Face aux effets néfastes des intrants chimiques sur la dégradation des terres cultivables, l'environnement et la biodiversité, dans un contexte de changement climatique, de nombreux agriculteurs misent de plus en plus sur les engrais et les pesticides organiques/biologiques. Les défenseurs de l'agriculture biologique et de l'agroécologie sont entrés en jeu et endossent le combat pour le retour à des modes de production agricole viables et durables. Le politique semble aussi regarder dans la même direction. Immersion dans l'écosystème des intrants organiques au Burkina Faso, de plus en plus prisés, mais où les goulots d'étranglements ne manquent pas !
Douré est un village de la commune rurale de Toeghin, dans la province de Kourwéogo, région du Plateau central. En cette journée de la troisième décade du mois d'août 2023, le paysage est dominé par une verdure captivante. De part et d'autre de la principale piste rurale conduisant au village, les cultures de mil, sorgho, petit mil, maïs (au stade de montaison) et les herbes se disputent l'espace aux arbustes. Une canicule annonciatrice d'une éventuelle pluie s'abat sur ses habitants à l'ouvrage, par groupes de deux, trois, cinq, six..., dans les exploitations familiales désherbage, sarclage, buttage, labours, semis des dernières spéculations, etc.
Colette Zoundi est de cette bourgade de 935 âmes, dont 494 femmes, selon le dernier recensement général de la population. Depuis le début de la saison, elle passe son temps entre son petit restaurant et son champ de moins d'un hectare. « J'exploite seule mon champ, mon mari gère une boutique au village. Il ne cultive pas », confie la jeune mère de six gosses. La bonne physionomie de son exploitation tranche avec les champs environnants et force l'admiration. « J'utilise uniquement de l'engrais organique, notamment de la bouse de vache que je fais décomposer avant de l'épandre dans les poquets de zaï.
Les techniciens de l'agriculture nous ont appris que les engrais chimiques dégradent continuellement les sols. A la pratique, nous nous rendons compte que les engrais organiques sont meilleurs », relate-t-elle. Sur son exploitation, dame Colette récole en moyenne 7 sacs de 100 kg de mil et 2 sacs de 100 kg de haricot ; ce qui est suffisant pour mettre sa petite famille à l'abri du besoin alimentaire. Non loin de là, se trouve l'exploitation familiale d'environ un hectare de Noaga Edouard Ouédraogo. Il y cultive principalement du mil et du haricot.
Cela fait dix ans qu'il a rompu avec les engrais et herbicides chimiques. Depuis lors, il ne jure que par les intrants organiques qu'il fabrique lui-même à base de déjections animales, d'herbes et de tiges. Sur sa petite exploitation, il récolte en moyenne 7 sacs de mil de 100 kg. « Les engrais organiques améliorent les rendements. Ils nourrissent les cultures et les sols pendant plus d'une année, alors que les engrais chimiques ont besoin d'être appliqués chaque année », argumente le paysan de 55 ans, daba à l'épaule.
Dégradation continue des sols
A Kouanda, dans la commune rurale de Saaba, région du Centre, le président de la Coopérative Tégawendé des maraichers, Nikièma Hamidou, est aussi un adepte convaincu des intrants agricoles biologiques depuis cinq ans. La tomate, l'oignon, l'aubergine, le maïs et le riz constituent ses principales spéculations qu'il exploite sur toute l'année sur son domaine d'environ deux hectares. « Je suis né dans l'agriculture. Souvent l'exploitation de grandes superficies n'est pas si rentable.
Mieux vaut avoir des superficies que l'on maitrise. Avec ces deux hectares, je nourris ma famille d'une douzaine de membres », confie-t-il fièrement. En cette matinée d'août, M. Nikièma et quelques membres de sa famille appliquent, au pieds des jeunes plants de tomates récemment repiqués, du compost, un engrais organique, obtenu à base de résidus de bois de scierie, de bouse de vache, de cendre, de phosphore et enrichi au Trichoderma, un champignon naturel.
