai vu les flammes venues de l'autre côté. Nous avons paniqué de peur qu'elles n'atteignent ma maison ».
C'était vers 19h30, ou un peu moins, le vieillard dont la demeure est séparée par un couloir d'à peine un mètre de large de la bâtisse sinistrée a été surpris par la puissance du feu, hésitant entre secourir la maison en proie au sinistre et protéger ses murs de bois avec une toiture de paille.
Un drame dans la tragédie.
« De tradition, toutes les maisons ici ont des toitures de pailles », signale Lalao Raharivololona, l'ainée actuelle de la grande famille descendante d'Andrianampoinimerina et d'une de ses épouses, Rabodozafimanjaka.
« Plus tard, quand tout s'est enfin tassé. Nous nous sommes souvenus de trois jeunes, qui se trouvaient dans les parages durant la journée. Leurs gestes, leurs déplacements dans le domaine étaient suspects », reconnaît Lantovola Rabariharizafimanjaka, une autre dignitaire.
Ce qui laisse penser à un travail de repérage sous la lumière du jour, avant l'assaut pyromane de la nuit.
Dès lors, la famille est catégorique, « Nous pensons que c'est un acte criminel ».
Vrai contraste avec la quiétude du site, voire de la contrée où le petit chalet donne sur une vue imprenable d'Antananarivo et l'Anatirova.
À côté, un genre de pupitre en demi-cône sur lequel sont indiquées toutes les directions et les distances kilométriques pour atteindre Alasora, Ilafy...
Au sommet d'un petit escalier, le visiteur accède à l'espace central sous l'ombrage d'un arbre séculaire à l'ancien emplacement du premier palais et du musée. À sa gauche, sept « tombeaux alignés ».
Celui d'Andriamangarira, à l'intérieur d'un énorme rocher, est séparé des six autres par un passage.
Au premier regard, on aperçoit celui de Rabodozafimanjaka et de ses descendants et parents proches.
Le domaine sacré est un lieu de passage des riverains.
Sans restriction aucune des actuels maîtres des lieux, tout le monde peut y faire un raccourci en cas de besoin ou y flâner après un bon repas du dimanche.
« Voilà ce qui suppose aussi que les incendiaires ont pu entrer par n'importe quelle issue », ajoute Lalao Raharivololona.
Par contre, le côté oriental est baigné dans la pénombre la nuit, permettant d'accéder en plein centre du site sans alerter les éventuels regards de loin.
Les premiers à donner l'alerte auraient été des riverains qui réparaient leur antenne de télévision depuis la toiture d'une maison hors de l'ensemble du domaine royal.
Tout s'enchaîne, les coups de téléphones, les alertes aux autorités locales, pourtant la famille venait d'y passer la journée.
La particularité de la bâtisse incendiée réside dans le fait que l'épouse d'Andrianampoinimerina y a vécu.
Le « lit conjugal » du couple royal y était, que Mamy Rakoto la mémoire généalogique de la famille s'amuse à qualifier de « fandriana mivadik'ondana ».
Des meubles de cette époque, utilisés par l'épouse du monarque, des ustensiles de cuisine... « Heureusement que nous les avons déplacés depuis longtemps dans le musée », fait-il savoir.
Pour en revenir à ce 1er novembre tragique, la famille était réunie dans la maison royale, papys, mamies, tontons, cousins, neveux, nièces, petit-fils....
« Nous n'avons pas fait de feu, nous avons emmené notre repas cuit depuis Antananarivo. Nous n'avons pas utilisé de feu », renchérit Lantovola Rabariharizafimanjaka.
Ce qui fait une autre particularité de la construction ancestrale partie en fumée, les descendants d'Andrianampoinimerina et Rabodozafimanjaka y habitent toujours.
Loin donc de l'image des vestiges délaissés de certains lieux sacrés de la capitale que les descendants ont préféré léguer, au pire, au rang de patrimoine fantasmé.
«Durant les périodes de confinement, mon époux et moi nous nous sommes cloîtrés ici. Les enfants passaient pour nous livrer les provisions », se souvient Lantovola Rabariharizafimanjaka. Au risque de froisser certains, il est possible de qualifier la maison royale de patrimoine matériel « vivant ».
Une vraie continuité historique générationnelle, d'une échelle architecturale moindre comme pour celle du palais des Windsor en Angleterre.
Raison pour laquelle aussi, les anciens mobiliers ont été déplacés dans le musée. Seul rescapé, le trou de plusieurs mètres, creusé en une sorte de grenier à riz dans lequel les vivres étaient gardés à l'époque.
Ce qui aurait pu aussi servir de lieu de cachette d'Andrianampoinimerina en cas de guet-apens, sachant l'intelligence et le discernement de ce roi.
Au fil des générations, d'autres chambres ont été ajoutées, mais l'architecture centrale a toujours été gardée. Sauf que les murs érigés en bois « Ambora » ont été renforcés par des briques.
« Nous faisons le défi de rebâtir. Nous allons chercher ce bois particulier. Par ailleurs, c'est un lieu sacré, nous laissons le soin à Dieu et aux ancêtres de nous guider en temps voulu », concède Mamy Rakoto.
Hier bizarrement, une femme malgache venue d'Europe est venue visiter les lieux et voulait faire un don pour la réfection d'une des maisons dans le domaine.
Dès son arrivée au pays, elle voulait à tout prix rejoindre Antsahadinta. Comme une mission.
Tandis qu'un couple et leur enfant ont été découverts comme étant les descendants d'un noble que la famille pensait n'avoir jamais eu d'enfant.
Une grande nouvelle pour les descendants de Rabodozafimanjaka.
Hasard ou non, les pierres délaissées de l'incendie du palais de la Reine d'Anatirova parce que devenues inutiles lors de sa réhabilitation ont été récupérées par Lalao Raharivololona. « Nous les avons utilisées pour réhabiliter l'escalier à l'entrée ».
Un mois de novembre 1995, le domaine royal abritant le palais de la Reine est ravagé par les flammes.