Ile Maurice: Padayachy appelé à faire du service après-vente...

22 Novembre 2023

À n'en point douter, l'étude de DCDM Research sur la résilience des entreprises mauriciennes et, accessoirement, sur le mood des opérateurs économiques est révélatrice à plus d'un titre. Elle montre que la reprise post-Covid est déjà enclenchée. Tant mieux. Pour autant, certaines constatations relevées appellent à des interrogations, voire à une réflexion sérieuse, entre les stakeholders car elles indiquent clairement des enjeux et des défis auxquels le monde des entreprises sera appelé à se confronter à l'avenir. Et ils sont visiblement de taille...

Réalisée pour le compte de Business Mauritius avec le soutien de Statistics Mauritius et du bureau local de la PNUD, l'étude menée auprès de 500 entreprises, tant domestiques que tournées vers l'exportation, a eu le mérite certes de redistribuer les cartes pour mieux comprendre comment elles ont subi l'impact économique de la crise du Covid. Tant au niveau de certains variables macroéconomiques liés au chiffre d'affaires, à l'emploi ou encore aux exportations, entre autres. Mais plus important encore : comment elles ont pu sortir la tête hors de l'eau.

Un premier point positif est le nombre d'entreprises opérant à plein rendement en 2023, soit 98 %, en constante hausse depuis 2020 (78 %) et 2021 (65 %). Bien sûr, les réalités inhérentes à un secteur, qui peut être une source de satisfaction pour les institutions du privé, ne sont pas celles que renvoient d'autres pôles d'activités. D'ailleurs, l'étude de DCDM Research rappelle clairement la spécificité de chaque secteur et analyse le constat divergent qui en découle.

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Du coup, on ne devrait pas être surpris que pour les PME, la résilience postCovid ait encore ses limites, souffrant de l'incapacité de 44 % de telles entreprises à atteindre les niveaux pré-Covid face aux entités de taille moyenne. Et pour 58 % d'anticiper que leur niveau de trésorerie ne pourrait maintenir leurs activités que pendant trois mois seulement. Cette musique, il faut bien que les autorités l'entendent pour savoir que la reprise et la résilience des entreprises s'opèrent à divers degrés.

Comme on ne devrait pas être outremesure interpellé par cette autre conclusion de l'étude, celle portant évidemment sur la problématique de la pénurie de main-d'oeuvre qualifiée dans certains secteurs. «One of the key challenges faced by companies in 2022 pertains to hiring new talents from the local market»,écrit le rapport de Business Mauritius. Un constat qui confirme les analyses et autres inquiétudes des opérateurs sur ce sujet mille fois étalé auprès des autorités concernées et répercuté abondamment dans l'espace médiatique.

Aujourd'hui, l'industrie touristique y est frontalement confrontée avec 4 200 postes à pourvoir, selon les hôteliers. Sans doute, on peut comprendre aisément pourquoi elle bute à attirer des jeunes partis dans le sillage du Covid, et les hôteliers incapables de les retenir face à la fermeture des frontières pendant 18 mois et souvent de les payer adéquatement. Or, sans le recours à une main-d'oeuvre étrangère pour réduire la pression sur un personnel essoufflé, tous les services et l'hospitalité mauricienne dans les hôtels en souffriront, allant même jusqu'à porter atteinte à la pérennité de cette industrie.

Recréer un «feel-good factor»

Indépendamment des réalités de ce Business Pulse Survey 2023, ce qu'il faut surtout retenir, c'est qu'il a dans le panorama des entreprises des signes de reprise tangibles depuis la crise du Covid en 2020. Une étude qui vient d'ailleurs complémenter le dernier classement de Top Hundred Companies 2023, indiquant une amélioration des chiffres d'affaires combinés des 100 meilleures entreprises. Il va de soi que le gouvernement va surfer sur ces points somme toute positifs pour recréer un feel-good factor dans le pays à l'approche des fêtes de fin d'année.

Car le gouvernement de Pravind Jugnauth navigue à vue. Entre l'offensive des députés Ehsan Juman et Shakeel Mohamed à l'égard du ministre Kailesh Jagutpal qui se trouve visiblement sur le gril face aux dénonciations sur des repas impropres à la consommation qui seraient servis dans des hôpitaux et les dépenses dites abusives du ministère pour l'achat de spiritueux aux frais des contribuables, et les zones d'ombre entourant l'affaire Corex Solar, en passant par les allégations sur des contrats alloués par le ministère de la Culture, la question de Law & Order et la ramification de la drogue dans le pays avec le phénomène de rave parties, il y a nécessairement des signes d'inquiétude dans la population. Sans compter les familles qui assistent chaque jour impuissantes aux prix qui font le yo-yo dans les supermarchés.

Le ministre des Finances, Renganaden Padayachy, compte certainement dans les jours à venir faire du service après-vente de ces bons points récoltés sur le front des entreprises, avec la confiance retrouvée chez les opérateurs. Mais aussi chez des employés au bas de l'échelle comme ceux de la classe moyenne, tant au sein du privé que du public, avec les prochaines négociations sur la compensation salariale qui entrera en vigueur théoriquement à la fin de janvier 2024.

Il va de soi que les perspectives d'une nouvelle compensation salariale pour rattraper la perte du pouvoir d'achat, face à une inflation de 8,4 % en octobre 2023 et d'une moyenne pour les 12 mois de l'année à être calculée par Statistics Mauritius, devraient calmer les esprits des travailleurs. On ne connaît pas le quantum qui sera accordé, mais tout laisse croire que le gouvernement compte multiplier les initiatives et aller out of its way pour ramener un peu de sérénité face aux cris de colère et mettre du baume au coeur de la population. C'est la mission de Padayachy même si la partie risque d'être compliquée avec les syndicats qui comptent pousser leurs revendications très loin. Déjà, dans une première démarche, les salaires des fonctionnaires seront payés exceptionnellement le 15 décembre.

Mais il y a mieux. Car, de l'avis du ministre du Travail, Soodesh Callichurn, le gouvernement compte tenir des consultations pour revoir à la hausse le salaire minimum très prochainement. Et il se dit ouvert en plus à une proposition du leader de l'opposition, Xavier-Luc Duval dans sa PNQ, hier au Parlement, à l'étude du paiement d'un 14e mois de salaire à la fin de l'année (aux employés touchant moins de Rs 50 000 mensuellement). Toutefois, il ne prendra aucun engagement, le temps d'analyser toutes les implications de cette mesure et de pouvoir légiférer à cet effet.

On ne sait pas le sort qui sera réservé à cette proposition d'un 14e mois du leader de l'opposition, mais si le gouvernement légifère en ce sens, ce sera un véritable cadeau de Noël, un avant-goût de ce qui attend la population à une année de la prochaine échéance électorale. Reste à savoir si la population sera dupe de ces mesures dites populistes...

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