Utilisé comme une fumure de fond, l'engrais organique permet d'améliorer la fertilité du sol et sa capacité de rétention en eau apporte les éléments nutritifs indispensables au développement de la plante et la protège contre les nématodes (microorganismes) et les maladies fongiques, explique Siprame Sylvie Bonkoungou, assistante de recherche et développement de Bioprotect, une entreprise productrice d'intrants organiques. M. Nikièma poursuit que dans deux semaines, il va appliquer un autre engrais organique, l'orgaplant, un compost enrichi à la fiente de volaille et à la poudre de neem.
Celui-ci est utilisé comme engrais de couverture pour apporter les éléments indispensables au développement de la plante (NPK) et permet d'améliorer la production. Pour le traitement phytosanitaire de ses cultures, Hamidou Nikièma a jeté son dévolu sur les bio-pesticides, au détriment des pesticides chimiques. Fabriqués à base de substances naturelles, comme les feuilles ou l'huile de neem, le piment, l'ail, etc., ces bio-pesticides luttent contre les insectes, comme les chenilles légionnaires, les larves, les vers et autres nuisibles.
« L'avantage avec ces bio-pesticides est qu'ils ne sont pas toxiques et pour les appliquer nous n'avons pas besoin d'équipements sophistiqués et coûteux », témoigne-t-il. Ce producteur écolo, dans une sorte de cours magistral en plein champ, explique que son retour aux intrants naturels est parti de ses connaissances acquises sur les méfaits des produits chimique sur la santé et la fertilité des sols. « Lorsque vous utilisez l'engrais chimique, au bout de dix ans, vos rendements ne font que baisser.
L'année où vous ne l'appliquez pas, vous ne récoltez pas grande chose. Ce n'est pas le cas des engrais organiques qui nourrissent les cultures et renforcent la fertilité des sols », argumente-t-il. Depuis lors, le président de la Coopérative Tégawendé, a pris la ferme résolution de faire le deuil des intrants chimiques pour s'investir à fond dans les bio-intrants. « Chaque année, je dépense environ 750 000 F CFA dans l'achat des engrais organiques. Si j'ajoute les pesticides naturels, mes dépenses s'élèvent à environ 1 100 000 F CFA. Sans oublier qu'annuellement, je produis moi-même entre 10 et 20 tonnes d'engrais organiques, selon les saisons », confie-t-il fièrement. Avec les engrais organiques, je lègue des terres cultivables, fertiles et durables à mes enfants, lâche-t-il.
Un regain d'intérêt
Dans le monde paysan, il y a de plus en plus un regain d'intérêt pour les intrants organiques. « Dans notre région, nous avons plus d'une centaine de producteurs agroécologiques, avec environ une cinquantaine pour la seule province de l'Oubritenga. Certains pratiquent l'agroécologie dans des fermes où ils reçoivent des étudiants stagiaires des universités publiques et privées.
Ils sont spécialisés dans la production et l'utilisation des bio-fertilisants et des bio-pesticides », précise le chef de service des productions végétales à la direction régionale de l'agriculture, des ressources animales et halieutique du Plateau central, Drissa Minoungou. Selon une étude réalisée en 2018 par le Conseil national de l'agriculture biologique (CNABio), on dénombre environ 350 (associations et personnes physiques) acteurs de l'agriculture biologique et l'agroécologie au Burkina Faso.
Selon le directeur général des productions végétales du ministère en charge de l'agriculture, Toussaint Sampo, cette nouvelle dynamique est dictée par une prise de conscience, de plus en plus grandissante du désastre écologique, environnemental et sanitaire que causent les intrants chimiques. L'option des acteurs de terrain, poursuit-il, est en phase avec la politique et la vision de son ministère d'aller vers l'agriculture durable, qui s'investit dans la sensibilisation, le renforcement des capacités des acteurs.
Et c'est pour accompagner la dynamique que le département en charge de l'agriculture s'est doté d'une Stratégie nationale de développement de l'agroécologie sur la période 2023-2027, d'un montant global de 19,5 milliards F CFA. Depuis une douzaine d'années, le CNABio mène le combat pour des modes de productions durables. « Lors de nos campagnes, nous montrons aux paysans les effets nocifs des produits chimiques sur l'environnement, l'appauvrissement des sols cultivables, leur propre santé et celle des consommateurs », confie sa coordonnatrice, Clémence Samba.
