Des retours pas si volontaires que ça
Le Maroc s'apprête à accueillir 900 migrants marocains en situation irrégulière en Allemagne. La ministre allemande de l'Intérieur, Nancy Faeser, a obtenu, lors de sa récente visite au Maroc, l'aval des autorités marocaines concernant ce refoulement.
Selon frankfurter allgemeine zeitung, le Royaume aurait consenti à reprendre les ressortissants marocains ayant fait l'objet de décisions d'expulsion. Une décision critiquée par l'Organisation démocratique du travail (ODT) qui rejette l'expulsion forcée des migrants marocains, sans que ces derniers ne puissent exprimer leur désir de retour volontaire dans leur pays, dans le plein respect des conditions de réintégration et d'insertion.
En effet, nombreux sont les ONG et les chercheurs qui doutent du caractère véritablement « volontaire » des programmes de RVA (retour volontaire assisté). En réalité, peu de personnes souhaitaient réellement repartir. Les déboutés du droit d'asile, en particulier, ont de multiples raisons de ne pas vouloir rentrer (éventuelles menaces dans le pays d'origine, perte de l'accès aux soins, raisons économiques).
Il y a aussi cette question paradoxale ou ambivalente du retour : repartir au pays d'origine est vécu comme l'échec d'un projet d'émigration (pas de régularisation, échec de projets personnels ou familiaux).
A noter, cependant, que le Maroc figure au Top 5 des pays hôtes accueillant les migrants en retour en 2022. Il occupe la 3ème place avec l'assistance de 2.457 migrants. Il est devancé par la Libye (11.200) et le Yémen (4080). La Tunisie et l'Algérie arrivent respectivement en 4ème et 5ème positions avec 1.607 et 1.306 migrants assistés. Le Maroc fait partie également du Top 5 des pays d'origine avec 627 migrants assistés. Décryptage.
L'Organisation démocratique du travail (ODT) dit non aux expulsions des migrants marocains en Allemagne. Elle rejette, en effet, l'expulsion forcée des migrants marocains, sans exprimer leur désir de retour volontaire dans leur pays et dans le plein respect des conditions de réintégration et d'insertion.
Elle appelle également au respect des droits humains et fondamentaux des migrants et des réfugiés et demandeurs d'asile, à s'abstenir d'expulsions forcées et répressives pour des motifs politiques et électoralistes, et à ce que la priorité soit donnée aux solutions alternatives centrées sur les droits de l'Homme, fondées sur un règlement global de leur situation, accordant un statut légal aux immigrés marocains et mettant fin au phénomène de détention des enfants.
Deux poids deux mesures
Dans un communiqué publié récemment, cette organisation syndicale considère que « tous les migrants, réfugiés et demandeurs d'asile doivent être protégés et traités avec dignité, en respectant pleinement leurs droits, quels que soient leurs statuts, conformément au droit international ».
A ce propos, l'ODT critique la décision allemande visant à renvoyer 900 immigrés marocains irréguliers dans leur pays d'origine. Selon elle, Berlin et les autres pays européens poursuivent leur politique hypocrite de migration basée sur les expulsions des migrants irréguliers et l'accueil des compétences pour lesquelles « le Royaume du Maroc dépense chaque année des millions de dirhams pour leur formation pour ensuite les livrer sur un plateau d'or à l'Allemagne ou à d'autres pays européens, au Canada, aux Etats-Unis d'Amérique... »
Le communiqué en question précise, en outre, que « le nouveau projet d'expulsions allemand cible particulièrement les Arabes, les musulmans et les Africains en général » en expliquant que « les migrants de ces pays sont souvent expulsés d'une manière qui viole les principes des droits de l'Homme et les normes internationales interdisant l'expulsion collective et le principe de non-refoulement sans motif valable ».
En effet, ajoute le document, les expulsions se font selon le procédé de « recourir de plus en plus à la détention des migrants et à leur renvoi dans leur pays d'origine, sur la base de justifications avancées non fondées, voire même la conclusion d'accords bilatéraux avec leurs pays d'origine, moyennant une aide financière misérable notamment avec certains pays africains, du Maghreb, la Syrie, le Soudan, le Yémen et la Libye ».
Mettre fin aux expulsions
Pour l'ODT, il est temps d'abandonner « tout accord visant à expulser abusivement les Marocains en situation irrégulière contre leur gré, avec l'obligation de respect des droits des migrants et de leurs familles conformément aux conventions internationales, tout en envisageant un retour volontaire et sûr dans le cadre de la réintégration dans leur pays d'origine ».
L'Organisation démocratique du travail exige aussi de « mettre fin aux violations des droits humains des migrants réguliers et irréguliers et à toutes les formes de discrimination et d'exclusion dans tous les domaines économiques et sociaux, en respectant les instruments internationaux relatifs aux droits de l'Homme et les conventions sur la migration et en mettant en oeuvre la Charte de Marrakech pour des «migrations sûres, ordonnées et régulières» ainsi que la résolution adoptée par l'Assemblée générale le 19 décembre 2018.
« Il faut garantir l'accès aux services de base, notamment la santé, l'éducation et le soutien social, sans discrimination; éliminer la discrimination, combattre les discours de haine et la traite des êtres humains, interdire les expulsions collectives et les refoulements de tous les migrants, et garantir que le retour soit sûr, digne et que la réintégration soit durable », a conclu le bureau exécutif de l'ODT.
Déclaration d'intention
A rappeler que la ministre allemande de l'Intérieur, Nancy Faeser, a obtenu, lors de sa récente visite au Maroc, l'aval des autorités marocaines concernant le refoulement des migrants illégaux. Selon frankfurter allgemeine zeitung, le Royaume aurait consenti à reprendre les ressortissants marocains ayant fait l'objet de décisions d'expulsion. Il s'agit de près d'un millier de personnes qui ont déposé des demandes d'asile. La même source a révélé qu'au cours de l'année dernière, environ un millier de Marocains ont demandé l'asile en Allemagne, en ajoutant que le taux de reconnaissance reste faible.
Lors de cette visite, il y a eu la signature d'une déclaration d'intention commune entre les ministères de l'Intérieur des deux pays visant à renforcer la coopération dans les domaines de la sécurité, de la migration, de la protection civile et de la lutte contre les différentes formes de crime transfrontalier, sur la base de l'égalité, du traitement d'égal à égal, de l'intérêt commun et de l'estime mutuelle. La ministre allemande n'a pas caché la volonté de son gouvernement de signer un accord migratoire bilatéral plus large.