Le round d'observation des pays africains dans le conflit israélo-palestinien, semble avoir pris fin avec les prises de position de certains pays qui ont décidé de ne plus faire mystère de leur soutien au peuple de la Palestine.
En effet, en Tunisie, après que des milliers de manifestants sont descendus dans la rue pour exprimer leur soutien aux Palestiniens écrasés sous les bombes de l'Etat hébreu, c'est le parlement qui examine un projet de loi criminalisant toute normalisation de relations avec Israël. Au Sénégal, même si l'Etat reste confus dans sa position contre ce conflit au Proche-Orient, des manifestants ont aussi battu le pavé pour dénoncer l'horreur dans les territoires occupés palestiniens.
Dans la même veine, l'Afrique du Sud a aussi décidé de rappeler ses diplomates en poste en Israël pour « consultations », pour reprendre le vocabulaire diplomatique d'usage, depuis le 6 novembre 2023. Ce coup de froid diplomatique avec l'Etat hébreu, s'explique par le fait que « Pretoria est déçu par le refus du gouvernement israélien de respecter le droit international », comme l'a laissé entendre la ministre sud-africaine auprès de la Présidence, Khumbudzo Ntshavheni qui a, par ailleurs, condamné les remarques désobligeantes de l'ambassadeur israélien en Afrique du Sud à l'égard de ceux qui s'opposent aux atrocités et « au génocide perpétré par le gouvernement israélien ».
La prise de position des Africains en faveurs des Palestiniens, s'explique par la tragédie humanitaire qui se joue dans ce conflit
Après la Nation arc-en-ciel dont la position ferme est motivée par son passé marqué par l'apartheid, c'est au tour du Tchad qui avait cependant engagé, ces dernières années, une stratégie de rapprochement avec l'Etat hébreu, de rappeler aussi ses diplomates en Israël. C'est dire si les positions de la majorité des pays africains aux prises avec leurs propres difficultés, notamment les violences terroristes dans les Etats du Sahel ou la guerre civile en République démocratique du Congo (RDC) ou encore au Soudan, face au conflit, bougent sur le continent et cela nettement en faveur du peuple palestinien.
Et pour causes. D'abord, parce que, traditionnellement, l'Afrique est pro-palestinienne. L'on garde encore en mémoire les sommets de l'Organisation de l'Unité africaine (OUA), défunt père de l'Union africaine (UA) où le leader de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), Yasser Arafat, était l'invité vedette. Cette proximité de la cause palestinienne avec l'Afrique, s'explique essentiellement par le fait que le continent a eu lui aussi un passé colonial et est donc solidaire de la lutte de tous les peuples en quête de souveraineté et de liberté.
Ensuite, la prise de position des Africains en faveurs des Palestiniens, s'explique par la tragédie humanitaire qui se joue dans ce conflit. L'Afrique du Sud dénonce d'ailleurs un « génocide sous le regard de la communauté internationale » tandis que le Tchad déplore l'ampleur des pertes civiles innocentes. Enfin, le penchant africain pour la Palestine, s'explique par le fait que l'Afrique, en proie aujourd'hui aux violences terroristes, garde en mémoire que c'est le conflit israélo-palestinien qui constitue le berceau historique des mouvements islamistes.
L'Afrique ne peut que pleurer le sort des Palestiniens
Le continent se sent donc comme une victime collatérale d'un conflit mal géré et qui s'est métastasé jusqu'à ses portes. Mais quelles que soient les causes de la prise de position de ces Africains en faveur du peuple palestinien, la question que l'on peut se poser est la suivante : le parti pris de ces pays africains suffit-il à faire bouger les lignes sur le front de la guerre ? Pour répondre à cette question, l'on ne peut émettre que des doutes.
D'abord, parce que le seul Etat qu'Israël écoute, c'est-à-dire les Etats-Unis d'Amérique, est en pré-campagne électorale. De peur de perdre les prochaines élections, ni les Démocrates ni les Républicains ne veulent prendre de positions contraires à la volonté du gouvernement israélien non seulement à cause des lobbys juifs qui sont les plus puissants au pays de l'Oncle Sam, mais aussi à cause des lobbys d'armes américains pour lesquels chaque conflit dans le monde, est une occasion rêvée pour booster leurs affaires.
Or, ce n'est qu'un secret de Polichinelle, les marchands d'armes sont les principaux bailleurs de fonds des vastes campagnes présidentielles américaines. Et ce n'est pas non plus sur les Etats européens que l'Afrique peut compter pour l'accompagner dans sa croisade contre le génocide en cours au Proche-Orient. C'est connu, les Européens, en repentir de l'holocauste pendant la Seconde Guerre mondiale, ont presque tous criminalisé l'antisémitisme et se retrouvent hypocritement impuissants contre l'Etat hébreu malgré le fait que l'Europe s'est toujours affichée comme le porte-étendard des valeurs de l'humanité au point même d'en faire une conditionnalité dans sa coopération avec les Etats des autres parties du monde. L'on ne peut donc que compter sur la bonne conscience du gouvernement israélien.
Mais l'on peut en douter, au regard des atrocités commises, si celui-ci dispose encore d'une once de raison. Le doute est d'autant plus réel que derrière cette guerre, se joue le destin politique du Premier ministre israélien qui était au bord du naufrage et qui tient cette guerre comme une bouée de sauvetage. L'Afrique ne peut donc que pleurer le sort des Palestiniens, surtout qu'au-delà des pressions diplomatiques traditionnelles, elle ne dispose d'aucun autre véritable levier pour influencer la guerre. Les relations économiques entre le continent noir et Israël sont si embryonnaires, en effet, qu'elles ne peuvent être utilisées pour faire fléchir l'Etat hébreu.