Ile Maurice: Entre politique et urgences du jour

Alors que le Premier ministre (PM) se plaît à dire que son gouvernement a encore un Budget à présenter et qu'il compte aller jusqu'au bout de son mandat, théoriquement le 7 novembre 2024, pour compléter ses réalisations, force est de constater que depuis la concrétisation de l'alliance de l'opposition parlementaire PTrMMM-PMSD et la publication récente du sondage Synthèses/ l'express, il y a des signes qui ne trompent pas. Pour preuve, le PM est sur tous les fronts, multipliant sa présence dans tous les coins et recoins du pays, tantôt aux côtés des membres d'associations socioculturelles, tantôt avec des jeunes pour s'adonner à des activités sportives ou encore avec des seniors pour rappeler que la pension de vieillesse a triplé depuis 2014.

Qu'on ne s'y trompe pas. L'alliance gouvernementale est déjà dans une logique électorale et, dans les semaines, voire les mois à venir, les promesses vont pleuvoir, les unes plus tentantes que les autres, pour ratisser large et convaincre les indécis. Et si l'on se fie au dernier baromètre politique de Synthèses, la moitié de l'électorat n'a pas encore fait son choix pour les prochaines élections générales et ne s'identifie pas encore à un parti politique. Ce qui ouvre un boulevard à tous les partis politiques, tant au pouvoir que de l'opposition, pour labourer afin d'élargir leur base électorale. Ce qui est compréhensible dans un contexte électoral.

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Or, entre maintenant et les prochaines élections, il y a visiblement des urgences économiques et sociétales qui dépassent largement les considérations partisanes et qui méritent beaucoup plus qu'un simple constat ou une mention dans un discours trop souvent politisé de nos élus, plus préoccupés à tirer profit des dividendes politiques des actions prises.

Enjeux sociétaux

Qui peut aujourd'hui rester insensible à la recrudescence de la drogue à Maurice et au nombre de jeunes, qui en sont victimes, qu'elle soit drogue dure ou synthétique, ces derniers fréquentant les plus grandes institutions scolaires du pays et appartenant souvent à des classes sociales aisées ? Tout comme d'autres qui s'y retrouvent par pure ignorance, pour fuir momentanément leurs réalités sociales et économiques.

À un moment où il existe déjà un exode de jeunes diplômés et professionnels pour d'autres juridictions, où leurs compétences pourraient être mieux valorisées, perdre des bras précieux de certains jeunes ouvriers qui nagent dans l'enfer de la drogue devrait être la dernière chose qu'on puisse espérer car il y va de la croissance des activités économiques du pays, comme d'ailleurs certains pays africains ont dû y faire face dans le passé.

On peut épiloguer à longueur de journée et renvoyer la balle aux partis qui sont proches de la mafia de la drogue et rappeler à juste titre que c'est un phénomène mondial duquel les plus grandes puissances arrivent difficilement à s'extirper, tant elle déploie ses tentacules dans d'autres trafics illicites. Pour autant, on peut se demander si la volonté existe de mater le fléau de la drogue car la perception est que certains trafiquants bénéficieraient d'une impunité par le pouvoir en place. Comme on peut se demander si toutes ces campagnes de sensibilisation, organisées jusqu'ici autour de ce fléau, avec souvent des images choquantes sur les drames de familles déchirées et la présence d'éducateurs sociaux dans les centres, ont eu un quelconque effet sur ces jeunes.

De la même manière, on peut rester dubitatif et se demander pourquoi les routes restent meurtrières à bien des égards malgré les campagnes de prévention et les crackdown policiers. Les causes d'un accident fatal, on les connaît tous : des conducteurs sous l'influence d'alcool ou de drogue, excès de vitesse, non-respect du Code de la route. Mais il y a aussi malheureusement une arrogance au volant de certains conducteurs qui estiment que tout est permis sur les routes parce qu'ils roulent dans des voitures super luxueuses et de prestige. Ils doivent comprendre que le conducteur d'une Porsche a les mêmes privilèges sur les routes que le propriétaire d'une Suzuki Swift !

Hausse du pétrole

Qu'on se le dise : il y a des actions prises sur ces deux enjeux sociétaux mais faut-il encore comprendre que jusqu'ici les résultats n'ont pas été à la hauteur des espérances. Comme dirait l'autre, il faut changer de logiciel et trouver des mesures imaginatives pour attaquer frontalement la montée de la drogue et faire baisser le nombre de morts sur les routes, entre autres. Comme d'ailleurs, il y a des urgences économiques, sur l'explosion des prix du pétrole suivant le début de la guerre entre le Hamas et Israël au Proche-Orient le 7 octobre. Est-ce qu'à la STC, il existe une cellule qui analyserait les différents scénarii face à une escalade de la guerre à l'ensemble des pays du Moyen-Orient d'où sont extraits 40 % du pétrole consommé dans le monde ?

Selon les estimations de la Banque mondiale, le baril de pétrole pourrait atteindre jusqu'à USD 157, soit une hausse de presque 80 % par rapport au cours du Brent à la fin d'octobre quand il était de USD 88 le baril. À n'en point douter, ce sera un scénario catastrophique pour la STC et pour le pays. Pour le moment, on ne sait pas si au ministère des Finances, ces grandes perturbations des approvisionnements du pétrole en provenance du MoyenOrient avec des hausses vertigineuses des prix à l'horizon, sont prises en compte dans l'analyse de ces différentes variables.

Dans cette mouvance, la Contribution sociale généralisée (CSG) et la publication du rapport annuel 2021-22 de la Mauritius Investment Corporation (MIC) demeurent les deux hot potatoes pour le gouvernement en place. Deux semaines après l'annonce du ministre Padayachy sur l'épuisement des cotisations de la CSG gérées par le Consolidated Fund, la polémique ne semble pas estomper malgré l'assurance du ministre. Il va sans dire que les retraités attendent le Premier ministre au tournant sur sa promesse électorale de Rs 13 500 à ceux de 65 ans et plus, puisées à partir des contributions de la CSG...

Parallèlement, la MIC, qui rend publics ses résultats financiers clos au 30 juin 2022 après 15 mois, suscite toujours des controverses. Entre la proposition du leader du Reform Party d'instituer une commission d'enquête pour faire la lumière sur les prêts aux 48 entités du privé dans le sillage du Covid d'un montant de Rs 48 milliards et les interrogations des spécialistes sur des profits de Rs 2,2 milliards, il y a tout un questionnement sur ces paper gains découlant d'une réévaluation des actifs des sociétés bénéficiaires des financements de la filiale de la MIC.

Entre l'attrait du pouvoir et les urgences sociétales, le choix est souvent difficile. Sauf qu'en période de crises géopolitiques, il faut revoir les priorités.

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