Ile Maurice: Mari menteur

20 Novembre 2023

Le ministre des finances a réagi à une question (No B/1469) à l'Assemblée Nationale, le 14 novembre 2023, en brossant un tableau lumineux de la situation économique du pays. Je voudrais solliciter l'hospitalité de votre journal afin de répondre brièvement aux points saillants de son intervention.

(a) Grace à la stratégie de croissance adoptée par le gouvernement, l'économie mauricienne s'est pleinement redressée.

La prévision de croissance de 6.8% en 2023 est surestimée par un optimisme exagéré en matière d'investissement public, et d'un ajustement excessif sur l'exportation des services, en gonflant les chiffres compilés par la Banque de Maurice. Le PIB de 2019 sera à peine dépassé en 2023 en termes réels. Il n'y a pas de quoi pavoiser pour quelques 2% additionnels.

(b) Le niveau d'investissements s'est entièrement rétabli et dépasse le niveau d'avant la pandémie.

En termes réels, le niveau total d'investissements en 2023 est toujours en dessous de l'année 2019, par 9%.

(c) Les entrées d'IDE ont atteint un niveau record.

En dollars américains, l'investissement direct de l'étranger (IDE) en 2022 est inférieur de 4% à l'année 2017 et dépasse le niveau de 2014 de moins de 4%. De plus, la part de l'immobilier dans l'IDE a augmenté de 33% en 2014 à 56% en 2022. L'investissement dans l'immobilier est considéré par les institutions internationales comme la Banque Mondiale comme moins productif.

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(d) La productivité du capital a augmenté de 7.6% en 2022.

Malgré cette hausse, l'indice de productivité du capital en 2022 est inférieur par plus de 6% au niveau de 2019 et reste à 3% de moins qu'en 2014.

(e) L'année 2022 a été marquée par une performance historique, les exportations (de biens) dépassant pour la première fois les 100 milliards de roupies.

La valeur des exportations de biens est estimée à 2.4 milliards de dollars en 2023, autant qu'en 2022. La référence historique est erronée, parce que les exportations de biens étaient de 3.1 milliards de dollars en 2014, soit près de 30% plus élevées qu'en 2022.

(f) Le taux de chômage à Maurice est passé de 9.1% en 2021 à 6.4% en 2023. C'est le taux le plus bas sur les 25 dernières années. De plus, la population active est passée de 532,800 à 591,300. C'est un record.

Les facteurs démographiques, tels que le faible taux de natalité et une population vieillissante, expliquent largement l'augmentation modeste de la population active de 585,000 en 2015 à 591,000 en 2019 et une stabilisation à environ le même nombre en 2023. Le taux de participation de la population active est en baisse constante, atteignant un niveau le plus bas de 58.2% en 2023. Dans ces conditions, même une croissance modeste entraine un recul du chômage. Le taux de chômage a diminué de 7.9% (46,300 chômeurs) en 2015 à 6.7% (39,700) en 2019 et à 6.4% (38,100) en 2023.

L'utilisation des tendances démographiques pour se vanter de la baisse du chômage est grotesque, car la politique économique désastreuse du Gouvernement pousse la jeune génération à chercher de l'emploi à l'étranger.

(g) Le déficit budgétaire a été ramené d'environ 11.4% du PIB en 2019/20 à environ 3% pour 2023/24.

Le déficit budgétaire pour 2023/24 est sous-estimé, car il ne tient pas compte des dépenses publiques à être encourues par le Project Development Fund, comprenant Rs7 milliards pour le logement social, Rs3 milliards pour le Flood Management Programme, et Rs2 milliards pour le Economic Recovery Programme. Le déficit budgétaire, incluant les dépenses nettes des fonds extrabudgétaires, ainsi que d'autres dépenses publiques déguisées en prêts et investissements, pourrait atteindre 6% du PIB, comme en 2022/23. Le déficit budgétaire, y compris les fonds extrabudgétaires, était de seulement 3.4% du PIB en 2018/19.

(h) La dette du secteur public a été considérablement réduite, passant de 91.9% du PIB en juin 2021 à 79.6% à la fin de septembre 2023.

La dette du secteur public représente 86.3% du PIB en septembre 2023, sans un ajustement de consolidation factice de Rs 17 milliards, ou 2.7% du PIB, et sans la contribution de la Banque de Maurice au Gouvernement par un investissement dans Airport Holdings de Rs25 milliards, ou 4% du PIB. Sans l'augmentation du PIB par l'inflation galopante, le ratio de la dette publique par rapport au PIB serait encore plus élevé.

(i) Je ne mens pas moi. Je n'ai pas besoin de mentir. Les chiffres parlent d'eux-mêmes.

Mon Dieu ! Mon Dieu ! Cette affirmation du ministre des finances nous rappelle la phrase de Mark Twain, célèbre visiteur de notre petite ile, qu'il existe trois sortes de mensonges : les mensonges, les sacrés mensonges, et les statistiques.

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