Cote d'Ivoire: La chronique de Venance Konan - Gbagbo à la retraite ?

10 Novembre 2023
opinion

Ça bouge beaucoup en ce moment au Parti des peuples africains- Côte d'Ivoire (PPA-CI), le nouveau parti de Laurent Gbagbo. Des têtes tombent, de nouvelles sont promues, sur un fond de grogne que la propagande du parti n'arrive plus à cacher. Il y a d'abord eu la Bérézina qu'ont constitué pour ce parti les dernières élections municipales et régionales.

Il n'est arrivé en tête que de deux communes et n'a conquis aucune région. L'explication officielle de cette débâcle est qu'il y a eu une fraude massive. Sinon, tout allait bien dans le meilleur des mondes pour ce parti qui normalement aurait dû être le grand vainqueur de ces élections. Mais on oublie vite que le PPA-CI avait fait l'impasse sur la moitié nord du pays où il n'avait présenté aucun candidat, que Laurent Gbagbo lui-même s'était tiré une balle dans le pied en fracturant son parti en plusieurs morceaux antagonistes, pour des raisons purement personnelles, et qu'il y a eu les questions des moyens financiers et des conflits de personnes au sein du parti. Comme l'ont confié certains cadres de ce parti à notre confrère Jeune Afrique « les candidats sont allés, la fleur au fusil, alors que le parti n'était pas assez implanté. Dans certaines zones, nous avions la capacité de créer quatre ou cinq fédérations, mais nous nous sommes finalement retrouvés avec une seule à cause de divisions entre représentants locaux. »

Et puis, il y a l'équation personnelle de Laurent Gbagbo. Laissons la parole à l'essayiste André Julien Mbem, auteur de plusieurs ouvrages sur Laurent Gbagbo, cité par Jeune Afrique : « Après dix ans d'absence, il est indéniable que Laurent Gbagbo a du mal à retrouver ses marques. Quand il revient d'exil à l'aube des années 90, il s'agit d'un retour idéologique. Face à Houphouët-Boigny, il incarne une alternative politique. Mais quand il rentre au pays après sa détention, c'est davantage le symbole, le « miraculé », que l'on célèbre, et non l'incarnation d'une nouvelle vision pour la Côte d'Ivoire. » Laurent Gbagbo avait cru pouvoir rebondir en sabordant son Front Populaire Ivoirien (FPI) qui avait laissé une image plutôt désastreuse dans l'esprit de bon nombre d'Ivoiriens à cause de sa gestion calamiteuse de l'Etat, et en créant un parti qu'il voulait désormais panafricaniste. D'abord, que dit le panafricanisme aux militants de base de Laurent Gbagbo, dont l'une des caractéristiques est plutôt la xénophobie ? De quelle façon le panafricanisme peut-il galvaniser les anciens militants du FPI ? Ensuite, quelles actions Laurent Gbagbo lui-même et les cadres de son parti ont-ils menées pour afficher le caractère panafricaniste de leur parti, et peut-être éduquer leurs militants à cette vision ? Lors de l'une de ses dernières prises de parole, le grand leader qu'il est a, après avoir dénoncé la fraude dont son parti aurait été victime, déploré la grande pauvreté dans laquelle vivrait une partie de la population ivoirienne, et demandé que l'on parle de la drogue appelée Kadhafi. Qu'y a-t-il de panafricaniste dans ces propos ?

Ils sont de plus en plus nombreux, les anciens admirateurs de Laurent Gbagbo qui estiment que l'heure de la retraite a sans doute sonné pour lui. C'est le point de vue que nous avions exprimé depuis son retour, pour son honneur. Certes, la politique est peut-être le carburant qui le fait fonctionner. Mais l'on peut faire de la politique sans être dans la politique. Nous avons l'exemple de Nelson Mandela. Après un seul mandat, il s'est retiré du pouvoir. Mais il n'a jamais été aussi influent qu'à partir de cette décision. Imaginons qu'après son retour de la Haye, Laurent Gbagbo ait dit qu'il se retirait dans son village de Mama pour écrire ses mémoires. D'abord le peuple, qui n'a aucune mémoire, aurait déjà oublié toutes ses turpitudes passées, ensuite il serait devenu une icône que l'on serait venu consulter de loin. Et il serait alors devenu un grand homme. Mais on ne s'improvise pas grand homme. Dommage pour lui.

AllAfrica publie environ 500 articles par jour provenant de plus de 100 organes de presse et plus de 500 autres institutions et particuliers, représentant une diversité de positions sur tous les sujets. Nous publions aussi bien les informations et opinions de l'opposition que celles du gouvernement et leurs porte-paroles. Les pourvoyeurs d'informations, identifiés sur chaque article, gardent l'entière responsabilité éditoriale de leur production. En effet AllAfrica n'a pas le droit de modifier ou de corriger leurs contenus.

Les articles et documents identifiant AllAfrica comme source sont produits ou commandés par AllAfrica. Pour tous vos commentaires ou questions, contactez-nous ici.