Dans un mois, un référendum doit déterminer la forme que doit prendre l'Etat tchadien. Les partisans du fédéralisme estiment que le processus est biaisé.
Le Tchad se prépare au référendum constitutionnel prévu pour le 17 décembre. L'objectif est de permettre à la population de donner son avis sur l'adoption d'une nouvelle Constitution qui doit remplacer celle de 2018.
Mais ce référendum intervient dans un contexte de tensions et de divisions, alors que l'un des principaux opposants, en exil depuis un an, vient de rentrer au Tchad en acceptant les conditions mises par le pouvoir en place.
Il y a d'abord eu la signature de l'accord de Kinshasa, le 31 octobre, entre le gouvernement de transition du Tchad et le parti Les Transformateurs. A travers cet accord de réconciliation, signé suite à la répression sanglante des manifestations du 20 octobre 2022, le gouvernement de transition s'est engagé à faciliter le retour de l'opposant Succès Masra.
Ce dernier est effectivement rentré, mais ce retour ne fait pas que des heureux. Selon le politologue tchadien Nicodème Manatouma Kelma, "les autres partis de l'opposition ne sont pas d'accord. Ils pensent que Succès Masra a signé l'accord au nom de tous les opposants, alors qu'eux ne lui ont pas donné de mandat pour signer cet accord. En revanche, ce qui est clairement dit dans le document, est que l'accord a été signé par le président des Transformateurs pour que ses membres, qui sont partis après le 20 octobre, puissent rentrer au Tchad."
Contre l'animiste générale
L'opposant Yaya Dillo, qui met en cause l'impartialité de la facilitation, critique la perspective d'une loi d'amnistie générale pour tous les acteurs civils et militaires impliqués dans les événements tragiques du 20 octobre 2022, tout comme la Ligue tchadienne des droits de l'homme.
Il y a aussi la plateforme Wakit Tama qui souhaite un accord global et enfin les groupes armés non-signataires de l'accord de Doha.
Ces critiques et divergences de points de vue font surface alors que se profilent un référendum constitutionnel en décembre et des élections l'année prochaine pour mettre en principe un terme à la transition.
Etat fédéral ou unitaire : un non-choix
Selon Remadji Hoinathy, chercheur à l'Institut d'études de sécurité ISS, si les divisions sont une réalité, l'accord d'amnistie pourrait servir de pierre angulaire pour élargir le débat et permettre plus d'inclusivité.
Au sujet du débat sur la forme que doit prendre l'Etat tchadien, il rappelle qu'il y a les tenants du fédéralisme et ceux de l'Etat unitaire, mais que le processus est controversé.
Pour Remadji Hoinathy, "à défaut de faire débat sur quelle forme d'Etat adopter, on propose plutôt aux Tchadiens de se prononcer sur une Constitution qui consacre l'Etat unitaire. Et ce serait seulement dans le cas où le référendum dirait non à cette forme que l'on va repartir vers le fédéralisme. Et ceci pose problème dans ce sens qu'on ne donne pas une place égale aux deux tendances dans la discussion."
Mahamat Idriss Déby déroule son agenda
Les partisans du fédéralisme estime qu'il ne fait aucun doute que le processus est biaisé. Selon Remadji Hoinathy, au-delà des critiques et divisions, il faut se demander si "cette manière de conduire le processus de réforme constitutionnelle et le référendum constitutionnel permet au Tchad de rester dans la ligne de sa transition qui, à terme, est de revenir à un Etat tchadien réconcilié, refondé, qui applique les standards minimums de démocratie ?"
En attendant d'avoir une réponse, la transition dirigée par Mahamat Idriss Déby suit son cours et semble se dérouler visiblement, du moins pour le moment, comme il le souhaitait, avec notamment un accord avec l'un des principaux opposants du pays et un référendum axé plus sur l'option d'un Etat unitaire.