Sénégal: Ndiame Diop, directeur de l'hôpital régional de Ziguinchor - «Presque toutes les urgences sont prises en charge ici»

10 Novembre 2023
interview

L'établissement hospitalier régional de Ziguinchor continue d'accueillir les références des autres régions environnantes, malgré l'implantation d'hôpitaux modernes à Sédhiou et à Kolda, ainsi que celles des pays voisins notamment la Guinée-Bissau et la Gambie.

Depuis quelques temps, cette structure s'est agrandie, avec plusieurs services dont la neurochirurgie qui permet de prendre en charge des urgences longtemps référées à Dakar. Il s'y ajoute l'agrandissement de son service d'accueil, avec 30 lits. En visite à l'hôpital régional de Ziguinchor, son directeur, Ndiamé Diop, s'est ouvert à Sud Quotidien pour parler de l'organisation et des grands projets. Selon lui, avoir l'université Assane Seck dans la région est une aubaine car elle permet de résoudre le problème de déficit de personnel soignant. Entretien !

Comment est organisé l'hôpital régional de Ziguinchor ?

Par rapport à la présentation, c'est un hôpital régional ; mais on peut dire maintenant sous régional. Nous recevons des malades venant des pays limitrophes notamment la Guinée-Bissau et la Gambie. Mais, en dehors de cela, nous recevons des patients qui sont référés pour des cas compliqués, venant de Sédhiou et de Kolda, surtout concernant les césariennes. On peut dire que la position de notre hôpital est stratégique au niveau régional et sous régional. Nous avons, depuis quelques temps, l'accompagnement du ministère de la Santé en termes de ressources humaines, surtout pour les médecins spécialistes, mais aussi sur le plan matériel au niveau du bloc, du laboratoire. Ce qui nous permet de prendre en charge tout ce flux de patients qui vient de partout.

L'hôpital régional a très souvent souffert de panne de scanner. Ce problème est-il derrière vous ?

On ne peut pas dire que c'est derrière nous. Au niveau de cette zone, surtout là où l'hôpital est implanté, nous avons des problèmes récurrents d'électricité. Et ce sont ces problèmes qui créent toujours des pannes pour les scanners et autres. Maintenant, nous pouvons rendre grâce à Dieu, depuis quelques temps, 6 à 8 mois, on n'a pas de panne de scanner. Ce problème était aussi dû à l'exploitation abusive du scanner parce qu'au niveau de la zone, que ce soit à Sédhiou, Kolda à Ziguinchor, on avait qu'un seul scanner. Maintenant, Sédhiou a son scanner, ainsi que l'hôpital de la Paix de Ziguinchor. Ce qui réduit la charge.

Qu'en est-il de la maintenance ?

Vous avez touché là où nous avons beaucoup de problèmes. Effectivement, nous avons des techniciens, mais le problème de la maintenance au Sénégal, surtout au niveau des hôpitaux, ne se trouve pas dans l'entretien. En réalité, la plupart des matériels, les hôpitaux ne les achètent pas. C'est le ministère de la Santé ou les programmes qui nous les donnent, sous forme de dons. Eux, ils font les marchés (par Appels d'offres, ndlr) et les gens gagnent. Après, ce sont les fournisseurs qui nous les amènent directement et font l'installation. Mais, le problème majeur (de la maintenance au Sénégal, ndlr) est que quand les fournisseurs installent leurs matériels, ils ne forment pas nos techniciens et c'est juste une formation de deux à trois jours qu'ils font. Cette démarche ne permet pas de prendre en charge la réparation. C'est pourquoi, aujourd'hui, au niveau de la santé, on a ces problèmes-là. Les gens amènent le matériel, ils ont les codes qui restent entre eux.

Par rapport à la réparation comment l'hôpital procède-t-il alors ?

Pour la réparation, quand il y a panne, les techniciens des fournisseurs sont les seuls à pouvoir les réparer. Ils le font exprès. Ils vendent les réactifs ainsi que la réparation. Ce qui fait que les techniciens que nous avons dans l'hôpital ne peuvent que constater les pannes et, pour réparation, il faut forcément retourner vers le fournisseur pour le faire. Ce qui devait se faire, c'est quand on vend un matériel, on doit pouvoir former les techniciens qui sont sur place et qui sont des techniciens comme ceux des fournisseurs. Mais, si on ne les forme pas comme il se doit, ils ne pourront jamais réparer. Aujourd'hui, pour le faire, il te faut signer des contrats de maintenance allant de 500 mille et plus, par mois.

