Ile Maurice: Citoyens motivés et mobilisés contre la privatisation de la plage

Ils étaient hier plus d'une centaine venant principalement de la localité pour dire non à l'octroi de baux des terrains de l'État pied dans l'eau à Anse-La-Raie à des intérêts privés. Ils se sont réunis à l'Ocean View Hall de Saint-François, le petit village se trouvant en face de la plage d'Anse-La-Raie.

C'est le mouvement #PasKokinAnseLaRaie qui organisait ce rassemblement. L'affiche sortie le 19 octobre annonçait déjà les objectifs de cette résistance : «Nos plages, notre Youth Centre, notre patrimoine menacés.»

Ce qui a encore plus indigné les intervenants hier, c'est le projet de raser le Youth Centre d'Anse-La-Raie, qui, avec le centre de Pointe-Jérôme, sont les deux seuls centres avec beaucoup d'espace situés au bord de la mer où les jeunes pouvaient passer leurs vacances en groupe. Plusieurs personnes, y compris le député travailliste Osman Mahomed, ont exprimé leur tristesse devant ce projet, évoquant avec nostalgie les jours passés entre amis de collège dans ce centre de jeunesse.

(Bruneau Laurette était aussi présent à la réunion hier.)

Ce qui les scandalise le plus, c'est lorsqu'ils ont appris que le bénéficiaire des 25 arpents - l'équivalent de plus de 12 terrains de football - n'est autre qu'un proche du pouvoir, qui n'a cessé de bénéficier de toutes sortes de cadeaux de l'État, comme l'a rappelé samedi Sanjeev Teeluckdharry : «Terrains, financement et contrats de l'État. Il les a tous eus !» Mais c'est surtout la manière très peu transparente dont le bail a été alloué à Luxury Suites Ltd qui a révolté. Il a fallu toute l'obstination d'Osman Mahomed pour que le DPM et ministre des terres, Steeve Obeegadoo, crache enfin le morceau au parlement le 24 octobre : «Oui, une Letter of Reservation a bien été émise en faveur de l'entreprise de Vinash Gopee.»

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Une idée derrière la tête

Dans son discours, Osman Mahomed a rappelé que depuis 2015, l'ex-ministre de l'Environnement, feu Raj Dayal, avait pourtant assuré qu'il n'y aurait pas de développement immobilier sur les «wetlands». «Le projet d'Anse-la-Raie affectera probablement ces zones.» Le député rouge a également parlé du réalignement de la route entre Mont-Choisy et Cap-Malheureux au coût de 200 millions de roupies en 2018. «Il est clair que le gouvernement avait déjà une idée derrière la tête en construisant ce 'bypass' avec l'argent du contribuable.» Tout en soulignant que le Master Plan concerne le «développement» de 100 arpents de terre. «Alors qu'à Port-Louis, par exemple, les terrains se mesurent en toises et même en pouces.»

Vivre-ensemble

L'avocat Richard Rault a, de son côté, souligné que le centre de jeunesse d'Anse-La-Raie et les terrains autour ne servent pas seulement l'environnement, l'histoire et la culture, mais aussi à la construction de la nation. «C'est en ce lieu que les jeunes apprennent le vivre-ensemble. Mais tout cela n'a pas d'importance pour ceux qui ne pensent qu'à faire des millions.» Pour lui, les jeunes devront désormais oublier les séjours gratuits au Youth Centre.

Vela Gounden du mouvement Aret Kokin Nou Laplaz est d'avis que l'on doive pouvoir se réapproprier nos plages. «Il y a 20 ans, les Mauriciens pouvaient se relaxer sur la plage. Maintenant, nous sommes comme des sardines en boîte au bord de la mer, et cela avec de graves conséquences sociales.»

Seenarain Ramjuttun est celui qui s'est toujours battu pour la préservation de l'environnement dans la région. C'est lui qui était monté au créneau pour dénoncer l'abattage de 200 filaos en 2018, en amont du projet. «Nous allons tout faire pour empêcher ce projet. Nous organiserons bientôt une marche pacifique et une conférence de presse.» Seenarain, connu comme «bhai», se rappelle avec mélancolie des jours heureux à la plage d'Anse-La-Raie. Il regrette que le campement du gouverneur ait été laissé à l'abandon justement pour le démolir et faire place à des hôtels. «Je constate aussi d'ailleurs que le Youth Centre est en train d'être éliminé petit à petit. Quant à la plage publique, il faudra lui dire adieu, alors que l'on en manque de plus en plus.» Il a noté également la disparition des crustacés et une baisse des prises de poissons avec le développement immobilier.

Et les consultations ?

C'est Vashish Bijloll qui a présidé le rassemblement d'hier. Il a remercié l'express «grâce auquel j'ai appris ce projet. Il faut aussi saluer la détermination d'Osman Mahomed au Parlement notamment.» Vashish Bijloll a commencé à alerter la population à travers Facebook. «Le nombre réuni ira en grandissant et je compte alerter toute la population et les ONG. Il faut apprendre au gouvernement ce que signifie 'consultations'. Je ne me souviens plus de la plage d'il y a 40 ans, tellement elle a été défigurée. Je ne veux pas que mes enfants témoignent eux aussi de ces dégradations.»

«Une fois la plage partie, jamais plus on ne la retrouvera», rappelait l'affiche du 29 octobre.

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