Ile Maurice: L'ombre d'un nouvel aéroport plane sur le site

860 arpents équivalant à la taille d'un petit village intéressent le groupe immobilier français, PR Capital. Ce dernier est le quatrième prétendant pour ces terres jugées par les opposants à ce projet comme ayant une valeur écologique inestimable. Remontée dans le temps.

Aussi surprenant que cela puisse paraître, cet immense terrain ou plutôt forêt appartient aux banques BCPE et ABSA (ex-Barclays), la première détenant la plus grosse part. Ces banques y avaient mis la main lorsque les précédents propriétaires, le Français Jean-Marie Bain et son partenaire mauricien Cassiopée (Ile Maurice) Ltée avaient abandonné leur projet d'IRS en 2010 car ils n'avaient pu lever les fonds nécessaires pour la construction des villas, magasins et autres infrastructures. Les deux banques avaient alors mis Roches-Noires Resorts and Residence Ltd de Jean-Marie Bain sous administration judiciaire (une sorte de Receivership). Ce consortium avait lui-même repris en 2007 le projet abandonné en 2006 par le Sud-Africain Elan Group.

Et après l'abandon du projet par Roches Noires Resorts and Residence Ltd, le Receiver Manager a reçu une offre du groupe chinois YIHE en 2012 qui promettait, tout comme PR Capital, d'investir Rs 44 milliards tout en préservant les zones sensibles. Son projet ? hôtel de luxe, centre de loisir, centre commercial, «business zone», une zone de résidence - probablement des villas - et l'inévitable centre de conférence. Les dirigeants débarqueront même à Maurice en avril 2015 pour rencontrer le nouveau gouvernement afin de régler un problème épineux : en 2013, l'Aviation Civile avait mis son veto au projet car, disait-elle, le terrain était réservé pour le projet de deuxième aéroport, qui renaissait ainsi de ses cendres.

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Vishnu Lutchmeenaraidoo, ministre des Finances de l'époque, annonçait d'ailleurs au Parlement le 10 avril 2015, en réponse à une PNQ de Paul Bérenger, que le nouveau gouvernement a décidé qu'il n'y aura pas de deuxième aéroport. Et qu'ainsi, le «prétexte» utilisé par le gouvernement travailliste tombait à l'eau et que «we are on the point of finally kicking off the project». Mais encore une fois, le projet sera abandonné, le promoteur faisant état de problèmes de financement. Cela, bien que, selon une source, après une étude tardive de marché, YIHE ait en réalité conclu que le projet n'était pas viable. L'avance - dont on ignore le montant - qu'elle avait versée aux banques créancières était non-remboursable.

Et maintenant, il y a ce quatrième prétendant officiel, PR Capital, qui présente à peu près le même projet immobilier que celui de ses prédécesseurs valant environ Rs 41 milliards. Le porte-parole de PR Capital, Nicolas de Chalain, nous confirme que le terrain sera acheté pour faire des projets et lotissements de moindre envergure si PR Capital n'obtient pas les autorisations nécessaires pour faire la Smart City dont le fameux certificat EIA. Il réitère qu'un développement sous le Smart City Scheme permet cependant de «better land use and planning» et un vrai projet pour la préservation de l'environnement.

Toutefois, les opposants à ce projet se demandent comment le promoteur pourrait-t-il morceler et vendre un terrain qui ne lui appartient pas encore. Car «PR capital s'est juste engagée dans un Compromis de Vente avec les deux banques». De Chalain répond : «Il est vrai que le terrain n'a pas encore été payé intégralement et que le compromis de vente fait avec les deux banques repose sur un projet de Smart City. En l'absence de permis, les promoteurs achèteront quand même le terrain.» Nicolas de Chalain n'a pas voulu nous dire combien d'acompte il a versé mais qu'il est convaincu qu'en cas d'abandon du projet, les banques le lui retourneront.

