Cameroun: Testicules de Hugues Seumo - La corruption, une marque de fabrique au Cameroun ?

9 Novembre 2023
opinion

Une maxime dit qu' « on ne peut pas tromper le cours du temps ». La pertinence de cette vérité se révèle chaque jour davantage dans le modus vivendi des Camerounais où, la corruption est devenue une marque de fabrique

Tout travail mérite sa bière. Ce n'est pas nous qui le disons. Nous l'avons lu récemment à l'occasion d'une célébration locale sur une des grandes banderoles déployées entre deux poteaux électriques dans une ville camerounaise. Cela n'étonne sûrement personne car, on ne s'empêche plus au Cameroun à étaler aux yeux du monde une pratique honteuse

Récemment, Transparency International dans la publication de la liste de pays les plus corrompus du monde, mentionnait qu'en Afrique, le Cameroun occupe la 34ième place et la 130ème sur le plan mondial.

Comme à l'accoutumé, le Ministre de la communication s'était une fois de plus illustré en tant qu'avocat défenseur de l'indéfendable. Virtuose de la transhumance et des voltiges politiques, il a tout fait pour affirmer que la corruption telle que décrite par Transparency Internationale n'est qu'une « manipulation à des buts nuisibles pour la réputation du Cameroun »

Pourtant, le haut niveau de corruption au Cameroun reste une spécificité du pays. Malgré de nombreux plans ou lois de lutte contre la corruption, la pratique reste une constante de la vie de tous les jours au Cameroun. Au Cameroun, les appétits dominent et triomphent

À tous les niveaux de l'État, les fonctionnaires sont presque tous corruptibles. En effet, les fonctionnaires, pour obtenir leur poste ou être mutés, doivent être « parrainés » ou « aidés » et ce, souvent, dès l'ENAM ( Ecole Nationale de l'Administration et la Magistrature). Le « parrain » attend ensuite de la part du fonctionnaire une reconnaissance qui n'est pas seulement verbale. Ce genre de pratique aurait aussi lieu au plus haut niveau de l'Etat

Exemples issus de la vie courante :

Contrôles de police : La corruption des officiers de police (appelés de façon populaire mange-mille) oblige parfois les conducteurs à payer un pot-de-vin lors du contrôle de leur véhicule.

Les concours comme celui pour devenir policier, gendarme, administrateur civil, sont très convoités. Malheureusement, beaucoup et plus précisément les pauvres, s'abstiennent de concourir étant donné le degré de corruption qui entoure ceux-ci.

Dans de telles circonstances, qu'en est-il du fils du paysan qui a pourtant les connaissances et les aptitudes nécessaires, mais qui n'a pas les moyens de payer pour voir son nom apparaître sur la liste ?

De plus, pour ceux qui se résignent à payer, il n'y a aucune garantie de voir leur nom sur la liste ; auquel cas, ils ne pourront même pas porter plainte !

Dans le pays, « les gens capables »- issus de familles modestes - perdent ce genre d'opportunité au profit d'autres qui ne sont pas à même d'effectuer ledit travail correctement.

La corruption serait-elle la cause de la baisse continue du niveau intellectuel des étudiants actuels, ou est-ce l'inverse ? Ce n'est pas étonnant si le niveau des étudiants se dégrade d'année en année.

A l'heure actuelle, même le cancre des cancres ne craint plus d'échouer aux examens, car il existe toujours une personne que l'on peut payer pour voir ses notes s'améliorer. Ce qui est une honte !

La population appauvrie par un système, est de plus en plus vulnérable à la corruption. C'est à elle qu'on demande le plus d'offrir de l'argent ou de cadeau pour éviter un problème ou pour obtenir un service. Plus grave encore, la corruption touche les élites, et gagne du terrain en haute sphère, jusqu'au plus haut niveau des autorités.

Les secteurs les plus touchés par la corruption au Cameroun sont la justice, la police, le service foncier, les domaines de la santé et de l'éducation.

La corruption n'infeste pourtant pas que les services publics, elle touche aussi le secteur privé, et les institutions étatiques

Pots de vin, extorsion, népotisme, ententes secrètes minent les milieux d'affaires, où si ce ne sont pas les pouvoirs publics qui font pression sur les entreprises, ce sont des sociétés qui offrent elles-mêmes de fortes récompenses pour obtenir des autorisations, des marchés ou pour se soustraire à l'impôt et aux droits de douane.

Au Cameroun, nul ne conteste la dégradation de la qualité du vivre-ensemble. Les valeurs constitutives de notre identité sont assurément présentes dans les esprits comme dans les discours, mais elles semblent avoir perdu leur force opératoire. Le mérite, le respect des droits de l'autre, qui valaient au Cameroun l'estime des autres nations dans les années 70, ont largement disparu des pratiques sociales.

L'avenir ne se construit pas dans l'attente d'un homme providentiel qui viendra vous « pistonner ». Il se construit avec des citoyens honnêtes et compétents, et des responsables dévoués au bien commun, respectueux des droits de chacun et sachant écouter une société civile vigilante.

La corruption au Cameroun est érigée en système et nous ne sauverons pas notre pays si nous n'en prenons pas conscience. La corruption conduit inéluctablement à un patricide car chacun se sert au lieu de servir le pays ou le peuple et quand la volonté individuelle combat la volonté collective, quand l'intérêt de sa petite personne est au-dessus de l'intérêt de tous, c'est la communauté qui se meurt.

Si nous ne consolidons pas l'intérêt collectif, le Cameroun ne nous appartiendra plus d'ici l'an 2035... année dit-on de l'émergence du Cameroun. Dans la volonté de se servir dans la corruptibilité et le vol, nous aurons fini de vendre notre pays aux étrangers au travers de la corruption qui nous aveugle. Si tout cela continue, le Camerounais risquera d'être étranger chez lui. Si ce n'est pas déjà le cas..

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