Antananarivo — La forte abstention est la première donnée qui ressort du premier tour des élections présidentielles qui se sont déroulées hier, 16 novembre, à Madagascar. Et même en ce qui concerne le taux d'abstention, une controverse est née entre le gouvernement et l'opposition. Selon les chiffres officiels, seuls 39% des électeurs se sont rendus aux urnes. La coalition des 10 candidats rivaux du président sortant, Andry Rajoelina, affirme quant à elle que le taux d'abstention a été de 20 %, "le plus bas de l'histoire de Madagascar".
La faible participation est expliquée par des observateurs indépendants comme une conséquence du climat politique lourd qui plane sur l'île depuis des mois, qui a même jeté un doute sur la tenue du scrutin le 16 novembre.
La crise politique a éclaté en juin suite à la révélation qu'Andry Rajoelina avait obtenu la nationalité française en 2014, sans que l'opinion publique n'en soit avertie. Selon l'opposition, cela aurait dû l'empêcher de se présenter, mais la justice a refusé d'invalider sa candidature. Les élections ont été boycottées par la majorité des candidats de l'opposition, et les électeurs n'ont finalement eu à choisir qu'entre trois candidats. Le président sortant a vu sa popularité décliner après la violente répression des manifestations par les forces de sécurité avant les élections, ainsi qu'en raison des difficultés économiques, du manque de services sociaux et de la pauvreté généralisée.
Élu depuis 2018, Rajoelina avait accédé au pouvoir pour la première fois en 2009 grâce à une mutinerie qui avait chassé l'ancien président Marc Ravalomanana (voir 20/3/2009 et 23/3/2009).
La crise politique de cette année a été stigmatisée par les évêques malgaches, qui ont publié un message début novembre dans lequel ils déclarent : "De nombreux politiciens et ceux qui ont des moyens (économiques) semblent penser que Madagascar est leur propriété privée et qu'ils peuvent en faire ce qu'ils veulent". Les évêques soulignent que "la population ne sait plus quoi faire". "Nous lançons un appel aux politiciens, aux fonctionnaires et surtout à ceux qui dirigent le pays et aux candidats : donnez leur part de soleil au peuple à qui appartiennent les droits et les devoirs. Laissez-les planifier librement leur avenir dans le respect de la loi, par le biais des élections". Le message appelle les candidats à "cesser d'acheter le vote".
Enfin, la Conférence épiscopale a exhorté la population à prendre "la responsabilité d'être les maîtres de Madagascar. Suivez ce que vous dit votre conscience. Ne laissez pas l'argent ou quoi que ce soit d'autre guider votre choix. Nous devons rester calmes face aux pratiques des politiciens qui nous divisent".
Les résultats du premier tour seront annoncés le 24 novembre. Le second tour est prévu pour le 20 décembre.