Aux Comores, « l'artisanat au féminin est un secteur nouveau et en développement » explique à RFI Abdou Katibou, économiste et ancien directeur général de l'Agence nationale de la promotion des investissements. Des professionnelles du secteur se sont exprimées sur leur situation à l'occasion d'une expo-vente à Moroni.
Ce week-end a eu lieu à Moroni une expo-vente sur l'artisanat au féminin. Les exposants, toutes des femmes, exercent, entre autres, dans la savonnerie, les accessoires et les bijoux en wax ou encore la peinture et la sculpture.
Cette expo-vente est l'occasion pour elles de se donner de la visibilité puisque, si des textes et des structures existent comme le ministère de l'Artisanat, sur le terrain tout reste à faire et vivre de ce métier est un parcours de combattant.
Car entre une concurrence avec les produits importés de l'étranger, une clientèle pas toujours au rendez-vous, la cherté des ingrédients et l'absence d'accompagnement financier, les femmes ont bien du mal à vivre de leur artisanat. C'est le cas pour Jihane, fondatrice de la marque Wutamu Comores, qui confectionne des savons traditionnels, des bougies ou encore des parfums d'intérieur à base d'ylang-ylang et de jasmin.
« Je sais qu'il y a des efforts. Le fait qu'il y ait un ministère déjà, ça montre qu'il y a une volonté, mais c'est vrai que ça ne suffit pas, déplore-t-elle. Le chemin est encore long. Ces efforts-là doivent être soutenus par plus de mentorat, pas une présence, mais vraiment dans les actes. Un mentorat ou un financement propre à chacune selon les besoins qui ne sont pas uniques dans la globalité des artisans ».
Si Jihane a pu quitter son métier pour se consacrer pleinement à son entreprise, ce n'est pas le cas de Mireille, créatrice et gérante de « Ylang création », spécialisée dans celle de bijoux et d'accessoires. Elle doit jongler entre deux boulots. « En vivre, c'est assez difficile parce que ce n'est pas tout le monde qui aime le fait-main vu qu'on a la concurrence chinoise et de Dar es salam et tout ce qui va avec, explique-t-elle. Il faut faire deux métiers pour commencer, parce qu'en parallèle, je suis responsable événementiel dans une boîte de communication et ma passion, c'est la couture et la création donc je fais ça en parallèle ».
Comme Jihane et Mireille, elles sont nombreuses à devoir faire face à cette concurrence venue d'ailleurs. Et dans cette situation, les habits traditionnels en sont les principales victimes.
L'artisanat au féminin est un secteur nouveau et en développement. Son poids dans l'économie comorienne n'est donc pas encore significatif. Les données statistiques ne sont pas encore disponibles, en tout cas à ma connaissance. Cependant, on sait que le poids de l'informel dans l'économie comorienne est conséquent, l'artisanat y compris. Celles qui se sont lancées dans cette aventure sont confrontées à plusieurs obstacles, notamment liés à l'environnement des affaires. Les structures d'appui existent, mais elles ne sont pas dotées de moyens techniques et financiers suffisants pour relancer ce secteur porteur. Ce secteur est porteur car il répond à une demande importante, notamment pour les vêtements traditionnels, qui sont un élément important des mariages comoriens. Je pense qu'il y a du travail à faire pour pousser les femmes à se lancer dans l'artisanat. Les autorités compétentes devraient y travailler car, au vu du poids du chômage, c'est une solution qui pourrait contribuer à réduire de manière significative le taux de chômage des jeunes, en particulier celui des femmes, qui sont les premières touchées par ce fléau.