Plus de deux ans après sa chute, l'ex-président guinéen, Alpha Condé, qui vit en exil, fait l'objet de nouvelles poursuites engagées par la Justice de son pays à son encontre. En effet, parvenues, « au terme d'une opération d'infiltration initiée par le Parquet général », à la conclusion que l'ex-président « a mis les moyens en vue de se procurer des armes, munitions et matériels connexes » dans le but de s'en servir « contre les intérêts fondamentaux de la Nation », les autorités de la transition guinéenne ont lancé, le 20 novembre dernier, des poursuites à son encontre pour « trahison, association de malfaiteurs et complicité de détention illicite d'armes et de munitions ».
Les mêmes poursuites sont engagées contre l'un de ses fidèles lieutenants et militant actif du Rassemblement du peuple guinéen (RPG), Fodé Moussa Mara, surnommé « Général El Sisi », qui a été arrêté le week-end dernier dans la capitale guinéenne.
Le moins que l'on puisse dire, c'est que les tuiles continuent de s'amonceler sur la tête de l'ancien chef de l'Etat guinéen qui était déjà poursuivi, entre autres, pour des faits présumés de « corruption, assassinats, actes de tortures, enlèvements et viols » commis sous son règne.
Les tuiles judiciaires qui s'amoncellent sur sa tête, sonnent comme un retour du bâton, à l'heure de la reddition des comptes
Et ces nouvelles charges ont d'autant plus de quoi interroger que l'on se demande ce qui se cache derrière cette nouvelle affaire. Faut-il y voir un lien avec la rocambolesque et récente affaire d'évasion spectaculaire de prisonniers du massacre du 28 septembre dont le procès est toujours en cours et dont l'un des détenus, le colonel radié Claude Pivi, est toujours en cavale, sur fond de rumeurs de tentative de coup d'Etat ?
Est-ce une façon, pour les tenants actuels du pouvoir à Conakry, de tenir à distance l'ex-président que l'on dit nostalgique de son pays et de son pouvoir et qui, à en croire certaines sources, a mis à profit son séjour à l'étranger pour travailler à reconstituer son réseau international tout en gardant une certaine proximité avec les militants de son parti ? En attendant d'avoir une réponse à ces questions, tout porte à croire que le rêve d'un retour au pays natal, n'est pas près de se réaliser de sitôt pour le natif de Boké.
Car, au regard du poids des nouvelles charges qui pèsent sur sa tête, on se demande si dans les circonstances actuelles, l'ex-chef de l'Etat acceptera de répondre à une convocation de la Justice guinéenne. Rien n'est moins sûr. Autant dire que la descente aux enfers se poursuit pour Alpha Condé qui semble pourtant nourrir toujours des espoirs de revenir un jour au pouvoir.
Mais au regard de ce qu'a été sa gouvernance, peut-on vraiment plaindre le Professeur qui, du haut de sa chaire et de son fauteuil présidentiel, se croyait omniscient et omnipotent, au point de dresser le bûcher contre son peuple en enjambant les cadavres de ses compatriotes pour se tailler un mandat indû ?
Assurément, non. Car, Alpha Condé est en train de récolter ce qu'il a semé. Et ces tuiles judiciaires qui s'amoncellent sur sa tête, sonnent comme un retour du bâton, à l'heure de la reddition des comptes.
On attend de voir jusqu'où iront les nouvelles poursuites engagées à son encontre
Et cela devrait servir de leçon à tous ces princes régnants qui se laissent parfois griser par le pouvoir en oubliant souvent qu'ils ne resteront pas éternellement forts. En tout cas, tôt ou tard, chacun répondra de ses actes.
C'est pourquoi ces déboires judiciaires de l'ex-homme fort de Conakry, revêtent un caractère pédagogique. C'est le lieu d'inviter les dirigeants africains à faire montre de gouvernance vertueuse pour se mettre à l'abri des déconvenues de l'histoire.
Pour en revenir à Alpha Condé dont l'obstination à se maintenir au pouvoir, tournait à l'aveuglement, on attend de voir jusqu'où iront les nouvelles poursuites engagées à son encontre. Et surtout ce qu'elles révèleront de cette affaire qui ne manque pas d'interroger, au moment où la transition guinéenne peine encore à donner de la lisibilité à son calendrier de retour à l'ordre constitutionnel et semble elle-même prise dans des tourments, avec un Claude Pivi qui reste désespérément introuvable, après sa spectaculaire évasion dans les conditions que l'on sait. Ceci expliquerait-il cela ?
L'histoire sans doute le dira. En attendant, avec cette nouvelle affaire, tout porte à croire que la transition guinéenne manque quelque peu de sérénité. A moins que ces nouvelles poursuites engagées contre l'ancien président, ne procèdent d'une stratégie de pure diversion destinée à endormir le peuple par rapport aux objectifs de la transition.
Ou encore de la logique de tenir l'ex-chef de l'Etat dans un dossier judiciaire où la junte qui l'a renversé et qui est aussi comptable de sa gouvernance pour en avoir été le bras armé, ne court pas le risque d'être elle-même éclaboussée.