A cela, elle ajoute la cherté des intrants chimiques, aggravée par la guerre russo-ukrainienne. Sur le marché national, le prix du sac (50kg) se négocie entre 20 000 et 30 000 F CFA, alors que les engrais organiques, pouvant être produits par les agriculteurs à partir de matières naturelles locales, coûtent entre 4 000 et 12 000 F CFA le sac.
Le sol, un vivant à soigner
Il existe des évidences scientifiques sur les vertus des intrants organiques, selon Dr Hamado Sawadogo, géo-pédologue, chercheur, spécialiste en gestion de la fertilité des sols, à l'Institut de l'environnement et de recherches agricoles (INERA). Ses recherches montrent qu'en n'utilisant que des engrais organiques en labour simple, les rendements de sorgho, des légumineuses (arachide, niébé) augmentent de 40 à 80%.
Ces rendements passent de 120 à 140% lorsque les engrais organiques sont appliqués dans des poquets de zaï et sont triplés quand ils sont associés aux demi-lunes. Avec les cultures maraichères, les effets de ces intrants naturels sont plus importants, ajoute-t-il. « L'efficacité des engrais bio est scientifiquement prouvée. Quand on fait des analyses des sols où ces engrais sont appliqués, on se rend compte que le taux des éléments nutritifs majeurs (NPK) augmente, ainsi que les oligo-éléments qui sont des éléments dont la plante a besoin en petite quantité tels le zinc, le cuivre, le souffre, etc.
Généralement les oligo-éléments sont limités dans les sols burkinabè. L'azote (N) assure la croissance de la plante, le phosphore (P) permet la consistance de la plante et surtout la fructification et le potassium (K), permet à la plante d'être résistante », précise Dr Sawadogo. Les engrais organiques, renchérit-il, contiennent des micro-organismes qui sont responsables des transformations. Pour le chercheur, en plus de nourrir les cultures, les intrants naturels participent à la fertilisation continue des terres cultivables, et par conséquent, à la lutte contre leur dégradation.
« Quand vous exploitez un sol sans rien apporter, vous l'épuisez, le déstabilisez, l'exposez à l'érosion. La loi de la fertilisation dit que lorsque vous avez une culture qui prélève des nutriments du sol, il faut compenser. Autrement, il y a dégradation du sol », souligne le chercheur de l'INERA. Contrairement à ce que beaucoup pensent, insiste-t-il , le sol est un vivant et a besoin d'être entretenu, nourri, soigné. « Mieux, notre santé dépend de la santé du sol », relève le géo-pédologue qui ajoute que malheureusement, les intrants chimiques empoisonnent cette vie, la conduisant vers une mort programmée : la dégradation des sols.
« L'utilisation des engrais chimiques entrainent à long terme l'acidification des sols, et partant, la baisse de la fertilité des sols et des rendements agricoles. En outre, elle engendre la pollution les sols, les eaux de surfaces et souterraines et de l'air, avec toutes
les conséquences que l'on peut imaginer sur l'environnement et la santé », souligne Dr Sawadogo. Il en veut pour preuve, l'évaluation faite par le mécanisme NDT (neutralité en matière de dégradation des terres) en 2017, qui révèle que plus de 5,1 millions d'hectares de terres se sont dégradés au Burkina Faso, entre 2002 et 2013, soit 19% du territoire national. Cette situation s'explique, en partie, par les mauvaises pratiques agricoles.
Séquestration de carbone
En sus, les engrais chimiques participent au réchauffement climatique. « La plupart des engrais chimiques sont fabriqués à base de déchets du pétrole. Plus vous les utilisez, plus vous polluer l'atmosphère », fait remarquer Dr Hamado Sawadogo. Par contre, les engrais naturels, produits à partir des matières organiques, non seulement, ne sont pas polluants, mais aussi contribuent à la séquestration du carbone dans le sol.
