Ile Maurice: «La communauté internationale doit prendre ses responsabilités»

22 Novembre 2023
interview

Vous êtes le premier avocat mauricien à vous joindre au mouvement de l'avocat français Gilles Devers pour dénoncer les actes de génocide dans la Bande de Gaza. Expliquez-nous votre démarche...

Étant donné ce qui se passe en Palestine, où l'armée israélienne commet délibérément des actes de génocide, un massacre de civils, surtout que, à ce jour plus de 13 000 civils ont été massacrés, dont 5 500 enfants, je suis horrifié comme tout le monde.

J'ai décidé de répondre à l'appel de mon collègue, l'avocat français, Dr Gilles Devers. Lui et une équipe, comprenant environ 560 avocats venant du monde entier, ont décidé d'entamer des poursuites à la Cour pénale internationale (CPI) contre le génocide commis par Benyamin Netanyahu et l'effet d'Israël.

Vous êtes donc un parmi plus de 500 avocats à soutenir la cause palestinienne et à placer Israël face à ses responsabilités ?

Oui c'est vrai. Devant une telle situation où les civils palestiniens n'ont pas de nourriture, pas d'électricité, pas d'eau, pas de médicaments, où les hôpitaux sont bombardés et aussi les églises et les mosquées, comme un être humain et un avocat, je refuse de garder le silence surtout, qu'en conséquence de ces bombardements, des enfants et des nouveaux-nés sont la cible de bombardements sauvages et horrifiques de l'armée israélienne sous l'ordre de son premier ministre Netanyahu et de son cabinet fasciste. Je peux même inviter nos confrères qui se sentent concernés de nous joindre.

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Pensez-vous que d'autres avocats mauriciens vont vous emboîter le pas ? Allez-vous tenter de les convaincre?

Ce n'est pas une question de participer seulement à une action légale, mais aussi d'agir en tant qu'humain responsable contre le génocide commis par l'État d'Israël et ses alliés. On a vu des centaines de manifestations populaires contre le massacre des Palestiniens. C'est aussi une question qui touche notre conscience et nous devons agir.

Ici, je dois faire ressortir que l'action n'est pas antisémitique ou antijuif, mais qu'elle est contre l'idéologie sioniste, une idéologie dénuée de toute considération humaine. Il y a un bon nombre de juifs qui ont manifesté et qui condamnent l'action de l'État d'Israël. Il ne faut pas faire d'amalgame entre le judaïsme et le sionisme. Le sionisme est considéré comme étant une idéologie génocidaire, qui est contre toutes les valeurs humaines et les droits de l'homme.

À travers cette plainte, faisant suite aux représailles de Tsahal sur Gaza depuis l'attaque terroriste du Hamas en Israël le 7 octobre, vous demandez au procureur de la CPI, Karim Khan, de se pencher sur la situation actuelle et de réunir les preuves d'un génocide. Mais pour cela, encore faut-il avoir les moyens d'enquêter et de lancer un mandat d'arrêt à l'encontre de Benyamin Netanyahou... N'oublions pas qu'en mars 2021, le bureau du procureur de la CPI avait déjà ouvert une enquête sur les crimes commis en Palestine depuis la guerre de Gaza de 2014. En vain, non ?

L'attaque du 7 octobre n'est pas une attaque terroriste. Le Hamas mène une guerre de libération contre l'occupant qui écrase les Palestiniens depuis 75 ans. Donc, le Hamas résiste afin de protéger l'existence du peuple palestinien. N'oublions pas que Gaza est depuis plus de 20 ans considérée comme étant la plus grande prison ouverte au monde. Je dois ajouter qu'il y a des pays, tels que l'Afrique du Sud, le Bangladesh, la Bolivie, les Comores et Djibouti, qui ont formellement déposé plainte («referral») à leurs frais, ce qui change le cadre de la décision pour le procureur.

Nous gardons la même ligne : des actions auprès des organes de la Cour pour convaincre de la nécessité d'une enquête rapide et approfondie sur le génocide, et une coopération au service des droits des Palestiniens, en offrant compétence et disponibilité. Nous sommes en contact avec le barreau de Palestine pour déterminer comment nous pouvons agir au mieux. Cette plainte regroupe plus de 160 organisations non gouvernementales et 600 avocats, ce qui est sans doute le plus fort acte de solidarité internationale dans la profession.

Concernant les moyens d'enquêter, la Belgique s'est, par exemple, engagée par une subvention à la CPI pour financer l'enquête. Maintenant quant au mandat d'arrêt à l'encontre de Netanyahou, il reste toujours cette propagande nulle : la Cour ne peut pas se prononcer car Israël n'est pas reconnu par elle. Cette question a été tranchée par un arrêt du 5 février 2021 de la CPI : la Palestine est un État, avec comme territoires souverains la Jordanie, Jérusalem et Gaza, et le gouvernement de Palestine a valablement transféré sa compétence pénale à la Cour. Aucun État n'a fait appel de ce jugement d'après une lettre d'informations venant de Gilles Devers.

Finalement, alors que les États-membres restaient indifférents, les cinq États mentionnés ont formellement déposé plainte devant le procureur de la CPI, le 17 novembre 2023. Donc, cela change la question de l'enquête : le procureur, M. Karim Khan, doit se prononcer en fonction de ces demandes et non pas seulement de son propre chef.

Pourquoi la cause palestinienne vous est importante ? Connaissez-vous bien la Palestine?

Je lis l'histoire, je suis passionné même. Mes voyages sont déterminés par mon amour de l'histoire. Je visite des endroits historiques. La Palestine, c'est aussi un endroit sacré. On y trouve une culture riche. La Palestine est considérée comme le berceau des religions monothéistes. La cause palestinienne est principalement importante pour moi parce que je suis contre l'occupation militaire et illégale, pour la liberté des peuples, et aussi pour le respect de la loi internationale.

Qu'elle sera l'issue de ce conflit selon vous ?

D'après moi, avec la pression internationale et des pays qui sont concernés pour la liberté des peuples, il y aura tôt ou tard un cessez-le-feu que Netanyahou le veuille ou non. La communauté internationale doit prendre ses responsabilités. Naturellement, en conséquence, il faut penser à la reconstruction de la Palestine et surtout de Gaza.

Cependant, je dois ajouter qu'Israël est le grand perdant pour les raisons suivantes : 1) plusieurs pays ont déjà rompu les relations diplomatiques avec Israël ; 2) beaucoup de pays ont rappelé leurs diplomates ; 3) le Hamas est toujours là et continue sa lutte, et 4) le plus important, c'est qu'Israël est considéré comme un État terroriste par l'opinion des peuples du monde et qu'Israël a perdu la sympathie de presque tous les peuples.

Pour s'associer à la plainte

Pour ceux qui ne l'ont pas déjà fait, envoyez simplement et rapidement un mèl pour vous associer à la plainte contre le génocide car les avocats retournent à la Cour pénale internationale le 22 novembre. Diffusez à votre entourage, de n'importe quel pays et de n'importe quelle langue, qu'il y a des centaines d'avocats de différents pays et qu'il s'agit d'une plainte internationale. Participez tous : Gilles@deversavocats.com«Cher Maître, je suis témoin du génocide en cours à Gaza. Par ce mail, je souhaite m'associer à la plainte à la CPI contre le gouvernement israélien pour génocide contre les Palestiniens. Bien cordialement, nom, prénom et téléphone.»

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