En France, un ancien médecin rwandais est, à partir de ce 14 novembre 2023, devant la cour d'assises de Paris. Sosthène Munyemana est soupçonné d'avoir participé au génocide des Tutsi en 1994 au Rwanda. À l'époque des faits, il était gynécologue obstétricien à Butare, dans le sud du pays. Il sera jugé pour génocide, crimes contre l'humanité, participation à une entente en vue de la préparation de ces crimes et complicité. C'est le plus ancien dossier instruit en France sur des faits liés au génocide des Tutsi.
Entre la première plainte pour génocide déposée à Bordeaux en 1995 et l'ordonnance de mise en accusation rendue en 2018, l'enquête aura duré 23 ans. Placé au départ sous le statut intermédiaire de témoin assisté, Sosthène Munyemana avait été mis en examen en 2011 pour sa participation présumée aux massacres de 1994.
Réputé proche à l'époque de Jean Kambanda, le Premier ministre du gouvernement intérimaire mis sur pied après l'attentat contre l'avion du président Habyarimana, l'ancien gynécologue obstétricien de Butare est aujourd'hui accusé de génocide et crimes contre l'humanité pour avoir enfermé et détenu « dans des conditions inhumaines, sans soins, hygiène, ni nourriture des civils tutsi » dans les locaux du bureau de secteur de Tumba (un quartier de Butare) avant que ces derniers ne soient exécutés. Un bureau dont il est accusé d'avoir détenu la clé.
22 décembre
L'homme est également soupçonné d'avoir contribué à la rédaction et à la diffusion d'une motion de soutien au gouvernement intérimaire et d'avoir participé à un comité de crise ayant mis en place des barrières et des rondes au cours desquelles des personnes ont été interpellées avant d'être tuées. Des accusations très lourdes que l'accusé nie en bloc. « Tout cela ne repose que sur des témoignages et date d'il y a 29 ans », estime Me Jean-Yves Dupeux, l'un de ses avocats, pour qui il est « très difficile de se fonder sur des témoignages sur des faits aussi anciens ». À l'inverse, Emmanuel Daoud, l'avocat de la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) et la Ligue des droits de l'homme (LDH), juge que Sosthène Munyemana « n'a pas pu être étranger à ce qui se passait », car explique-t-il, « c'était un médecin, un homme reconnu » et « très apprécié ».
Ce procès, qui sera enregistré, est prévu pour durer jusqu'au 22 décembre. Huit associations et 66 personnes ont manifesté le souhait de se porter parties civiles. Tout au long de ces cinq semaines d'audience, 67 témoins doivent être entendus. À commencer, ce mardi après-midi, par son épouse, Fébronie Muhongayire.
Jusqu'à présent, six personnes (trois hauts-fonctionnaires, un officier, un gendarme et un chauffeur) ont été condamnées en France dans des procès liés au génocide des Tutsi au Rwanda, dont trois définitivement.