Afrique Centrale: Présidentielle en RDC - A Pretoria, l'opposition peut-elle parvenir à une candidature commune?

En RDC, près de 44 millions d'électeurs sont appelés aux urnes le 20 décembre 2023 pour un triple scrutin : législatif, provincial et présidentiel. Au total, 26 candidats sont en lice pour la magistrature suprême. Une élection qui va se jouer en un seul tour conformément à la Constitution congolaise. Une échéance électorale à laquelle devraient participer tous les ténors de l'opposition, sauf s'ils parviennent à un accord sur une candidature commune : les discussions commencent ce lundi 13 novembre en Afrique du Sud.

« Une élection à un tour, ça favorise forcément le président sortant qui a pour lui un appareil politique », explique sans détour un spécialiste des questions électorales. « Imaginez avec 26 candidats, si tout le monde fait 4%, il y en a un qui peut gagner avec tout juste 5% des suffrages et à peine 400 000 voix d'avance. » Des chiffres exagérés, mais qui illustrent bien la problématique dans laquelle se trouve désormais l'opposition congolaise : ne pas trop se diviser pour espérer l'emporter.

Il faut dire que les poids lourds de cette opposition sont quasiment tous sur la ligne de départ. Il y a eu des doutes, des hésitations, mais finalement, la Cour constitutionnelle a bien validé l'ensemble des dossier déposés devant la Commission électorale. Seul le clan de Joseph Kabila, président du pays de 2001 à 2019, ne présente officiellement pas de candidat puisqu'il boycotte le processus. Pour les autres, se pose désormais la question des alliances.

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« Pour battre M. Tshisekedi, il n'y a pas besoin d'une candidature commune », confiait récemment lors d'une interview à RFI le député du Kasaï-Central Delly Sesanga, l'un de ces candidats. Néanmoins, l'opposition se retrouve à partir de ce lundi en Afrique du Sud pour des discussions autour de ce sujet. Une problématique sur la table depuis de nombreux mois déjà. Il faut dire qu'en 2018, face au dauphin du président Joseph Kabila, Emmanuel Ramazani Shadary, un accord avait déjà été signé à Genève entre plusieurs membres de l'opposition. Accord rompu rapidement par Félix Tshisekedi et Vital Kamerhe, dont le ticket a finalement été déclaré vainqueur par la Commission électorale le 10 janvier 2019.

« Ne pas devenir l'homme à abattre »

Depuis, l'idée d'un Genève II a toujours été présente. « Évidement qu'il faut une candidature commune, confiait il y a quelques mois l'un des candidats. D'ailleurs, on a commencé à véritablement exister dans le débat quand on s'est regroupé en plateforme. Mais il faudra que l'on désigne un nom le plus tard possible pour qu'il ne devienne pas l'homme à abattre ». Attention, prévient Trésor Kibangula, analyste politique : « Cette fois-ci, il faut éviter les erreurs du passé et que cet accord tienne jusqu'au bout du processus. »

Cette plateforme de l'opposition, elle a vu le jour au printemps quand le candidat malheureux de la précédente présidentielle Martin Fayulu, l'ex-gouverneur du Katanga Moïse Katumbi, l'ancien Premier ministre Matata Ponyo et Delly Sesanga se sont retrouvés à Lubumbashi pour un premier échange. Depuis ce mois d'avril, les candidats sont restés en lien grâce à un groupe WhatsApp sur lequel ils ont rapidement invité le prix Nobel de la paix, novice en politique, le docteur Denis Mukwege, avant même l'annonce de sa candidature. Ce sont donc ces mêmes candidats qui vont désormais se retrouver pour envisager la suite du processus. Rendez-vous donné dès ce lundi à Pretoria, dans un lieu sécurisé et pour l'instant tenu secret. « On n'a pas voulu faire ça autre part que sur le continent, justifie un ténor de l'opposition. On a aussi décidé de laisser les voisins directs tranquilles ».

