Ile Maurice: Les magistrats face à la charge de trop

15 Novembre 2023

Le ministre des Finances avait annoncé dans le Budget le recrutement de 14 nouveaux magistrats. Une dizaine l'ont déjà été mais est-ce suffisant pour résoudre le problème de surcharge de travail dans les tribunaux ? La réalité du terrain pour de nombreuses jeunes recrues est loin des attentes. Nommées il y a quelques mois, elles déplorent le manque de temps, la surcharge de travail et la pression constante des salles d'audience.

Des audiences renvoyées, des magistrats débordés et des procès reportés. Cette situation dure depuis des années et on ne peut que constater la saturation du service en termes de programmation des audiences et du nombre de dossiers. Les tribunaux de district comptent normalement deux magistrats, mais parfois il n'y en aurait qu'un seul pour assurer tout le travail. «Les audiences surchargées sont devenues monnaie courante, car les magistrats doivent jongler avec plus de 30 affaires par jour. La réalité quotidienne est marquée par des délais dépassant largement les limites du raisonnable.»

En effet, dans certains tribunaux de district, il n'y a qu'un ou deux magistrats pour plusieurs villes. «Il est impensable que deux personnes puissent gérer autant de cas en un jour. Un seul procès peut monopoliser une journée entière, entraînant des retards considérables pour les autres affaires en attente. Un simple constat de la liste des cas du jour peut vous donner une indication du nombre de cas par jour. Pensez-vous que la cour pourra écouter toutes ces affaires en même temps ? Si un magistrat se retrouve à siéger en chambre, c'est pire, car l'autre devra assurer tout le travail», explique une magistrate.

%

Malgré leurs appels à une meilleure organisation, les magistrats se retrouvent coincés entre le marteau et l'enclume. Ils essaient de travailler plus efficacement et de raccourcir la durée des audiences. Cependant, la discordance entre ces efforts et la réalité du terrain est frappante. La sous-évaluation chronique des besoins en effectifs de magistrats et d'officiers de cours, estiment ces magistrats, est au coeur du dysfonctionnement actuel. Ces derniers se retrouvent ainsi pris dans une spirale infernale, où l'épuisement professionnel et les délais excessifs deviennent la norme plutôt que l'exception. «Les justiciables attendent souvent des mois, voire des années, pour que leurs affaires soient portées devant le tribunal. Cette situation soulève des inquiétudes quant à la capacité du système judiciaire à fournir une justice rapide et équitable, un principe fondamental de tout État de droit. Ce qu'il faut, c'est une évaluation urgente des besoins en personnel et une véritable réforme», insistent-ils.

Il faudrait investir dans le recrutement de plus de magistrats et de fonctionnaires de greffe pour soulager la pression actuelle. De plus, des mesures concrètes doivent être prises pour améliorer l'efficacité des procédures judiciaires sans compromettre la qualité de la justice rendue. «Par exemple, l'on pourrait trouver un moyen pour qu'il y ait des tribunaux spécialement dédiés aux contraventions. Les affaires de contraventions sont nombreuses et peuvent prendre toute une journée. De même, il faudrait des unités spécifiques pour canaliser le travail et ne pas s'attendre à ce qu'un seul tribunal de district fasse tout le travail pour une population de milliers de personnes», soulignent ces magistrats. Et ils ajoutent : «Il est temps de donner aux magistrats les moyens de faire leur travail correctement, garantissant ainsi une justice équitable et rapide pour tous les citoyens.» Le sentiment est que clairement, l'institution paupérisée et surchargée résiste grâce à la patience des justiciables et au dévouement de ses agents. Mais jusqu'à quand ?

AllAfrica publie environ 600 articles par jour provenant de plus de 100 organes de presse et plus de 500 autres institutions et particuliers, représentant une diversité de positions sur tous les sujets. Nous publions aussi bien les informations et opinions de l'opposition que celles du gouvernement et leurs porte-paroles. Les pourvoyeurs d'informations, identifiés sur chaque article, gardent l'entière responsabilité éditoriale de leur production. En effet AllAfrica n'a pas le droit de modifier ou de corriger leurs contenus.

Les articles et documents identifiant AllAfrica comme source sont produits ou commandés par AllAfrica. Pour tous vos commentaires ou questions, contactez-nous ici.