C'est l'un des présidents « Duracell » (1) du continent noir. Le deuxième après l'Equatoguinéen, Teodoro Obiang Nguema, à la tête de ce minuscule pays d'Afrique centrale depuis 1979. Un record de longévité talonné de près par un autre dinosaure politique en la personne du Camerounais Paul Biya qui a fêté hier, lundi 6 novembre 2023, le quarante-et-unième anniversaire de son accession au pouvoir.
Chargé de missions en 1962 sous le premier président Ahmadou Ahidjo, il en devient le chef de gouvernement de 1975 à 1982, année à laquelle il accède au pouvoir suite à la démission surprenante de son mentor, officiellement pour «circonstance capitale».
Depuis quatre décennies, le « Machiavel africain » règne d'une main de fer après avoir renforcé son assise suite à une répression sanglante consécutive au coup d'Etat manqué de 1984.
Suspecté d'être le commanditaire du putsch avorté, Ahmadou Ahidjo sera condamné à mort par contumace. Gracié par la suite, il trouvera la mort en 1989 en exil à Dakar.
Le père de l'indépendance du Cameroun n'assistera donc pas à la fausse mue démocratique de son successeur à la faveur du vent du multipartisme qui souffla sur l'Afrique au début des années 90.
En effet, contraint, comme bien de ses pairs du continent, à l'exercice des urnes, Paul Biya remporte de justesse les élections face à son opposant John Fru Ndi.
Echaudé par cette première expérience démocratique, il va travailler méthodiquement à asseoir les conditions d'un règne ad vitam aeternam dont il est l'un des rares satrapes à en avoir le secret.
Maillage étroit du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC) sur toute l'étendue du territoire, verrouillage du système électoral qui empêche toute transparence du scrutin et loyauté de l'armée et de la police dont les officiers bénéficient de toutes sortes d'avantages dont l'impunité totale dans un corps gangréné par la corruption et la répression systématique de toute voix dissidente. Ce sont là les ressorts de la longévité politique de l'ancien séminariste d'Édéa.
Quand ce ne sont pas les opposants politiques qui sont embastillés, à l'image de Maurice Kamto, chef du MRC et candidat à la présidentielle de 2018, jeté en prison pour « présomption de destruction de biens publics d'insurrection, de terrorisme, de rébellion et d'hostilité à la patrie » avant d'être libéré sous la pression de la communauté internationale, ce sont les leaders de la société civile qui subissent les exactions des sbires de «big Paul».
A tout cela s'ajoutent les enlèvements et les assassinats de journalistes par les services de renseignement.
On a toujours en mémoire la découverte du corps mutilé du patron d'Amplitude FM, Martinez Zogo, connu pour ses critiques contre la gouvernance du pays.
Après donc quarante et un ans de pouvoir, pour ne pas dire de pilotage à vue, le « Roi fainéant » de 90 ans, qui peut faire trois ans sans tenir de Conseil des ministres, beaucoup plus présent dans ses chalets en Europe qu'au palais d'Etoudi de Yaoundé, n'est pas prêt à « retourner au village», comme l'y invitent ses opposants, «pour se reposer».
Bien au contraire ! A l'occasion de cet anniversaire, de nombreux meetings ont été organisés afin de délivrer à l'inoxydable président «l'appel du peuple» : se représenter à la prochaine présidentielle de 2025.
C'est à croire que certains peuples ne cesseront jamais de nous étonner avec ces appels d'un autre âge de présidence à vie.
Papy Paul entendra-t-il la fameuse supplication du peuple ou plutôt à 92 ans, consentira-t-il enfin à lâcher prise en cédant, dans une logique dynastique, le trône à son héritier, Franck Biya, comme on le subodore depuis des années ?
On ne le dira jamais assez, les longs règnes sont toujours sanctionnés par des fins aussi brusques que tragiques. Il faut toujours savoir raccrocher les crampons à temps, sous peine de quitter l'arène politique sous les lazzis et les quolibets.
Dernier exemple en date, le Gabon, où après près de six décennies de pouvoir dynastique, la famille Bongo a été chassée des affaires. A ce propos, on se rappelle les scènes de liesse de ceux-là même qui la portaient aux nues jusqu'à la veille du coup d'Etat.
(1) En référence à la marque de pile électrique réputée pour sa très longue durée de vie