Un accord à la 28e Conférence des parties à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (COP28), dans l'objectif de mettre fin à la production et à l'utilisation des combustibles fossiles est essentiel pour prévenir une catastrophe climatique mondiale et une crise des droits humains sans précédent qui menace les droits de milliards de personnes, a déclaré Amnesty International lundi 13 novembre.
Dans une synthèse intitulée Fatal Fuels, Amnesty International demande aux parties à la COP28, qui s'ouvre ce mois-ci, à convenir d'une élimination progressive, complète, équitable, rapide et financée des combustibles fossiles, et d'une transition respectueuse des droits humains vers des énergies renouvelables, qui facilite l'accès à l'énergie pour tous et toutes.
« Pendant des décennies, l'industrie des combustibles fossiles a diffusé des informations erronées sur la crise climatique. La vérité, c'est que ces combustibles mettent notre avenir en péril, en ravageant le climat mondial et en créant une crise des droits humains d'une ampleur sans précédent », a déclaré Candy Ofime, conseillère juridique sur la justice climatique pour Amnesty International.
« Si de nouveaux projets d'exploitation de combustibles fossiles sont autorisés, nous ne parviendrons pas à limiter le réchauffement de la planète à 1,5 °C en dessus des niveaux pré-industriels au cours de ce siècle, et à empêcher des dommages climatiques catastrophiques. La COP28 est l'occasion pour les États d'accepter de sortir de l'ère des combustibles fossiles et de laisser derrière eux le bilan honteux des dégâts climatiques et des violations des droits humains.
La COP28 est l'occasion pour les États d'accepter de sortir de l'ère des combustibles fossiles et de laisser derrière eux le bilan honteux des dégâts climatiques et des violations des droits humainsCandy Ofime, conseillère juridique sur la justice climatique pour Amnesty International
« L'industrie des combustibles fossiles génère d'énormes richesses pour un nombre relativement faible d'entreprises et d'États, qui ont tout intérêt à bloquer une transition juste vers les énergies renouvelables et à réduire les opposant·e·s au silence. Ces manœuvres mettent en péril le droit de chacun·e à un environnement propre, sain et durable. »
« Les combustibles fossiles sont limités et le fait d'essayer d'extraire jusqu'à la dernière goutte de pétrole, jusqu'au dernier pied cube de gaz fossile ou jusqu'à la dernière tonne de charbon prolonge et exacerbe les énormes dégâts déjà causés. Des solutions de remplacement existent et la production d'énergie renouvelable augmente rapidement, mais des investissements beaucoup plus importants sont nécessaires. La COP28 doit définir une marche à suivre rapide et équitable pour un avenir durable débarrassé des combustibles fossiles.
Les combustibles fossiles et une crise des droits humains sans précédent
L'extraction et la combustion des carburants fossiles, ainsi que l'accumulation de gaz à effet de serre (GES) qui en résulte dans l'atmosphère, notamment le dioxyde de carbone, sont la principale cause du réchauffement de la planète, qui rend plus fréquents et plus intenses les phénomènes météorologiques extrêmes tels que les tempêtes, les sécheresses et les inondations.
Tout cela entraîne des pertes humaines, des dommages aux biens et aux infrastructures, la destruction de moyens de subsistance, la perturbation des écosystèmes et la réduction de la biodiversité, de mauvaises récoltes et des pénuries alimentaires, l'intensification de la concurrence pour les ressources, ainsi que des conflits et des déplacements de population, tous associés à diverses atteintes aux droits humains.
La pollution atmosphérique directement liée à la combustion des carburants fossiles a contribué à 1,2 million de décès en 2020. Les communautés vivant à proximité des installations de combustibles fossiles sont souvent directement affectées par des substances polluantes connues pour être à l'origine de maladies respiratoires, d'issues défavorables aux grossesses, de maladies cardiovasculaires et de certains cancers. L'extraction du charbon et la fracturation hydraulique génèrent des déchets toxiques qui peuvent contaminer les sources d'eau. Les torchères de gaz libèrent des polluants atmosphériques toxiques. Les personnes vivant dans des « zones sacrifiées » les plus exposées à ces dégâts sont souvent déjà victimes de formes croisées de discrimination.
L'exploration, la production et le transport de combustibles fossiles entraînent souvent une pollution et une dégradation de l'environnement qui sont dévastatrices. Depuis des décennies, Amnesty International recueille des informations sur les marées noires et les impacts négatifs qui en résultent pour les communautés du delta du Niger, où Shell et d'autres entreprises ont porté atteinte aux droits fondamentaux des communautés locales à un niveau de vie suffisant, à de l'eau potable et à la santé, et les ont privées de recours efficaces.
