Une première dans les annales de la migration irrégulière au Maroc. Des dizaines de jeunes Marocains originaires de Béni Ensar, Farkhana et Nador ont tenté lundi une traversée vers Mellilia en sautant la barrière séparant ce préside occupé du reste du Maroc.
Inédit
« Il s'agit de 80 jeunes Nadoris ou issus de la région qui ont tenté de franchir, lundi vers 23h30, la barrière entre Bario Chino et Béni Ensar », nous a déclaré Omar Naji, président de l'AMDH-section Nador. Et de préciser : «Aucun migrant subsaharien, soudanais ou marocain (originaire des autres régions) n'a été identifié parmi les acteurs de cette tentative de franchissement. Cette opération a été marquée par une grande mobilisation des forces de l'ordre marocaines qui ont utilisé des bombes fumigènes. Le nombre de blessés reste inconnu. Mais des cas graves ont été transférés à l'hôpital Hassani et presque une dizaine de migrants ont pu traverser».
Fermeture
Concernant les causes de cette opération de franchissement, notre interlocuteur pointe du doigt la fermeture des frontières avec Mellilia et l'Algérie et les conséquences économiques et sociales résultant de cette fermeture sur la jeunesse de la région. « Aujourd'hui, toutes les issues vers l'Espagne sont bouchées. En fait, l'accès terrestre vers Mellilia n'est plus libre et la voie de migration gratuite effectuée par nage est devenue plus difficile. Notamment avec le resserrement des contrôles au niveau de la plage de Boucana et d'Abdouna Trifa. Les jeunes sont aujourd'hui victimes de désespoir et d'appauvrissement. Ils se sentent comme des laissés-pour-compte», nous a-t-il expliqué. Et d'ajouter : «Pour rejoindre l'Europe, via des vedettes fantômes ou jet-skis, il faut payer plus de 100.000 DH (soit 10.000 euros). Une somme jugée exorbitante vu les moyens financiers dont dispose cette jeunesse appauvrie et exclue».
Durcissement
S'agissant de la situation des migrants subsahariens dans la région, notre source nous a indiqué qu'il est aujourd'hui quasi impossible de franchir les barrières et que la zone est fermée devant toute personne désirant rejoindre l'Europe via Mellilia. «Les forêts sont actuellement sous surveillance étroite des autorités et le peu de Subsahariens restant dans les parages sont installés loin, voire très loin des barrières. Les plus déterminés parmi eux partent vers le sud pour tenter leur chance à partir de villes comme Tan-Tan, Tarfaya ou Laâyoune pour rejoindre les Iles Canaries », nous a-t-elle affirmé. Et de préciser : « On constate, par contre, que les migrants soudanais sont de plus en plus nombreux à quitter le Maroc vers la Tunisie où les départs vers l'Europe sont jugés plus faciles ».
Contrôle
Une situation que confirment des données du ministère de l'Intérieur marocain, relayées par plusieurs médias, qui indiquent qu'une centaine de tentatives de rejoindre Sebta et Mellilia ont été avortées au cours des cinq dernières années, impliquant quelque 17.500 migrants. A rappeler qu'en 2022, 16 tentatives ont été enregistrées concernant les deux présides occupés et une seule au cours des cinq derniers mois de 2023, grâce au renforcement des mesures de lutte contre la migration irrégulière, toujours selon la même source.
Les statistiques du département de l'Intérieur indiquent également que 366.000 tentatives de migration irrégulière vers l'Europe ont été avortées au cours des cinq dernières années. Rien qu'au cours de 2022, plus de 70.000 personnes ont été interceptées. Ces données comprennent également le sauvetage de plus de 90.000 migrants en situation irrégulière au cours de la même période. Plus de 12.000 personnes ont été sauvées en mer en 2022 contre 3.150 en mai 2023.
Au cours de l'année écoulée, environ 117 réseaux criminels impliqués dans le trafic d'êtres humains ont été démantelés. Au cours des cinq dernières années, 1.500 réseaux l'ont été également, toujours selon les données publiées par le ministère marocain de l'Intérieur.
Concernant la situation au niveau des Iles Canaries, les données récemment mises à jour par le ministère espagnol de l'Intérieur révèlent que 36.814 immigrants sont entrés illégalement en Espagne jusqu'au 15 octobre dernier. Des chiffres considérés comme supérieurs de 46,3% par rapport à ceux de la même période de l'année dernière marquée par l'interception de 11.645 personnes. Les mêmes données confirment que la plus forte augmentation a été enregistrée dans les Iles Canaries, avec une hausse de 79,4%, soit 10.415 immigrants de plus.