Afrique: Sommet Arabie saoudite-Afrique - Pour Riyad, «c'est une opportunité pour se présenter comme un recours»

interview

Le tout premier sommet Arabie saoudite-Afrique s'est tenu ce vendredi à Riyad. De nombreux chefs d'État et de gouvernement africains ont répondu présents à l'invitation : le président ivoirien Alassane Ouattara, le président guinéen Mamadi Doumbouya ou encore le président de la transition gabonais Brice Clotaire Oligui Nguema. Entretien avec Marc Lavergne, directeur de recherche émérite au CNRS et spécialiste des relations entre les pays du golfe et le continent africain.

RFI : Pourquoi de nombreux dirigeants africains ont-ils accepté de faire le déplacement à Riyad ?

Marc Lavergne : Il y a des intérêts économiques. L'Arabie saoudite aujourd'hui a décidé, sous l'égide de son prince héritier Mohamed ben Salman, de développer ses rivages sur la mer Rouge, c'est-à-dire face à l'Afrique. Il y a donc une politique africaine de l'Arabie saoudite en quelque sorte. Ce qui se passe actuellement en Afrique, avec le coup d'État au Niger par exemple, a fragilisé un certain nombre de situations et montré que la communauté internationale a du mal à stabiliser le continent, y compris les grandes organisations régionales comme la Cédéao. Donc c'est une fenêtre d'opportunité peut-être pour l'Arabie saoudite pour se présenter comme un recours. On sait par exemple que sur la crise soudanaise, il y a actuellement des négociations qui se tiennent à Jeddah avec les États-Unis, qui essayent tant bien que mal de rapprocher les deux belligérants.

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De quelle manière l'Arabie saoudite utilise la diplomatie religieuse pour étendre son influence en Afrique ?

D'abord, c'est le siège des lieux saints. C'est le coeur de l'islam et ça résonne auprès de tous les pays africains du Sahel en particulier. Il y a une légitimité de l'Arabie saoudite à assumer une sorte de tutorat, ou en tout cas moral, à essayer de régler les problèmes de l'Afrique. Il y a toujours cette dimension qui est financière, parce que ça veut dire distribuer des Corans, construire des mosquées, former des imams aussi. Et puis il y a une dimension plus diplomatique qui est un petit peu plus sensible. Il y a d'autres courants en Afrique. Il y a une forme de prosélytisme de l'Iran dans beaucoup de pays africains, et puis il y a aussi les jihadistes, on le voit avec Boko Haram au Nigeria, on le voit au Sahel avec d'autres groupes qui sont tous hostiles finalement à « l'establishment » de l'Arabie saoudite et qui gagnent du terrain auprès de la population qui est souvent frustrée dans son développement par des pouvoirs qu'elle estime corrompus et contraires à l'islam.

L'Arabie saoudite a-t-elle un projet d'investissements économiques en Afrique ?

Je ne suis pas sûr que l'Arabie saoudite ait les compétences et les réseaux pour irriguer ces pays comme l'avait fait le colonel Khadafi qui payait les factures et les salaires de tous les fonctionnaires du Sahel. L'Arabie saoudite n'a pas encore cette tradition et cette compétence d'investissements. Elle n'a pas un projet global comme les Émirats arabes unis peuvent en avoir ou comme la Chine. Je ne suis pas sûr que l'Arabie saoudite soit capable de faire autre chose que des chèques aujourd'hui, pour schématiser.

L'Arabie saoudite promet 25 milliards de dollars d'investissement en Afrique d'ici 2030

Près de 25 milliards de dollars jusqu'en 2030, c'est le montant des investissements en Afrique promis par l'Arabie saoudite. Le double de l'argent investi lors de la dernière décennie. Cinq milliards de dollars supplémentaires seront dédiés à des projets de développement. Tous ces chiffres sont communiqués par l'agence de presse officielle du pays.

Face à ces promesses, le président nigérian Bola Tinubu s'est montré enthousiaste. « Je tiens à rassurer les potentiels investisseurs saoudiens : leurs investissements sont sûrs dans la première économie d'Afrique ».

Douze pays africains ont aussi signé des accords de prêt avec le Fonds saoudien pour le développement. Ces prêts doivent servir à financer des projets dans les domaines de la santé, de l'eau ou encore de l'éducation. L'Arabie saoudite compte également renforcer ses relations diplomatiques avec le continent en ouvrant de nouvelles ambassades, sans que l'on sache dans quels pays.

Lors de ce sommet, Mohamed ben Salmane a enfin salué la reprise des pourparlers entre les belligérants de la guerre au Soudan. Des pourparlers qui se tiennent à Jeddah, en Arabie Saoudite.

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