Les populations autochtones sont touchées de manière disproportionnée, car une grande partie des ressources restantes en combustibles fossiles de la planète se trouve sur leurs terres ancestrales, et les sociétés d'exploitation portent souvent atteinte aux droits de ces communautés à l'information, à la participation publique et à un consentement libre, préalable et éclairé. Amnesty International a par exemple montré qu'en Inde, les communautés adivasis (aborigènes)concernées par l'extraction du charbon sont rarement consultées de manière adéquate avant que leurs terres ne soient acquises, que les écosystèmes ne soient décimés et que leurs moyens de subsistance ne soient mis en péril.
Le droit à un environnement propre, sain et durable a été reconnu par le Conseil des droits de l'homme des Nations unies en 2021 et par l'Assemblée générale des Nations unies en 2022, et est inscrit dans les constitutions nationales de plus de 100 pays. Les Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme indiquent de manière explicite que les entreprises sont tenues de respecter le principe consistant à « ne pas nuire ».
Ces dernières années, les défenseur·e·s des droits humains dans le domaine de l'environnement, notamment celles et ceux qui s'opposent à la production et à l'utilisation de combustibles fossiles, sont de plus en plus souvent pris pour cible et même tués, en raison de leurs activités de plaidoyer. Certaines entreprises exploitant les énergies fossiles ont cherché à réduire au silence des défenseur·e·s engagés dans e combat pour le climat au moyen de ce que l'on appelle des « procédures-bâillons ».
Elles ont financé des groupes de réflexion chargés de rédiger et de proposer des lois visant à réprimer ou à poursuivre les manifestant·e·s contre le climat et l'environnement. Amnesty International se mobilise pour protéger le droit de manifester et les droits à la liberté d'expression et de réunion pacifique.
De nombreuses entreprises exploitant les énergies fossiles cherchent à façonner l'opinion publique par l'écoblanchiment et la désinformation, à échapper à la réglementation au moyen de pressions visant législateurs et régulateurs, et à influencer les forums multilatéraux tels que les COP, ce qui peut retarder les mesures adoptées par les États pour faire face à la crise climatique. La COP28 est présidée par le sultan Ahmed Al Jaber, directeur général de la compagnie pétrolière nationale des Émirats arabes unis, ce qui constitue un conflit d'intérêts manifeste.
Recours et transition énergétique
Fatal Fuels recommande que les ressources en combustibles fossiles actuellement inexploitées restent enfouies dans le sol pour toujours. Les pays industrialisés et les autres pays du G20 grands émetteurs de gaz à effet de serre, ainsi que les États producteurs de combustibles fossiles à revenus élevés, doivent accepter de montrer la voie dans les meilleurs délais en arrêtant l'expansion de la production de pétrole, de gaz et de charbon. Les autres doivent leur emboîter le pas. L'extraction de combustibles fossiles à des fins non énergétiques, telles que la fabrication de matières plastiques, doit en outre être considérablement réduite.
Les États doivent cesser de subventionner lourdement l'utilisation et la production de combustibles fossiles, dans le cadre d'un processus garantissant la mise en place de protections sociales adéquates pour les plus pauvres et les plus marginalisés.
Les entreprises du secteur des combustibles et des énergies fossiles ne peuvent être autorisées à s'appuyer sur des technologies qui n'ont pas fait leurs preuves, telles que le captage et le stockage du carbone, que leurs lobbyistes promeuvent fréquemment, pour retarder le changement. Elles doivent s'abstenir de faire pression sur les législateurs et de pratiquer l'écoblanchiment, qui rend plus difficile l'accès du public à des informations exactes sur la science du climat.
Les institutions financières doivent cesser d'investir dans de nouvelles activités favorisant l'expansion des combustibles fossiles, et supprimer progressivement les financements existants, selon un calendrier se conformant à l'objectif, convenu au niveau international, de maintenir le réchauffement de la planète en dessous de 1,5 °C au cours de ce siècle.
Les pays développés, qui sont historiquement les plus gros émetteurs de gaz à effet de serre, doivent tenir leurs engagements à fournir aux pays en développement un financement climatique, afin de parvenir à une élimination progressive, équitable et conforme aux droits humains, des opérations existantes de production de combustibles fossiles au niveau mondial, et de faciliter une transition équitable vers des sources d'énergie renouvelables.
Complément d'information
Le Sommet sur le climat COP28 se tient du 30 novembre au 12 décembre à Dubaï, dans les Émirats arabes unis, l'un des plus grands producteurs de pétrole et de gaz au monde. Agnès Callamard, secrétaire générale d'Amnesty International, y participera du 1er au 6 décembre.