Médecins Sans Frontières (MSF) alerte sur l'état nutritionnel inquiétant des enfants soudanais réfugiés dans l'est du Tchad pris en charge dans ses programmes. Cette situation préoccupante témoigne du dénuement dans lequel sont plongées ces familles de rescapés et des efforts supplémentaires qui restent à fournir pour répondre à cette crise majeure, en particulier en termes d'aide alimentaire d'urgence.
Dans le camp de Metché, abritant aujourd'hui environ 40 000 personnes, une évaluation nutritionnelle rapide menée par les équipes MSF début octobre a indiqué que 7,1% des enfants de moins de deux ans souffraient de malnutrition aigüe sévère, avec un taux de prévalence global de malnutrition aigüe à 13,6% parmi les enfants de moins de cinq ans. Lors d'une enquête réalisée entre le 7 aout et le 4 septembre, MSF a relevé un taux de malnutrition aigüe globale parmi les enfants de moins de cinq ans de 11,3% dans le camp d'Ourang et de 11,6% dans celui d'Arkoum et un taux de malnutrition aigüe sévère respectivement de 4,8% et 4,6%, soit le double du seuil d'urgence déterminé par l'Organisation Mondiale de la Santé. Concrètement, cela signifie que les enfants qui ont survécu aux privations, attaques répétées et violences extrêmes qui ont embrasé le Darfour, se trouvent désormais dans un état de santé inquiétant au Tchad.
« Il s'agit d'une situation nutritionnelle grave qui appelle une intensification significative de l'aide nutritionnelle et alimentaire », déclare Mohammadou Gado, coordinateur d'urgence dans le Ouaddaï. « Davantage de moyens financiers, humains et logistiques doivent notamment être consacrés à l'aide alimentaire d'urgence pour que le Programme Alimentaire Mondial et ses partenaires puissent continuer à organiser des distributions à grande échelle de manière sûre et régulière y compris en 2024. Il faut aussi s'assurer que ces distributions atteignent les familles les plus à risque et soient adaptées aux besoins spécifiques des personnes dénutries, c'est-à-dire enrichies en vitamines et minéraux », ajoute Mohammadou Gado.
Les équipes MSF ont pris en charge environ 14 000 enfants malnutris dans les différents programmes ambulatoires à Adré et dans les camps alentours depuis le début de l'année. Près de 3 000 enfants ont été hospitalisés dans un état grave à Adré souffrant de malnutrition aigüe sévère et de ses complications, et 80% d'entre eux l'ont été sur la période de juin à octobre à la suite de l'arrivée massive de réfugiés.
Il semblerait que de nombreuses familles fragiles ayant des enfants suivis dans les programmes nutritionnels MSF n'aient pas bénéficié des distributions du Programme Alimentaire Mondial et de ses partenaires, parce qu'elles ne détiennent toujours pas de carte de ration y donnant accès. Le Programme Alimentaire Mondial alerte par ailleurs sur les risques de devoir restreindre ou arrêter une partie de ses activités au Tchad faute de financement suffisant.
Les rescapés des violences au Darfour continuent d'arriver au Tchad, premier pays d'accueil des réfugiés soudanais avec près d'un demi-million d'arrivées depuis avril 2023 qui s'ajoutent aux quelques 400 000 réfugiés soudanais déjà présents sur le territoire. Depuis le début du mois, environ 8 000 personnes ont fui la recrudescence des violences au Darfour en franchissant la frontière vers le Tchad, comme a pu le constater l'équipe MSF proposant vaccinations et soins médicaux au principal poste-frontière à proximité d'Adré.
Femmes, enfants et personnes âgées constituent la majeure partie des personnes réfugiées : sans moyen de subsistance, elles sont accueillies dans des localités tchadiennes où sévit déjà une forte insécurité alimentaire. Ces derniers mois, les agriculteurs n'ont pas pu cultiver leurs champs au Darfour. Face à une demande accrue, la production agricole est en baisse et le prix des denrées explose sur les marchés de l'est du Tchad, avec par exemple plus de 38% d'augmentation sur le prix du mil par rapport à la moyenne des cinq dernières années selon FEWS Net. « Les communautés tchadiennes qui partagent avec les nouveaux et anciens réfugiés soudanais leur accès déjà très limité à l'eau, aux terres arables et aux services de base doivent aussi être soutenues dans cette période particulièrement difficile », rappelle Mohammadou Gado.
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