Sénégal: «Sextorsions» - Une victime témoigne de ces chantages aux photos et vidéos intimes

C'est un phénomène qui prend de l'ampleur au Sénégal : les « sextorsions », ou chantage aux photos et vidéos sexuelles. Derrière ces chantages, d'anciens partenaires vengeurs ou des proches mal intentionnés, qui vendent ces contenus à des professionnels du chantage qui réclament des centaines de milliers de francs CFA sous peine de les diffuser. Témoignage et explications.

Les yeux baissés, la jeune femme peine à raconter son histoire encore sous le choc deux mois après. « Aissatou » - son prénom a été modifié pour protéger son anonymat - avait sur son téléphone des vidéos intimes qu'elle envoyait à son mari, installé à l'étranger.

Un jour, elle reçoit des messages inquiétants. Aissatou raconte : « Des numéros inconnus me contactaient pour me faire chanter et réclamer de l'argent. Quand j'ai demandé à l'un, il a répondu qu'il avait vendu les vidéos en les partageant avec d'autres. Quand j'ai mené mon enquête, il s'est avéré que c'était mon meilleur ami qui leur avait donné. Il était souvent à la maison. »

Les voleurs profitent de l'inattention des victimes

L'ami d'Aissatou a profité d'un moment d'inattention pour voler ses vidéos privées sur son téléphone. Les personnes au bout du fil menacent de diffuser ces vidéos sur les réseaux sociaux : « Ils me demandent parfois 500 000 [761 euros], 700 000 ou 800 000 », soit des milliers d'euros...

Les victimes, souvent des jeunes femmes, arrivent pour porter plainte à la division de cybersécurité dans un état de stress et surtout très gênées. Le lieutenant Oumar Ndiour, chef du pôle judiciaire de la division de cybersécurité à la police sénégalaise, explique : « L'aspect accueil est très important. Ils ont besoin de se confier d'abord. En général, lorsqu'elles arrivent ici, on les met en relation avec des dames, elles parlent avec elles et elles leur disent : ici, on est des professionnels. Ce sont des cas qu'on peut régler, et même au-delà de ça, parler avec le parquet pour que, si procès il doit y avoir, que ce soit à huis-clos. »

L'ami d'Aissatou a vendu les vidéos pour se payer le voyage en pirogue clandestine jusqu'à l'Europe. Il a été arrêté la veille de son départ, et l'enquête est toujours en cours.

Il y a en fait une haute menace de diffusion qui arrive très souvent, c'est vraiment au niveau international. C'est ce qu'on appelle ici les sextorsions béninoises. D'une manière ou d'une autre, c'est lié à ce pays. C'est vraiment le numéro 229 [l'indicatif international pour le Bénin, NDLR] qui revient. Ce sont des personnes qui créent de faux profils avec l'identité d'une dame d'une certaine beauté et qui appâtent les hommes dans les réseaux sociaux. Et à partir de là, ils te poussent par des manoeuvres à te dénuder et à te filmer dans un appel vidéo. Dès que c'est fait, après il y a un groupe de chantage qui va reprendre la main pour dire que si tu le ne fais pas, on a déjà tes amis sur Facebook, qu'on connait tout le monde. Un travail qu'ils font avant, ils vont aller dans le profil regarder avec qui tu es ami, etc. Et à partir de là, ils te mettent la pression pour forcer à envoyer de l'argent. Ce type de criminalité vise principalement les jeunes hommes sur internet et parfois même des personnes d'âge mûr.

00:45 Aly Kandé, à la tête d'une division spéciale de cybersécurité, explique comment des hommes aussi peuvent être victimes de ces pratiques

Juliette Dubois

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