Dakar — L'opposant Babacar Diop, maire de Thiès (ouest) et candidat à l'élection présidentielle du 25 février 2024, considère le "manque de maturité" de l'opposition comme la source de ses difficultés.
"Notre opposition d'aujourd'hui, manque de maturité, c'est cela la vérité. Elle n'a pas un agenda politique précis [...] C'est cela qui nous emmène à cette situation qui fait que Macky Sall peut dérouler sans avoir un contre-pouvoir assez sérieux, capable de prendre en charge les questions essentielles", a déclaré M. Diop dans une interview publiée par le journal Le Quotidien.
"Regardez notre opposition sur ces questions essentielles et vitales, elle est quasiment absente. Et on veut aller vers des élections libres et transparentes. Il est urgent pour l'opposition sénégalaise de construire un front démocratique pluraliste, qui devra rassembler tous les candidats de l'opposition", a-t-il ajouté.
Le leader des FDS-Les Guelwaars précise que le "front" qu'il appelle de ses voeux "devra rassembler tous les candidats de l'opposition, toutes les forces démocratiques, les mouvements citoyens et les mouvements sociaux" engagés pour "la défense de notre démocratie".
Le but d'une telle initiative serait, selon lui, d"'exiger" du gouvernement l'organisation d"'élections libres, transparentes et inclusives".
Un "coup de force"
"Que les gens reviennent à plus d'humilité, plus de maturité, plus de tolérance", a répondu Babacar Diop à la question de savoir ce que les leaders de l'opposition doivent faire dans l'immédiat.
"Ce qui s'est passé est un coup de force", a soutenu M. Diop lorsque Le Quotidien lui a demandé ce qu'il pense du remplacement, par Macky Sall, des 12 membres de la Commission électorale nationale autonome (CENA), le 3 novembre. "Le président de la République a pris la décision, de manière unilatérale, avec une brutalité que personne ne comprend, de limoger les membres de la CENA."
Cette situation est aux antipodes, selon lui, des consensus qui ont permis d'arriver à des "acquis démocratiques" et aux alternances politiques de 2000 et de 2012.
En 2012, "Ousmane Tanor Dieng était candidat, Moustapha Niasse aussi. Il y avait de fortes têtes au sein de cette opposition. Abdoulaye Bathily et Amath Dansokho étaient de fortes têtes. Mais les gens ont pu taire leurs querelles et se retrouver autour de l'essentiel. Abdoulaye Wade était obligé de reculer et de nous trouver un ministre des Élections, en l'occurrence Cheikh Guèye", s'est souvenu Babacar Diop.
Ce débat "est inutile, stérile [...] Je m'opposerai au report de la présidentielle. Le calendrier républicain doit être respecté. Nous irons à la présidentielle le 25 février 2024. Le peuple sénégalais choisira son nouveau président", a soutenu le philosophe de formation, enseignant à l'université Cheikh-Anta-Diop de Dakar.
"Réconcilier les jeunes avec leur pays"
"Je veux être honnête. J'ai tous les problèmes avec monsieur Macky Sall. Mais je serais très malhonnête en vous disant que le gouvernement, ou le préfet de Thiès, a bloqué mes projets", a-t-il déclaré.
M. Diop précise qu'il n'a pas de "problème particulier avec le pouvoir". "Il y a des divergences, c'est vrai. Ils (Macky Sall et ses collaborateurs) gèrent certains projets avec une certaine discrétion et ne nous associent pas, ce qui n'est pas normal. Mais je ne vais pas passer mon temps à pleurnicher."
"C'est un scandale moral, ce qui se passe. C'est le suicide collectif de notre jeunesse, au fond de la mer, dans l'indifférence totale", s'est-il indigné à la question de savoir ce qu'il pense de la crise migratoire.
"On a l'impression que la vie d'un jeune Africain, d'un jeune Sénégalais, n'a point de valeur. Quel est l'origine de ce phénomène ? C'est l'absence d'espoir, ce sont de mauvaises politiques publiques [...] qui ont causé tout cela", a soutenu M. Diop, estimant qu'il faut "réconcilier les jeunes avec leur pays, pour qu'ils aient le courage de rester au Sénégal".