Afrique: Près de Dakar, le drame de l'émigration clandestine ne dissuade pas les candidats au départ

Le drame de l'émigration clandestine et ses décomptes macabres quasi-quotidiens se poursuit au Sénégal. Depuis septembre, les chiffres sont vertigineux : avec plus de 32 000 personnes venues du pays qui ont débarqué aux îles Canaries en quelques semaines, mais aussi des dizaines de morts presque chaque semaine. Le 9 novembre 2023, le président Macky Sall a appelé à la prise de mesures sécuritaires et économiques d'urgence. Mais pendant ce temps, rien ne semble arrêter l'exode des jeunes Sénégalais par la mer, comme dans la commune de Bargny, à 30 kilomètres de Dakar.

Attablé à un jeu de dame, les pieds dans le sable à l'ombre d'un auvent en tôle, Abdurrahmane, rentré bredouille de sa pêche, se souvient avoir eu des sueurs froides lundi quand il a appris qu'une pirogue partie samedi s'était échouée sur une plage de Dakar : « Le fils de mon frère était à bord. Quand on a entendu que le bateau avait chaviré, ça a été un vrai choc, on a eu très peur ! Mais beaucoup de gens ont ressenti beaucoup de douleur. »

« Bien sûr, je repars, car ici c'est trop dur »

À bord, il y avait au moins 250 personnes. Le neveu d'Abdurrahmane fait partie des 37 qui ont pu être sauvés. Saliou, lui, est revenu la veille, rapatrié en voiture après avoir fait naufrage au large de la Mauritanie. Peu lui importe que la traversée en novembre soit de plus en plus dangereuse. Il n'attend qu'une chose : repartir. « Bien sûr, je repars, car ici c'est trop dur, lance-t-il. On n'a plus envie de rester dans ce pays car ici on n'y arrive pas, c'est une question de survie ! Je veux pouvoir nourrir ma femme, ma mère, construire une maison et pour cela je suis prêt à tout ».

Parmi les 15 pêcheurs sur cette plage de Bargny, tous ont minimum un membre de leur famille qui a fait la traversée jusqu'en Espagne. Pour Pape Diouf, 40 ans, diplômé en droit des affaires et maçon, c'est un problème structurel : « C'est une mauvaise politique pour la jeunesse, estime-t-il. Parce qu'il faut comprendre que pour le Sénégal, ce sont les jeunes qui dominent. Actuellement, les jeunes ne parviennent pas à trouver quelque chose d'adéquat, pour leur devenir. C'est la raison pour laquelle on voit ce qui se passe avec l'immigration clandestine ».

Au Sénégal, 75% de la population a moins de 35 ans, un défi énorme que le gouvernement peine à relever. Pape, lui aussi, promet qu'il partira dès qu'un passeur sera prêt à le faire traverser gratuitement, et ce même s'il a 2 enfants.

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