Jérusalem — Le Hamas et le Jihad islamique devraient immédiatement libérer tous les civils détenus
La pratique du Hamas et du Jihad islamique consistant à diffuser publiquement des vidéos d'otages israéliens constitue une forme de traitement inhumain qui équivaut à un crime de guerre, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui.
Le 9 novembre, le Jihad islamique a diffusé une vidéo montrant deux otages israéliens, dont un enfant, demandant à être libérés. Il s'agit de la troisième vidéo de ce type diffusée par les groupes armés palestiniens depuis leur prise de plus de 240 otages dans le sud d'Israël le 7 octobre.
« Non seulement le Hamas et le Jihad islamique détiennent illégalement des civils, y compris des enfants, mais ils diffusent en outre des images qui montrent aux monde ces otages dans leur état le plus vulnérable », a déclaré Omar Shakir, directeur pour Israël et la Palestine à Human Rights Watch. « Au lieu de filmer un enfant sous la contrainte, ces groupes armés devraient lui permettre de rejoindre en toute sécurité sa famille. »
La détention d'otages, ainsi que les « outrages à la dignité personnelle », constituent de graves violations du droit international humanitaire, qui rassemble les lois de la guerre. Au lieu de remplir leur obligation de permettre aux otages de contacter leurs familles, le Hamas et le Jihad islamique diffusent publiquement des vidéos comprenant des déclarations susceptibles de refléter une forme de coercition.
Le Hamas et le Jihad islamique devraient libérer immédiatement et sans condition tous les civils détenus ; ils devraient entretemps leur permettre de communiquer avec leurs familles de manière privée, et de recevoir la visite d'une agence humanitaire impartiale.
La vidéo diffusée le 9 novembre montrait deux otages enlevés le 7 octobre à Nir Oz, dans le sud d'Israël : Hannah Katzir, âgée de 77 ans selon les médias israéliens, et Yagil Yaakov, âgé de 13 ans. S'exprimant en hébreu, ils demandant au gouvernement israélien de parvenir à un accord pour les rapatrier ; dans la vidéo, Yagil Yaakov remercie les combattants du Jihad islamique de l'avoir « protégé ».
Le Hamas a précédemment diffusé deux vidéos similaires, montrant également des otages demandant à rentrer chez eux. Comme dans l'une de ces deux précédentes vidéos, les deux otages ont critiqué la politique du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et affirmé qu'ils étaient bien traités.
Dans une autre vidéo publiée juste avant celle montrant les deux otages, un homme masqué parlant en arabe affirme que Sanaya Al-Quds, la branche militaire du Jihad islamique, est prête à libérer Hannah Katzir et Yagil Yaakov pour des « raisons humanitaires », soutenant que le blocus israélien de Gaza entrave la fourniture de soins de santé. Selon le libellé affiché sur cette vidéo, cet homme est Abu Hamza, porte-parole de Saraya Al-Quds. Les vidéos semblent avoir été diffusées pour la première fois sur un compte Telegram qui serait lié à Saraya Al-Quds. Human Rights Watch n'a pas pu trouver de versions en ligne de ces vidéos antérieures au 9 novembre.
Dans un post Facebook, Renana Gome s'est identifiée comme la mère de Yagil Yaakov et de son frère Or, âgé de 16 ans, et a déclaré que les garçons avaient tous deux été kidnappés à leur domicile à Nir Oz le 7 octobre. Une courte vidéo animée diffusee par Renana Gome sur Gome relate les circonstances de leur enlèvement.
Le 7 octobre, des combattants du Hamas ont mené une attaque dans le sud d'Israël, massacrant des centaines de civils et prenant plus de 240 otages, ainsi que l'ont indiqué les autorités israéliennes. Parmi les otages pris par le Hamas et le Jihad islamique figuraient des enfants et des personnes âgées. Quatre femmes otages ont depuis été libérées, et l'armée israélienne en a libéré un cinquième lors d'opérations terrestres. En outre, le Hamas détient illégalement deux otages civils israéliens atteints de troubles mentaux, depuis respectivement 2014 et 2015.
Israël a répondu à l'attaque en coupant l'électricité et l'eau à Gaza et en bloquant l'entrée du carburant, de la nourriture et de presque toute forme d'aide humanitaire. Ces mesures exacerbent l'impact du bouclage de la bande de Gaza, imposé par Israël depuis 16 ans ; elles constituent une punition collective, qui constitue un crime de guerre. Les forces israéliennes mènent également une offensive aérienne et terrestre intensive à Gaza. Selon les autorités de Gaza, près de 11 000 Palestiniens, dont plus de 4 000 enfants, ont été tués depuis le 7 octobre. Le Hamas et le Jihad islamique ont indiqué suite au début des hostilités qu'ils seraient prêts à libérer des otages en échange de la libération de prisonniers palestiniens, y compris environ 2 000 Palestiniens que les autorités israéliennes maintiennent en détention administrative sans procès ni inculpation.
Le droit international humanitaire exige toutefois que les groupes armés palestiniens libèrent immédiatement, et sans condition, tous les civils retenus en otages.
Le Hamas et d'autres groupes armés palestiniens ont illégalement diffusé publiquement des photos et vidéos d'otages alors qu'ils les emmenaient à Gaza. Le Hamas devrait soit permettre aux personnes détenues de contacter leurs familles directement, ou par l'intermédiaire d'une agence humanitaire indépendante comme le Comité international de la Croix-Rouge.
L'Article 3 de la Quatrième Convention de Genève de 1949, qui s'applique à toutes les parties au conflit armé en Israël et en Palestine, prévoit que les personnes détenues par une partie belligérante « seront, en toutes circonstances, traitées avec humanité ». Parmi les actes interdits figurent « les atteintes à la dignité de la personne, notamment les traitements humiliants et dégradants ». Les violations de l'Article 3 sont des crimes de guerre.
Le document « Éléments des crimes » publié par la Cour pénale internationale, qui a juridiction en Palestine, définit les « atteintes à la dignité de la personne » comme des actes dont les auteurs ont « soumis une ou plusieurs personnes à un traitement humiliant ou dégradant ou autrement porté atteinte à leur dignité », et qui sont « d'une gravité suffisante pour être reconnue généralement comme une atteinte à la dignité de la personne ». Contraindre des otages à être filmés pour une vidéo diffusée ensuite publiquement constitue une atteinte à leur dignité personnelle, a observé Human Rights Watch.
Les enlèvements constituent l'une des six violations graves des droits des enfants lors de conflits armés, recensés dans une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU.
« Les familles des otages détenus à Gaza ont désespérément besoin de communiquer avec leurs proches », a conclu Omar Shakir. « Le Hamas et le Jihad islamique devraient libérer les civils détenus, ou au moins les laisser contacter leurs familles en privé et avec dignité. »