Sur la Grande Île, le lanceur d'alerte Thomas Razafindremaka a été condamné à deux ans de prison ferme lundi 20 novembre par le tribunal correctionnel d'Antananarivo. Ce célèbre défenseur des communautés locales de la région Ihorombe dans le sud du pays est notamment poursuivi pour escroquerie et usurpation de titre. La société civile, qui avait déjà réclamé l'abandon de toutes les charges contre ce militant, pointe une manoeuvre d'intimidation.
Au fil de toutes ces années, son nom est devenu celui du combat contre l'accaparement des terres des petits paysans dans le Grand Sud. En plus de ces 30 ans de lutte, Thomas Razafindremaka avait osé dénoncer en 2019 d'autres pratiques de corruption au sein du tribunal et d'institutions locales d'Ihosy - la gendarmerie et commission électorale du district notamment. C'est là que sa voix a commencé à déranger, rappelle Lalaina Rakotonirina, directeur général de l'ONG « ILONTSERA ».
« C'est à partir de cela qu'une tierce personne a déposé une plainte contre monsieur Thomas. Et les chefs d'inculpation reprochés à monsieur Thomas, c'est de s'être immiscé dans des fonctions dévolues aux huissiers de justice et aux avocats, ainsi que d'employer des manoeuvres frauduleuses pour persuader et escroquer la fortune d'autrui. »
Parmi les reproches adressés au militant, la collecte de cotisations auprès des adhérents de l'organisation « Gny To tsy mba Zainy » qu'il préside. Une pratique tout à fait classique et prévue dans les statuts de l'association, réplique la société civile, qui craint que cette affaire ne soit utilisée pour faire taire d'autres voix dissidentes.
« Ce cas-là, ça empêche et ça intimide les lanceurs d'alerte et les membres de la société civile. Parce qu'avec toutes ces poursuites, il y a une certaine peur qui s'installe. Et en ce moment, plus que d'habitude, comme on peut le voir dans les informations, ceux qui ne correspondent pas au discours officiel du pouvoir en place sont convoqués ou bien poursuivis. »
Jointe par RFI, Maître Bodonavalona, l'avocate de Thomas Razafindremaka annonce avoir fait appel de la décision. Pour les organisations de la société civile, cette affaire est l'occasion de rappeler l'urgence du projet de loi sur la protection des lanceurs d'alerte, délaissée par les législateurs depuis cinq ans.
Dans le nord du pays, le cas d'une autre lanceuse d'alerte inquiète. Marie Nathassa Razafiarisoa, présidente de l'association « Tanora Tia Fivoarana SAVA (TTF-SAVA) » a été placée sous contrôle judiciaire vendredi après avoir été déféré au tribunal d'Antalaha sur fond de conflit foncier dans le quartier de Moratsiazo à Sambava. À la fin du mois d'octobre, un mur y a été érigé, privant d'accès plusieurs habitants de leurs maisons. Huit jeunes accusés d'avoir partiellement détruit ce mur ont alors été arrêtés. Marie Nathassa Razafiarisoa, habitante de ce quartier impliquée dans la défense des communautés locales, a rendu visite à ces jeunes en prison et tenté de leur trouver un avocat. Elle est aujourd'hui poursuivie pour complicité dans la destruction de ladite clôture. Des faits qu'elle dément fermement.