Ziguinchor reste une zone accidentogène. Qu'en est-il de la prise en charge des traumatismes ?

L'hôpital a beaucoup grandi en termes d'offre de soin. Quand je suis arrivé en 2021, on avait des services qui ne fonctionnaient pas. Si nous prenons le service de la cardiologie, on n'avait plus de spécialiste, pour la gastro, idem, ainsi que la neurochirurgie, l'orthopédie et la chirurgie. Nous avons aujourd'hui, la chance d'avoir seulement au niveau de la chirurgie trois spécialistes alors qu'il n'y avait qu'un pour toute la région. Par rapport à la neurochirurgie, ne serait-ce que pour l'hôpital régional, nous en avons deux dont un universitaire.

Pour la neurochirurgie, nous sommes dans une zone accidentelle. Et, chaque fois, on avait des problèmes de prise en charge. Les malades étaient référés à Dakar et on perdait presque 80% de nos références, à cause de l'état des routes. Aujourd'hui, on a la possibilité, le matériel et le personnel pour pouvoir prendre en charge tout ce qui est neurochirurgie. C'est une prouesse, une chance. Pour cela, nous remercions le ministère qui nous a accompagné.

Par rapport à l'orthopédie, nous avons trois spécialistes ainsi que des Docteurs en spécialisations (DES). En termes de prise en charge des accidents, c'est l'hôpital régional de Ziguinchor qui accueille. La chance que nous avons, par rapport aux autres, c'est que nous avons aussi le service d'urgence qui n'existe nulle part au Sénégal, même pas à l'hôpital Principal de Dakar. Nous avons un service des urgences qui prend en charge 30 patients. Et c'est le lieu de remercier les populations de Ziguinchor qui ont compris que leur problème se trouvait dans la prise en charge des urgences. Et c'est encore avec elles, à travers le téléthon, qu'on a construit ledit service d'urgence. On a perdu beaucoup de personnes du fait qu'il n'était pas bien pris en charge.

Et pour les AVC qui causent beaucoup de pertes en vie ?

En dehors des neurochirurgiens, nous avons un service de neurologie et un autre pour la neurochirurgie. Pour l'hypertension, l'Accident vasculaire cérébral (AVC) et autres, on les prend en charge sans problème. Nous avons aussi un service de néphrologie parce qu'en général ça va de pair, comme on a aussi un service de diabétologie. Et je suis en train de construire le deuxième centre de diabétologie, après Thiès, qu'on va inaugurer au mois de février, avec l'appui d'un partenaire qui a financé le projet.

Quels sont les autres projets de l'hôpital ?

C'est la construction d'un service de néonatologie, parce que le taux de mortalité est encore élevé, bien qu'avec l'appui du projet «Investir sur la santé de la mère, de l'enfant et de l'adolescent (Ismea)», nous avons fait beaucoup d'efforts. L'autre projet, c'est la création du service de chirurgie pédiatrique. Nous perdons beaucoup d'enfants. En le faisant, nous allons réussir la prise en charge totale pour les enfants. En troisième, c'est l'agrandissement de la morgue. A Ziguinchor, nous avons des musulmans, chrétiens et des animistes. Des gens restent pendant une semaine avant d'enterrer leurs morts et c'est un problème à l'hôpital. Les chrétiens ne peuvent pas garder leur corps dans les mosquées, ce qui fait que la demande ne peut être absorbée. La capacité de la morgue est infime par rapport à la demande.

La biologie reste le parent pauvre de la médecine, en termes de spécialistes. Quelle est la situation ici ?

C'est le problème que nous avons au niveau des hôpitaux. Cependant, à Ziguinchor, avec l'université, nous recevons des biologistes ainsi que des stagiaires pour nous accompagner. La chance de la région, c'est d'avoir l'université qui nous envoie des professeurs, des assistants. Toutefois, le problème réel au niveau des laboratoires, c'est les ruptures de réactifs à tous les niveaux. Ça peut être les moyens financiers mais aussi au niveau des fournisseurs.

Quel appel faites-vous à la population de Ziguinchor ?

Ayez confiance à l'hôpital. Les choses ont beaucoup changé et cela se voit à l'oeil nu. Quand vous arrivez à l'hôpital, vous voyez beaucoup de changements sur le plan de l'environnement, de l'accueil, mais surtout sur la prise en charge des soins. Venez ! N'attendez pas le dernier moment pour venir. Au niveau du ministère de la santé, que nous remercions beaucoup, nous disons à notre ministre qu'on a encore besoin de plus de moyen. On est enclavé et on est au Sud du Sénégal.

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