Ile Maurice: Le cinéma Savoy revient au premier plan

11 Novembre 2023

1953-2023. Après 70 ans d'existence, le cinéma Savoy à Vacoas va entamer un nouvel épisode de son histoire, à partir du week-end prochain. Si plusieurs fois, au fil des ans, le grand écran a connu le noir complet dans cette salle, cette fois, Rajah et Rajiv Bhageerutty veulent rallumer durablement la flamme de la cinématographie.

Rebondissement inattendu. Sur le ton de la confidence, Rajah Bhageerutty confie qu'un consortium - incluant des enseignes de fast-food - lui a proposé de convertir le cinéma Savoy en centre commercial. Il faut dire que l'emplacement s'y prêterait, à ce carrefour situé dans le centre de Vacoas. À deux pas de la mairie, dans la rue parallèle au métro et au marché. Mais voilà : les Bhageerutty père et fils, Rajah et Rajiv, disent avoir refusé, parce que l'attachement à l'héritage familial, à ce cinéma ouvert en 1953, est plus fort.

Après 70 ans d'existence, le cinéma Savoy à Vacoas va vivre une nouvelle réouverture le week-end prochain. Exposition dédiée à la cinématographie, symposium, animations avec le collectif d'artistes réuni autour de Nishal Purbhoo et Vick Kumar Shibdoyal vont égayer les lieux du 16 au 18 novembre (voir hors texte).

De quoi braquer les projecteurs sur une aventure qui a commencé en 1953. «Le gouverneur-général à l'époque avait assisté à l'ouverture», raconte avec fierté Rajah Bhageerutty. Bien qu'il *«n'était pas encore né» au moment de l'ouverture du cinéma Savoy, il porte haut le flambeau de son père Rughoo et de ses deux oncles qui sont à l'origine du Savoy. La famille Bhageerutty a 125 ans d'histoire à Vacoas. En sus du cinéma, elle possède un supermarché et un magasin d'électroménagers à la route John Kennedy. «Le magasin date de 1898», affirme Rajah Bhageerutty. C'est son grand-père, qui avait déjà un commerce à Curepipe, qui a décidé d'ouvrir un magasin et une quincaillerie à l'emplacement de l'actuel supermarché et du magasin des Bhageerutty à Vacoas.

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«C'est chez nous qu'il y a eu le premier téléphone, à Vacoas. Il était relié au poste de police. S'il y avait un problème à Vacoas, les gens venaient chez nous pour utiliser le téléphone. Depuis cette époque, notre numéro de téléphone se termine par 118. À l'époque, le 118 était une référence», ajoute Rajah Bhageerutty.

Les salles de cinéma connaissent un coup dur dans les années 1970-80. Les Bhageerutty, secoués par la fermeture du Pathé Palace à Curepipe, décident de tenir bon au Savoy à Vacoas. «Mon papa disait qu'il fallait garder la ville vivante.» Dans ces années-là, il faut se battre contre la vogue des vidéothèques et des copies piratées. «Mon papa m'a dit que je devais continuer.» Rajah et sa soeur Sarita décident d'obéir à l'injonction paternelle. «Mon papa fermait le magasin à 19 heures. Il était au cinéma à 19 h 30 pour le début des séances.» Le père de Rajah Bhageerutty devient une personnalité connue de la ville à qui la mairie accorde la citoyenneté d'honneur. Ses enfants marchent dans ses pas en proposant des séances gratuites aux défavorisés, des séances découvertes pour les enfants.

Mais par manque de personnel, le Savoy ferme une première fois ses portes en 1988, pour trois mois. Dix ans plus tard, en 1998, le Savoy est remis à neuf pour une nouvelle période de son existence. Les Bhageerutty s'associent à la famille Chady qui a une longue expérience de gestion de salles de cinéma, avec l'ABC, le cinéma Buckingham. Mais après quelques années, «cela va mollo mollo». En 2011, les Bhageerutty décident de reprendre la salle en main. Jusqu'à la fermeture en 2018. Puis survient la pandémie de Covid-19. À la réouverture en 2021, le Savoy reçoit la visite d'indésirables qui volent les équipements de projection et les câbles.

Quand le consortium se présente avec sa proposition de convertir les lieux en centre commercial, enter Rajiv, le fils de Rajah, qui est paysagiste de profession. «Il m'a dit, 'Ne donne ça à personne.' Il m'a dit : 'Faisons du rez-de-chaussée une salle multi-usage.' On va garder une salle de cinéma à l'étage.» Si l'envie de recommencer les projections est là, «il faut maintenant trouver les financements pour de nouveaux équipements», conclut Rajah Bhageerutty.

D'où vient le nom Savoy ?

«Mon papa avait un frère médecin établi en Angleterre. C'est peut-être à cause de lui que le cinéma à Vacoas s'appelle Savoy. À l'époque, ce nom était synonyme de modernisme», dit Rajah Bhageerutty. À Londres, le Savoy est un prestigieux hôtel 5-étoiles. «Savoy», c'est l'équivalent en anglais de la région de la Savoie. À Vacoas, le Savoy sert de repère que ce soit pour l'arrêt d'autobus avoisinant ou la place de taxi voisine qui s'appelle Savoy Square.

Ces deux photos non datées racontent non seulement une salle de cinéma, mais aussi un pan de la ville de Vacoas.

Exposition: les arts rendent hommage à la cinématographie

Cinematography, legacy and future : c'est le thème des activités organisées pour marquer la réouverture du Savoy. Le rez-de-chaussée de la salle de cinéma a été converti en salle multi-usage pouvant accueillir tous types de rassemblements, dont les mariages et les expositions. Le jeudi 16 novembre s'ouvrira une exposition d'oeuvres d'art d'un collectif d'une quarantaine d'artistes. Talents confirmés et artistes émergents sont réunis autour de Nishal Purbhoo et Vick Kumar Shibdoyal. «Nous voulons rendre hommage à l'héritage du Savoy, revaloriser cet espace», explique Vick Kumar Shibdoyal. L'exposition restera visible jusqu'au samedi 18 novembre.

Le lendemain, le vendredi 17 novembre, place à un symposium où l'on discutera de cinématographie et de son riche patrimoine. Enfin, le samedi 18 novembre, place à une journée familiale, notamment avec du «blindfold painting», c'est-à-dire peindre les yeux bandés. Trois artistes de La Réunion participeront à cette activité : Charly Lesquelin, Agnès Grondin et Louis Boyer.

Rajiv Bhageerutty et son père Rajah veulent conserver l'héritage familial qu'est le cinéma Savoy

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