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Poser le cadre des négociations

Dans la capitale sud-africaine, ce sont d'abord des délégués qui vont échanger. L'objectif ? Poser le cadre des négociations. Chaque candidat a été invité à envoyer deux représentants par l'ONG In Transformation Initiative (ITI). Selon nos informations, Olivier Kamitatu et Hervé Diakiese représenteront Moïse Katumbi ; Jean Félix Senga et Devos Kitoko parleront pour Martin Fayulu ; quant à Matata Ponyo Mapon, ses émissaires seront Franklin Tshiamala et Cédrick Tombola. Si les choses avancent comme chacun l'espère, les candidats entreront alors en scène pour une réunion le week-end du 18 novembre, la veille de début officiel de la campagne électorale.

Seront aussi présents en Afrique du Sud des observateurs de la vie politique congolaise et notamment l'organisation de la société civile La Lucha. Ses membres ne cachent pas aujourd'hui leur souhait que le président Félix Tshisekedi quitte le pouvoir. « Ces enjeux obligent ces figures de l'opposition », avoue l'un des militants.

Une candidature commune qui ne va pourtant pas de soi. « Ça ne va pas être évident d'arriver à un accord, prévient un expert. Il y a de la méfiance, voire de la défiance entre ces candidats. Et puis, pour certains, la volonté de concourir risque d'être plus forte que le reste ». Un des candidats confirme que le but est avant tout de discuter et pas forcément de se mettre d'accord, ajoutant que chacun pense être le mieux placé pour l'emporter. Il y a aussi le risque qu'un candidat vienne pour ne pas donner l'impression de faire cavalier seul, alors qu'il compte rester dans la course coûte que coûte.

La question de la stratégie de Martin Fayulu, qui revendique toujours la victoire à la dernière présidentielle, revient également dans les discussions. « Il veut sa revanche de 2018, il semble le plus décidé à y aller, confie un participant à la réunion. On voit mal comment il pourrait renoncer. Mais avec son retrait du processus, il a un peu mis du plomb dans l'aile de la plateforme. Désormais, il est de retour, mais ce n'est pas toujours très clair. On ne voit pas où il va ». Quant à Moïse Katumbi, empêché jusqu'ici d'être candidat, c'est une occasion de mesurer son véritable poids électoral. L'arrivée du docteur Mukwege, nouveau venu en politique, change la donne. Alors que Matata Ponyo Mapon et Delly Sesanga peuvent incarner une nouvelle voie.

Le pouvoir en observateur

Pour Trésor Kibangula, analyste politique à Ebuteli, l'Institut congolais de recherches, la candidature unique, n'est pas indispensable, mais une position commune est souhaitable : « Je pense que le défi de ce camp aujourd'hui contre Félix Tshisekedi, ce sera de parvenir à recréer une nouvelle dynamique autour d'au moins une ou deux candidatures. Certains candidats doivent accepter de s'aligner. » Et Delly Sesanga et Matata Ponyo Mapon de renchérir : « Cette candidature, on en a besoin surtout pour éviter la triche. » Leur logique : avec moins de candidats, il y aurait moins de dispersion de voix, ce qui compliquerait les tripatouillages électoraux.

Cette alliance s'arrêtera-t-elle à ces cinq personnalités ? C'est aussi la question à laquelle vont devoir répondre les émissaires cette semaine en Afrique du Sud. D'autres candidats pourraient prendre le train en marche. Dans l'entourage de l'ancien militant de la société civile Floribert Anzuluni et de l'homme d'affaires Seth Kikuni, on regrette que l'invitation de l'ITI n'ait pas été plus large. « En fait, il y a des divisions entre les candidats, certains sont pour une ouverture de la plateforme, d'autres non. On verra ce qui va en ressortir », précise un proche de Floribert Anzuluni.

Des discussions que suivra bien sûr de près le pouvoir en place. « Leur seule chance contre nous, c'est d'arriver à s'unir. Car au moins, ils pourront exister », confie un proche conseiller du président Tshisekedi. « Le pouvoir a donc tout à gagner d'une dispersion de l'opposition, ajoute Trésor Kibangula, d'autant plus que Félix Tshisekedi a, lui, réussi à garder des soutiens comme les vice-Premiers ministres Jean-Pierre Bemba et Vital Kamerhe, le président de l'Assemblée nationale Modeste Bahati, celui du Sénat Christophe Mboso ou encore Christophe Lutundula, l'un des anciens lieutenants de Moïse Katumbi, actuellement ministre des Affaires étrangères. Si jamais une dynamique se met en place à Pretoria, le pouvoir devra revoir sa stratégie. »

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