Afrique: Recette de la longevite au pouvoir - Aller à l'école de Paul Biya

6 Novembre 2023
analyse

Le 6 novembre dernier, le président camerounais, Paul Biya, totalisait 41 ans de pouvoir. Un anniversaire que son parti, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), a tenu à marquer d'une pierre blanche à travers la tenue de différentes manifestations, dont une vaste campagne de soutien au chef de l'Etat, à quelques encablures de la présidentielle de 2025 à laquelle le parti invite d'ailleurs le nonagénaire président, à être candidat.

Et rien ne dit que le successeur de Ahmadou Ahidjo ne succombera pas à la tentation d'un huitième mandat, s'il n'a pas lui-même suscité ces appels « du peuple » à une énième candidature après quatre décennies de règne sans partage.

Et, au-delà de l'anachronisme de la chose en plein 21ème siècle où l'heure est plutôt à la limitation des mandats, l'exception camerounaise ne paraît plus une curiosité ; tant depuis de longues années, le pouvoir semble rimer avec le nom du natif de Mvomeka'a au pays des Lions indomptables.

Une longévité au pouvoir qui semble tenir d'une véritable école d'autant qu'en plus de se montrer intraitable avec ses adversaires politiques, le locataire du palais d'Etoudi a méticuleusement travaillé à verrouiller le système et à s'attacher la fidélité des militants et autres cadres de son parti dont il est devenu, par la force de son pouvoir et du temps, le candidat naturel à la présidentielle.

On se demande si les Camerounais ne sont pas tombés dans la résignation

C'est pourquoi ces appels à sa candidature pour la présidentielle de 2025, n'ont rien d'étonnant dans un Cameroun où on n'est pas loin du culte de la personnalité au sein du parti au pouvoir. Un pays où, de John Fru Ndi du Social Democratic Front (SDF) à Maurice Kamto du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC), l'opposition n'a jamais été en mesure de provoquer l'alternance face au rouleau compresseur du RDPC qui ne lui a jamais laissé assez de voix dans les urnes pour inquiéter le Vieux Lion.

En tout cas, face à l'insatiabilité de leur président qui ne semble pas s'imaginer une autre vie en dehors du pouvoir, on se demande aujourd'hui encore si les Camerounais ne sont pas tombés dans la résignation, en attendant que Dame nature fasse son oeuvre. Toujours est-il qu'à 90 ans révolus, Paul Biya semble animé de la volonté de mourir au pouvoir pour bénéficier de funérailles nationales.

Et si ceci devait expliquer cela, on comprendrait alors aisément pourquoi le deuxième président du pays depuis l'indépendance en 1960, ne s'est jamais trouvé un dauphin, encore moins un successeur à l'image de son prédécesseur, Ahmadou Ahidjo, qui lui a passé le relais en 1982. Bien entendu, les arguments ne manqueront jamais pour justifier cette confiscation du pouvoir qui ne veut pas dire son nom au Cameroun.

Mais l'histoire a souvent montré que les longs règnes débouchent souvent sur le chaos. Et à l'allure où vont les choses, on peut nourrir des appréhensions pour le Cameroun qui n'est pas sûr de déroger à la règle.

Le seul combat qui vaille aujourd'hui pour Biya, c'est de réussir sa succession

En attendant, si la sincérité des appels à une énième candidature de Paul Biya à la présidentielle, est sujette à caution, loin d'en rire, il faudrait plutôt en pleurer ; tant il ne fait pas de doute que c'est la démocratie qui est en péril au Cameroun si elle n'est pas déjà sacrifiée sur l'autel de la boulimie du pouvoir d'un individu et des intérêts de son clan. Au-delà, ces appels que l'on veut faire passer pour ceux « du peuple », à la limite de la supplique au nonagénaire chef de l'Etat camerounais à briguer un autre mandat, sont pathétiques.

A tel point qu'ils ne manquent pas d'interroger sur la capacité du parti au pouvoir à Yaoundé, à exister sans Biya. En tout état de cause, une candidature de Paul Biya pour la présidentielle de 2025, ne serait pas une surprise. C'est plutôt le contraire qui serait étonnant. En attendant, on peut se demander si d'ici là, le chef de l'Etat pourra toujours se tenir sur ses jambes, et si ses aptitudes physiques et ses facultés mentales, ne lui feront pas défaut.

Quoi qu'il en soit, sa longévité au pouvoir n'est pas loin de poser la problématique de l'avenir politique de son pays, le Cameroun, et de la transition générationnelle au sein de son parti, le RDPC, traversé par des courants divers. Mais s'il y a déjà une certitude, c'est que la décision finale de Paul Biya concernant son éventuelle candidature à la présidentielle de 2025, aura un impact significatif sur la scène politique au Cameroun où le défi de la stabilité du pays et de la cohésion nationale, se pose avec acuité, dans la perspective de l'après-Biya. Autant dire que le seul combat qui vaille aujourd'hui pour le vieux chef, c'est de réussir sa succession. Mais Paul Biya l'entendra-t-il de cette oreille ? Rien n'est moins sûr.

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