« Lorsque nous faisons des analyses sur les sols où les engrais bio sont utilisés, nous nous rendons compte que la quantité de carbone qui y est stockée a augmenté », affirme-t-il. Quant aux bio-pesticides, ils participent à la préservation de la biodiversité animale et végétale, comme l'indique le directeur de recherche en chimie organique et substances naturelles à l'Institut de recherche en sciences appliquées et technologies (IRSAT), Dr Roger Nebié.
Son équipe a mis au point plusieurs insecticides naturels, dont le Superfaso N, qui est fait à base de l'huile des graines de neem. « De la littérature scientifique, mais aussi des pratiques paysannes, il ressort que le neem a un pouvoir insecticide. Il contient plusieurs composants qui agissent en interaction », fait-il savoir. Après son implémentation avec succès, l'IRSAT est à la recherche d'une entreprise privée qui serait intéressée pour sa diffusion à l'échelle nationale.
Les bio-pesticides, poursuit Dr Nébié, ont l'avantage de ne pas provoquer un « carnage » au niveau de la biodiversité. Ils sont d'une faible toxicité, ciblent généralement un ravageur donné et sont en réalité des insectifuges, c'est-à-dire qu'ils ne tuent pas l'insecte mais le repoussent, lui enlèvent l'envie de s'attaquer aux cultures. Par contre, les pesticides chimiques, déplore-t-il, tuent sans distinction tous les micro-organismes sur leur passage.
« L'autre avantage est que les pesticides naturels se dégradent rapidement ; ce qui ne favorise pas leur présence prolongée dans la nature. Comme, ils se dégradent vite, il y a moins de risques. Car, plus un produit chimique persiste dans la nature, plus il peut créer des dommages au niveau de l'organisme biologique par bioaccumulation. Ce qui pose un véritable problème de santé humaine et animale, alors qu'avec les bio-intrants, on mange sain », rassure le chercheur en chimie organique et substances naturelles.
Des obstacles
Malgré ces vertus, la vulgarisation des intrants organiques bute sur de multiples défis et contraintes. Pour le chef de service économie verte et changement climatique de la direction régionale du ministère en charge de l'environnement du Plateau central, Namata Kaboré, il faut intensifier la sensibilisation et le renforcement des capacités des acteurs, car la majorité des producteurs ne perçoivent pas encore les enjeux liés à l'utilisation des bio-intrants. « Le revers de la médaille des bio-intrants est qu'ils se dégradent vite.
Cela implique qu'il faut les appliquer beaucoup plus fréquemment. Ce qui fait que l'utilisation de ces intrants naturels devient onéreuse, financièrement et physiquement, pour le producteur », fait remarquer Dr Roger Nébié. Mais le gain environnemental et écologique, en termes de préservation de la biodiversité et de la fertilité des sols, fait que ce sacrifice en vaut la peine, précise-t-il.
Si aujourd'hui, ajoute-t-il, l'humanité a causé tant de dommages à la nature, qui a engendré la crise climatique, c'est parce que, pendant longtemps, elle a refusé cet investissement dans des modes de productions propres, naturels. Selon le chercheur, Hamado Sawadogo, les matériaux intervenant dans la production des intrants naturels rebutent souvent les agriculteurs.
« Lorsque vous demandez à un paysan de payer du sucre, du miel, du piment ou de l'ail pour fabriquer des intrants, il y a une forte chance qu'il n'y adhère pas », rigole-t-il, précisant que même ce qui semble disponible en abondance comme les tiges de mil et les herbes, ne l'est pas toujours, car elles subissent la concurrence avec d'autres usages comme le fourrage que le paysan trouve souvent plus rentable.
La disponibilité de la ressource eau constitue un autre handicap. « Quand les paysans n'ont pas suffisamment d'eau pour couvrir leurs besoins primaires, ne leur demandez pas de s'en servir pour arroser de la fumure organique », ironise Dr Sawadogo. L'agriculteur Hamidou Nikiema ajoute que la production et l'application des intrants organiques demandent une main d'oeuvre, de plus rare en milieu rural, car la jeunesse d'aujourd'hui fuit le travail de la terre, préférant les emplois salariés dans l'administration.