Le retour de l'aéroport

Cependant, un autre très gros os se profile à l'horizon : le projet d'aéroport vient d'être ré-ré-activé. Pourtant, Vishnu Lutchmeenaraidoo avait, le 10 avril 2015, promis qu'il n'y aura pas de deuxième aéroport. Selon un document que nous avons pu consulter, il est écrit noir sur blanc qu'en vue du projet de construction du Northern Airport, la Smart City devra laisser 20 mètres de zone tampon entre elle et le site du projet d'aéroport sur la partie convergente. Selon Osman Mahomed, qui connaît ce projet, «s'il y aura à terme un aéroport à côté, je me demande qui voudra acheter une villa ou un appartement dans la Smart City !» Tout en se demandant si la construction d'un second aéroport est souhaitable économiquement et écologiquement pour le pays. Sollicité, le directeur de l'Aviation Civile n'est pas revenu vers nous.

Il faut se rappeler qu'en 2013, l'Aviation Civile n'avait pas permis au promoteur YIHE de faire sa Smart City alors que PR Capital, elle, pourra le faire à condition de respecter la zone tampon. PR Capital ira-t-elle de l'avant tout en sachant qu'un aéroport pourrait être construit juste à côté ? Nicolas de Chalain est d'avis que cela ne posera pas de problème. «Combien de gens habitent près des aéroports dans le monde ! Si c'était le cas, les gens qui habitent Roches-Noires et qui cherchent la tranquillité devraient se délocaliser.» Mais les clients de la Smart City ne recherchent-ils pas la tranquillité ? lui avons-nous demandé. «Pas nécessairement, plusieurs développements fonciers se font autour des aéroports en France - notamment Marseille, Toulouse, Nice - et sont dotés d'un plan de protection contre les gênes sonores et des techniques d'isolation et qui consistent à déterminer quels espaces géographiques sont touchés par les nuisances causées, en fonction de la proximité de leur habitat par rapport à l'aéroport.»

Il nous informe également que le financement proviendra en principe des investisseurs de l'étranger mais que des Mauriciens pourront aussi investir dans le projet. Et les clients ? «Nous sommes ouverts aux clients étrangers et mauriciens. Et les ventes seront effectuées par VEFA et qui seront en majorité en self-financing.» Les banques locales pourront aussi être approchées, selon lui.

Déclaration de Rezistans ek Alternativ

«Le patrimoine naturel de Roches Noires constitue les boucliers naturels qui nous protègent des désastres du dérèglement écologique. Dans le contexte de la 6ème extinction de masse de la biodiversité et du franchissement des limites d'équilibres des écosystèmes planétaires, tous deux à cause d'un modèle économique mondialisé destructeur, nous devons changer de paradigme économique et dans ce cas arrêter la monoculture du développement foncier.

Rezistans ek Alternativ propose que les habitants de Roches Noires et des régions avoisinantes (allant de Rivière du Rempart à Flacq) soient décideurs et bénéficiaires d'un nouveau modèle économique d'intérêt public en harmonie avec ce trésor vivant.

L'Etat Mauricien doit procéder à la "compulsory acquisition" de ces terres, sous la section 8.1(a) de notre Constitution "to promote the public benefit or the social and economic well-being of the people of Mauritius" [1], afin de placer ce site dans le domaine public, le déclarer inconstructible, imprescriptible, insaisissable et inaliénable. Cela posera la fondation pour permettre la transition vers de nouveaux modèles économiques harmonieux avec la Nature.

La pandémie de la COVID-19 et la mise en mouvement populaire pour contrer la marée noire du MV Wakashio nous apprennent que le moment est venu pour nos concitoyens de s'émanciper hors du modèle désormais obsolète du CSR et des fondations des conglomérats.

Les groupes bancaires BPCE INTERNATIONAL ET OUTRE MER et ABSA BANK (MAURITIUS) LIMITED qui possèdent les titres de propriétés de ce site, suite à la mise en liquidation de la société ROCHES NOIRES RESORTS & RESIDENCE LTD en septembre 2019 portent ici une lourde responsabilité quand à leur devoir de vigilance face à un écocide en préparation.»

David Sauvage Rezistans ek Alternativ

[1] Article 8. Protection from deprivation of property (1) No property of any description shall be compulsorily taken possession of, and no interest in or right over poverty of any description shall be compulsorily acquired, except where - (a) the taking of possession or acquisition is necessary or expedient in the interests of the defence, public safety, public morality, public health, town and country planning, the development or utilisation of any property in such a manner as to promote the public benefit or the social and economic well-being of the people of Mauritius; and

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