Quelque 20.000 enfants, également appelés "shégués", vivent dans la rue à Kinshasa. Certains livrent leur réalité à travers la musique.
A Kinshasa, la capitale de la RDC, les milliers d'enfants des rues appelés "shégués" sont souvent mis au ban de la société et vivent du vol, de la mendicité et de la prostitution. Mais un homme, Cédrick Tshimbalanga, a souhaité leur donner une chance et effacer l'image souvent peu favorable qui leur colle à la peau.
Junior est vendeur ambulant. Surnommé "Le roi des affaires", il vit dans la rue, tout comme la dizaine d'enfants présents au sein du centre culturel Mokili na Poche.
S'il vient ici, c'est principalement pour se décharger, notamment grâce au rap. "Quand je chante, je ressens un vrai plaisir. Je me sens un peu comme au paradis, et cela me fait réellement plaisir de pouvoir chanter", raconte-t-il.
Survivre grâce au système D
Cela fait six ans que Junior vit à la rue, depuis la mort de son père militaire. Ses deux soeurs ne pouvant pas le prendre en charge, il se débrouille. Auparavant, il volait des rétroviseurs pour les revendre. Maintenant, il gagne en moyenne 30.000 francs congolais par jour, soit un peu plus de dix euros.
"Après les ateliers qui se terminent à 15h, je prends mes effets et retourne dans la rue, pour vendre jusqu'à 4h du matin puis trouver un coin où dormir", explique Junior.
A Kinshasa, les shégués sont visibles partout, dans chaque commune. Ce que raconte Jérémy, alias "5h30", qui a écumé ces 24 communes, jusqu'à l'épuisement. "Dans l'une des chansons, je chante que j'ai sillonné les 24 villes de Kinshasa. Même un robot souffrirait s'il faisait cela. Et moi j'ai souffert, pour traverser les 24 communes, c'est pour cela que je reprends mon souffle."
Un album pour raconter le quotidien des enfants
C'est pourquoi, Cédrick Tshimbalanga, créateur du centre Mokili na Poche et opérateur culturel au sein du Goethe Institut, a dans l'idée de sortir un album inspiré des histoires des shégués, qu'il intitulerait "Makayuba".
"Makayabu qui veut dire poisson salé", précise Cédrick. "Ce sont des sons qui ne seront donc pas faciles à avaler. Parce que les enfants essaient d'exprimer leur réalité dans la vie, dans la rue. Et ils essaient de faire comprendre au monde, à la société, aux autres enfants qu'il ne faut pas les regarder comme les 'autres', mais comme des êtres humains et comme des enfants comme vous."
En attendant, Cédrick leur propose des ateliers de peinture ou encore de couture afin de réintégrer dans la société ces enfants qui rêvent, eux aussi, de devenir chanteurs, acteurs ou maçon.