Certifier les produits
Le CNABio, lui, veut relever le défi de la qualité des intrants organiques produits au Burkina. Cela passe par la professionnalisation du sous-secteur. Il a ainsi contribué à mettre en place un cadre de concertation des fabricants et distributeurs de bio-intrants. « Nous voulons organiser, assainir le secteur, car nous tenons à ce que des produits mis sur le marché soient de qualité.
En partenariat avec l'ABNORM, nous avons en projet d'aller vers la certification des bio-intrants », fait savoir sa coordonnatrice. Pour atteindre ces objectifs, les acteurs, avec l'appui de CNABio, se sont dotés d'un Plan d'action pour le développement du sous-secteur des bio-intrants au Burkina Faso 2023-2026, d'un coût global de 485 millions F CFA, dont 59% sont consacrés aux « actions de stimulation et d'accompagnement des acteurs et unités de production pour la fourniture des bio-intrants et un conseil de qualité ».
Regroupés au sein de la Société coopérative simplifiée des Fabricants et fournisseurs d'intrants et de matériels agro écologiques (SCOOPS-FFIMA), composée d'une trentaine d'entreprises, les acteurs des intrants organiques font de cette quête de la qualité une priorité. « Nous avons des laboratoires de recherche qui nous accompagnent pour nous assurer de la qualité de nos intrants », rassure son président, Seydou Sawadogo.
Pour convaincre les sceptiques, ils multiplient les expérimentations sur le terrain. Dans la zone de Houndé, l'implémentation de l'hydro-rétenteur fertilisant activateur sur un hectare de coton a permis de récolter 2,1 tonnes de coton, tandis qu'avec l'engrais chimique, le rendement était d'à peine 900 kg. « Les producteurs étaient émerveillés. Avec cet intrant, on double la production nationale en coton ! Malgré ces évidences, personne ne nous fait appel », s'offusque le secrétaire général de la SCOOPS-FFIMA, Lassina Sana.
Les membres de cette coopérative ne doutent pas de leur capacité à répondre à la demande nationale en intrants organiques de qualité, pour peu qu'il y ait un environnement propice et un accompagnement structurel de l'Etat. Et pour le président Sawadogo et ses camarades, le contexte est plus qu'indiqué pour un changement de paradigme, en plaçant les bio-intrants au centre des politiques agricoles. « Les engrais chimiques ont montré leurs limites, en matière de préservation continue des sols, de la biodiversité, de l'environnement, de santé », argue le président de la SCOOPS-FFIMA, Seydou Sawadogo, citant en exemple le désastre environnemental et écologique à l'oeuvre dans les zones cotonnières où les produits chimiques sont intensément utilisés.
Un passage obligé
La COVID-19 et la crise russo-ukrainienne, poursuit-il, ont non seulement renchéri les coûts de l'engrais chimique mais aussi montré les limites de notre modèle agricole, basé sur la dépendance des intrants importés. Un autre élément de contexte, et pas des moindres, est la crise sécuritaire et ses lots de victimes, que vit le Burkina Faso depuis huit ans. « Les terroristes utilisent les engrais chimiques pour fabriquer des bombes artisanales.
Au lieu d'envoyer ces intrants chimiques dans des zones où les terroristes vont les récupérer pour endeuiller nos soldats et nos populations civiles, pourquoi ne pas y vulgariser les bio-intrants », s'interroge-t-il. Si la vision du gouvernement est d'assurer une alimentation saine à la population, et d'affirmer sa souveraineté agricole et alimentaire, il n'y a pas d'autre choix que l'option des intrants bio, martèle le président de la SCOOPS-FFIMA. « Jusque-là nous travaillons sur fonds propres, sans financements ni mesures de soutiens spécifiques », déplore le secrétaire général de la SCOOPS-FFIMA.
