Burkina Faso: Dossier « Charbon fin » - La défense rejette le rapport de « l'expert du parquet »

6 Novembre 2023

Le procès « Charbon fin » a repris, hier lundi 6 novembre 2023, au Tribunal de grande instance Ouaga I, à la suite de sa suspension deux semaines pour permettre aux parties de s'imprégner du rapport complémentaire de l'expertise des corps solides.

Le lundi 23 octobre 2023, le Tribunal de grande instance Ouaga I (TGI Ouaga I) décidait du renvoi du dossier « Charbon fin » pour permettre aux différentes parties de prendre connaissance du contenu du rapport complémentaire de l'expertise sur les « corps solides ». Le dossier renvoyé a été rouvert, hier lundi 6 novembre

2023, en présence des personnes accusées des faits de fraude en matière de commercialisation d'or et d'autres substances précieuses, d'exportation illégale de déchets dangereux, de blanchiment de capitaux, de faux en écriture privée de commerce, d'usage de faux en écriture privée de commerce.

Après l'appel nominatif des mis en cause, assistés de leurs différents conseils, l'audience du jour a débuté par les observations.

Le parquet s'est dit prêt pour des discussions sur le rapport additif produit à la diligence des experts Joël Ilboudo et Moussa Gomina et mis à la disposition des parties.

L'agent judiciaire de l'Etat, Me André Ouédraogo et la défense du Réseau national de lutte anti-corruption (REN-LAC) ont dit ne pas avoir d'observations ainsi que les autres conseils.

A la suite de cette phase, les débats ont été ouverts sur le rapport complémentaire de l'expertise Ilboudo et Gomina. Iamgold Essakane, représenté par son Directeur général (DG), Tidiane Barry, a été appelé à la barre pour répondre des faits à lui reprocher, notamment de fraude en matière de commercialisation d'or et d'autres substances précieuses et d'exportation sans autorisation.

D'emblée, Essakane a dit ne pas reconnaître ces faits et sa défense a demandé une projection du film montrant la procédure de traitement du charbon fin .

Face à cela, le procureur a marqué son accord, mais l'Etat sous la bannière de son agent judiciaire a opposé son refus.

Qu'à cela ne tienne, le film réalisé a été projeté et interprété à la fin.

Pour l'Etat, la procédure de traitement du charbon fin décrite dans la projection ne montre pas de « corps solides » attendus.

Et l'agent judiciaire de l'Etat, de soutenir que la fraude réside même dans les installations d'Essakane.

Les experts ont reconnu que le film comporte des divergences concernant la récupération des éléments grossiers dits « corps solides ».

« Un bouton métallique de 0,675 kg »

Il a été aussi question d'un bouton métallique de 0,675 kg d'or retrouvé après l'expertise des « corps solides » lors des débats.

L'avocat du REN-LAC, Me Prosper Farama, s'est donc posé la question de savoir à quel moment du processus de traitement du charbon fin , peut-on retrouver de l'or ?

Et les experts d'expliquer que c'est après le traitement des « corps solides » et non dans les « corps solides » physiquement.

Par ailleurs, Tidiane Barry a clarifié qu'Essakane a mentionné dans le cahier des charges, le processus d'exploitation et de traitement de rejets de la mine, pour l'obtention de l'agrément.

Après une suspension de l'audience durant une quarantaine de minutes, le DG d'Essakane a expliqué que les chiffres estimés par la mine sont conformes à ceux du rapport d'expertise avec des marges de tolérance.

D'autres éléments, en l'occurrence le taux d'humidité et la balance utilisée lors des pesées, ont aussi fait l'objet de débats.

Il a été constaté par le parquet que la balance acquise en 2016, en question, n'a pas été certifiée au moment de l'instruction du dossier. Selon Essakane, cette situation est due au fait que les pesées ont été effectuées en 2018.

« Une balance certifiée en 2016 peut-elle être utilisée en 2018 ? », s'est interrogé le procureur.

Pour les responsables d'Essakane, ce sont des calibrations qui ont été faites à l'interne pour voir si la balance est fiable.

« Si vous dites que c'est la calibration qui est fiable, c'est votre point de vue sinon, en matière de législation, c'est la certification qui est valable », a répliqué le parquet. Une balance non certifiée peut-elle être calibrée ? Pourquoi exige-t-on la certification d'une balance ?

A ces questions du Tribunal, Essakane a répondu par l'affirmative pour la première et concernant la seconde, selon Essakane, c'est une question de standard pour se conformer aux normes du fabricant de la balance. Les discussions sur les termes « certification » et « calibration » ont conduit à une seconde suspension de l'audience, encore, d'une quarantaine de minutes. A la reprise, l'« expert du parquet », le Pr Arsène Yonli, chimiste, a été appelé à la barre.

Tout de suite, les avocats de la défense ont dit ne pas le reconnaître comme un expert, en dehors des deux experts commis par le Tribunal. Mais, pour la manifestation de la vérité, le Tribunal a estimé que M. Yonli pouvait être entendu. Dans la projection de son

« Rapport synthétique de l'expertise sur le charbon fin », qualifié de faux par la défense, l'on est parvenu à des différences de données (par exemple 393,41 kg d'or) par rapport à celles préétablies au point que la défense s'est demandé si le document projeté n'est pas une contre-expertise. A l'issue de l'audience qui se poursuit aujourd'hui mardi 7 novembre, l'avocat d'Essakane, Me Pierre Lassané Yanogo, s'est réjoui du fait que l'expertise judiciaire a été conduite à son terme et les conclusions du rapport confortent Essakane dans sa position ».

« Dans ce dossier, le REN-LAC entend observer si la procédure d'exportation du charbon fin a été faite de façon régulière où s'il y a une fraude », a déclaré Me Prosper Farama.

S'agissant du Pr Yonli, l'avocat du REN-LAC a rappelé qu'il y a une procédure du Code pénal permettant à toute personne d'être entendue.

Quant au DG d'Essakane, il a renchéri que le rapport présenté par le Pr Yonli n'est pas judiciaire et est nul et non avenu.

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