Josée-Marie M. Tasoki, Haut Magistrat au Conseil d'Etat
Monsieur le Conseiller,
Dans votre ouvrage «Procédure pénale congolaise», vous prônez une justice fondée sur le respect des droits de l'homme et de l'Etat de droit, et je suis convaincu que vous partagez ce même souci pour la justice administrative en tant que professeur de droit.
Je tiens à rappeler que l'audience que vous avez présidée concernant la requête en référé-liberté ROR 697 a eu lieu le 2 octobre 2023. Vous aviez alors insisté pour que je dépose ma note de plaidoirie dans les 24 heures, afin de vous permettre de vous prononcer dans les 48 heures, conformément au délai requis pour une requête en référé-liberté. Ma part de cette démarche a été respectée, puisque j'ai déposé ladite note le 3 octobre 2023.
Cela laissait amplement de temps au Conseil d'Etat pour statuer avant la date butoir de réception des candidatures par la CENI, fixée au 8 octobre 2023 à 15 heures.
Malgré cela, la décision du Conseil d'Etat est restée en suspens, laissant ainsi la porte ouverte à diverses interprétations, et plus grave que je n'ai pas été inscrit sur la liste provisoire de candidats à la présidentielle publiée par la CENI le 20 octobre 2023.
En phase de traitement des contentieux, la Cour Constitutionnelle a déclaré mon recours irrecevable le 30 octobre 2023, évitant ainsi de se prononcer sur le fond de la requête et renvoyant la responsabilité vers le Conseil d'Etat.
Il est essentiel de noter que le Conseil d'Etat et la Cour Constitutionnelle jouent un rôle crucial dans le respect de la Constitution congolaise. La Cour Constitutionnelle est chargée de vérifier la constitutionnalité des lois, tandis que le Conseil d'Etat veille à la régularité des actes administratifs.
La requête en référé-liberté sur votre table est de la sphère administrative.
Par conséquent, il est indéniable que le Conseil d'Etat est l'instance adéquate pour trancher sur ma candidature.
Il est vrai à présent plus qu'hier d'autant plus que la CENI se justifie en indiquant l'absence de procédure établie par le législateur pour traiter une candidature lorsqu'un justiciable saisit le Conseil d'Etat, et ce dernier ne se prononce pas avant la date limite de réception des candidatures. Et vaguement, la Cour Constitutionnelle semble appuyer la CENI, rejetant ainsi la responsabilité sur les législateurs et, de manière plus préoccupante, sur la victime.
Sur le procès Kamerhe, vous avez écrit : « En l'espace de 10 jours, les juges ont pu écrire et prononcer leur décision. Félicitations à eux », et a ajouté que « cette prouesse extraordinaire ne doit cependant pas faire oublier la lenteur qui gangrène l'administration de la justice au Congo ».
Je ne suis pas sûr de la raison pour laquelle nos chemins se sont croisés, mais il est inévitable que nous établissions un précédent, pour le meilleur ou pour le désastre. Il ne s'agit pas de moi ni de ma candidature, mais de déterminer le cours de l'histoire d'un point de vue idéologique.
Nous disposons à présent d'un peu plus d'une semaine avant la publication de la liste définitive des candidats à l'élection présidentielle, prévue selon le calendrier de la CENI pour le 18 novembre 2023. Il semble que l'excuse d'une période de 48 heures insuffisante pour statuer sur une question aussi sensible qui mettrait à mal non seulement la Cour Constitutionnelle mais aussi l'ensemble de la justice dans son ensemble ait perdu sa pertinence, car plus d'un mois s'est écoulé depuis.
La question essentielle demeure : la Cour Constitutionnelle a-t-elle enfreint la loi en ne répondant pas à un requérant dans le délai de 30 jours exigé par l'article 160 alinéa 4 de la Constitution ?
Il me semble déraisonnable d'introduire une nouvelle requête en référé-liberté au Conseil d'Etat, basée sur un recours la Cour constitutionnelle, alors que cette dernière a ignoré une question d'inconstitutionnalité et a ainsi renvoyé la balle dans votre camp. Cela n'a pas de sens, mais je dois avouer que cela me tente car ma détermination est inébranlable comme semble être la misère en RDC.
Ce qui importe le plus, c'est que vous vous prononciez, dans un sens ou l'autre.
A vous, désormais, de répondre aux attentes des générations actuelles et futures de la RDC.
Je vous prie d'agréer, Monsieur le Conseiller, l'expression de mes sentiments patriotiques.