La société coopérative joint sa voix à celle des agriculteurs écologiques pour demander la subvention des intrants organiques, comme cela se fait depuis des années pour les intrants chimiques. « Nous souhaitons que le gouvernement subventionne le prix des intrants organiques et nous facilite l'accès aux technologies nécessaires pour produire nos propres intrants », lance Hamidou Nikièma. Au ministère de l'Agriculture, on soutient que la promotion des intrants bio est prise au sérieux.
Pour preuve, selon la Direction générale des productions végétales (DGPV), dans le cadre de la mise en oeuvre de l'offensive agro-pastorale et halieutique 2023-2025, ce département a prévu de mettre plus de 219 000 tonnes d'engrais et fertilisants organiques, à prix subventionnés, à la disposition des producteurs de maïs, de riz, de blé et de pomme de terre. Au cours de la saison 2023, les prix subventionnés des engrais chimiques (NPK et Urée) sont de 12 000 F CFA le sac de 50 kg, 4 000 F CFA pour le sac de 50 kg de fumure organique et 2 500 F CFA pour le sachet de 2,5 kg d'activateur plus.
« L'offensive agropastorale et halieutique s'étant inscrite dans la dynamique de promouvoir les systèmes de production intégrée et durables, les bio-fertilisants et les bio-pesticides seront placés au coeur de cette vision et pourraient représenter plus d'un tiers des quantités totales de fertilisants et de produits de protection des cultures qui seront mis à la disposition des producteurs », argue-t-on à la DGPV.
Une « première » !
Dans le cadre de la mise en oeuvre de l'Initiative présidentielle pour la production agricole, la présidence du Faso a commandé, par l'entremise de la CAIMA, aux fabricants locaux, 3 000 tonnes de fumure organique (dont 2 850 tonnes à la SCOOPS-FFIMA) d'une valeur globale de 510 millions F CFA, coûts d'acquisition et frais connexes compris. Une « première » qui suscite enthousiasme et espoir. « La plupart de nos membres étaient au bord de la faillite. Le gouvernement actuel est en phase avec nous. Pour une première fois, nous avons été entendus.
Nous félicitons les autorités de la Transition pour cette vision d'aller vers les intrants organiques, pas parce que nous voulons de l'argent mais toutes les études montrent qu'avec les intrants chimiques nous allons vers le chaos », a confié, Lassina Sana. « Cela fait des décennies, qu'au ministère en charge de l'agriculture, nous n'avons pas vu cette approche participative qui consiste à convier tous les acteurs à la table de discussions. Avant, lorsque nous parlions de bio-intrants, le ministère ne nous écoutait pas », a renchéri le président Seydou Sawadogo, avec l'espoir que l'offensive agropastorale et halieutique 2023-2025 du ministère en charge de l'agriculture accordera davantage une place de choix aux intrants organiques.
Une demande de plus en plus forte
Selon une « étude sur le marché des intrants organiques au Burkina Faso » (août 2023) réalisée par le Projet agriculture contractuelle et transition écologique (PACTE), 71 fertilisants/engrais organiques (dont 47 solides, 23 foliaires/liquides et un hydro-rétenteur fertilisant activateur) et 18 pesticides naturels sont produits au pays des Hommes intègres. Au cours de la campagne agricole 2022, l'autoproduction des agriculteurs est estimée à 2,7 millions de tonnes de fertilisants organiques solides et 165 000 litres de fertilisants organiques liquides.
Ce qui est produit par les fabricants représente plus de 31 600 tonnes de fertilisants organiques solides, 53 000 litres de fertilisants organiques liquides, 267 tonnes de pesticides naturels en poudre et environ 25 000 litres de pesticides naturels liquides. S'agissant de la demande en intrants organiques au Burkina Faso, de plus en plus forte, elle est estimée, au cours de la campagne agricole 2022, à 3,4 millions de tonnes de fertilisants solides, plus de 4 000 de litres de fertilisants et environ 1,8 millions de litres liquides phytosanitaires naturels. Toujours selon le rapport, les engrais chimiques de synthèse coûtent 3,6 à 4 fois plus cher que les fertilisants organiques ; tandis que les pesticides chimiques coûtent environ 1,5 fois plus que les bio-pesticides.