Cet article a été produit avec le soutien de l'Initiative des organismes subventionnaires de la recherche scientifique (IOSRS).
[ABIDJAN] Un chercheur ivoirien a mis au point un système de chauffage des poussinières à base de biogaz obtenu grâce à de la fiente de poules pour remplacer la méthode traditionnelle faite à base de charbon de bois incandescent.
Ce système baptisé méthaniseur est l'aboutissement d'un travail de recherche intitulé « Conception et réalisation d'un système de chauffage de poussins à biogaz provenant des fientes de poules » et financé par le Fonds pour la science, la technologie et l'innovation (FONSTI).
Selon les explications de Rodrigue Adjoumani Kouakou, l'auteur de l'étude, par ailleurs maître assistant de chimie, physique et génie des procédés à l'Unité de formation et de recherche des sciences fondamentales et appliquées (UFR SFA) de l'université Nangui Abrogoua (Abidjan), ce méthaniseur à une capacité de 20 m3, alimenté en continu par des fientes avicoles.
« Il est composé principalement de trois compartiments. Le premier compartiment permet de recevoir la matière première, la fiente de poules. Ces déchets et l'eau sont mélangés dans le bassin d'alimentation du méthaniseur afin d'avoir un mélange homogène », explique le chercheur.
"L'avantage écologique porte sur la propreté de la ferme, la non- émission de fumée et la production biologique. Avant, on jetait la fiente qui, non seulement, salissait la ferme aux alentours, mais créait également un réel danger pour les poulets et nous-mêmes"Venance Signo Bini Kouadio , aviculteur
Ce mélange est ensuite porté dans la chambre du biodigesteur, le deuxième compartiment, jusqu'à sa décomposition totale. Une décomposition qui va conduire à la formation du biogaz.
« A travers un système de filtration et d'épuration utilisant des filtres de sel fer, du gel de silice et du charbon actif, le biogaz sera récupéré et conduit à travers des tuyauteries jusqu'au dispositif de stockage. Le biogaz stocké est utilisé en fonction du besoin soit au niveau d'un réchaud à biogaz, soit au niveau des radiants pour le chauffage des poussins. », conclut Rodrigue Adjoumani Kouakou.
Le digestat de méthanisation, composé de la fraction solide ou méthacompost et de la fraction liquide ou jus de process sont acheminés du digesteur vers le troisième compartiment qui est la fosse d'expansion. De cette fosse, les deux fractions (solide & liquide) du digestat seront récupérées par deux bassins ouverts.
Ainsi, résume-t-il, « le biogaz est produit à partir d'un digesteur à dôme fixe. Le biogaz est collecté sous un dôme fixe en béton, déplaçant les boues d'effluents à mesure que la pression du gaz augmente. »
Venance Signo Bini Kouadio , un aviculteur installé à Bondoukou dans l'est de la Côte d'Ivoire, soutient que « l'utilisation du biogaz est simple, avec une préparation du gaz pendant 90 jours en chargeant la fosse de 100 kg de fientes auxquelles on ajoute 100 litres d'eau. On attend la fermentation et le gaz est prêt. »
Rodrigue Adjoumani Kouakou explique que son idée est partie du constat d'une grande production de déchets organiques en Côte d'Ivoire du fait de l'accroissement du nombre d'aviculteurs sans pour autant qu'il y ait un plan de gestion des problèmes qu'ils posent.
2 500 aviculteurs en Côte d'Ivoire
En effet, selon une présentation intitulée « l'aviculture en Côte d'Ivoire : enjeux, défis et perspectives », faite à l'Académie d'agriculture de France par Marcel Koffi-Koumi, conseiller technique au ministère ivoirien des Ressources animales et halieutiques, le pays comptait 2200 producteurs en 2019.
Un chiffre qui aurait augmenté car, Palé Bindjété, président de l'Association nationale des aviculteurs de Côte d'Ivoire (ANAVICI), pour le district autonome de la Vallée de Bandama, estime que « à ce jour en Côte d'Ivoire, il y a plus de 2 500 aviculteurs ».
« En Côte d'Ivoire, les fermes avicoles produisent une quantité importante de déchets organiques, notamment la fiente de poules, qui ne sont le plus souvent pas valorisés. Cela constitue un problème environnemental. En outre, il existe un problème énergétique dans cette filière pour le chauffage des poussins » a constaté Rodrigue Adjoumani Kouakou, observant qu'en même temps, le taux de couverture en gaz butane est faible, particulièrement en milieu rural.
Ainsi, « ce projet a permis de proposer un prototype reproductible à grande échelle de chauffage de poussins à biogaz produit à partir de la fiente de poules dans une exploitation avicole », dit-il.
SciDev.Net a appris que les avantages de ce système sont en particulier sa contribution aux efforts de réduction des émissions de méthane (un gaz à effet de serre), la préservation de la biomasse par la proposition d'une source d'énergie alternative beaucoup moins polluante et accessible, ainsi que la diminution significative des odeurs nauséabondes liées aux exploitations avicoles.
« En raison des problèmes environnementaux et sanitaires inhérents à ce type d'élevage, la valorisation des déchets organiques générés par la mise en place d'un système de récupération et de production de biogaz est nécessaire. La production de biogaz à partir de la fiente de poules est donc un palliatif contre le rejet de gaz à effet de serre » défend Rodrigue Adjoumani Kouakou.
Toutefois, le méthaniseur présente d'importantes contraintes pour son installation, bien que son coût soit fonction de sa capacité et de sa durabilité. Celui qui a été réalisé dans le cadre de l'étude a une capacité de 20 m3 et a une durée de vie estimée à 30 ans pour un coût de l'ordre de 20 millions de franc CFA. Mais, pour son concepteur, le rapport gain-faiblesse est à l'avantage du premier critère.
Interrogé par SciDev.net, Venance Signo Bini Kouadio établit une comparaison : « j'ai perdu des poussins avec les deux méthodes (le biogaz et le charbon de bois, NDLR) ; mais avec le biogaz, je perds moins grâce à la densité de la chaleur. »
Avantage écologique
Le producteur soutient que « l'avantage écologique porte sur la propreté de la ferme, la non émission de fumée et la production est biologique ». Il ajoute que « avant, on jetait la fiente qui, non seulement, salissait la ferme aux alentours, mais créait également un réel danger pour les poulets et nous-mêmes ».
« L'impact du biogaz nous fait dépenser moins dans tous les sens, santé, finances, en énergie et surtout d'un point de vue écologique » soutient l'aviculteur.
Car, constate Rodrigue Adjoumani Kouakou, « le gaz butane est beaucoup utilisé dans les fermes avicoles pour le chauffage des poussins qui pour la plupart sont situées en zones rurales. »
Or, dit-il, pour réaliser un chauffage d'environ 50 000 poussins pendant une durée de 8 semaines, le fermier utilise en moyenne 35 bouteilles de gaz butane B12 par jour à raison de 6.000 F CFA l'unité, soit 210.000 F par jour et donc environ 12 millions de FCFA durant la période des 8 semaines nécessaires pour réchauffer les poussins.
« Donc chauffer les poussins par le biogaz produit à base de la fiente de poule représente un gain substantiel », conclut le chercheur.
Palé Bindjété, par ailleurs président du Groupement de défense sanitaire agricole (GDS) qui s'intéresse à la surveillance des maladies d'origine animale, encourage la mise en oeuvre des résultats de cette étude.
De son point de vue, elle permettrait la « diminution des maladies virales liées à la propagation de la fiente de poules et c'est d'un intérêt pour l'éleveur par rapport à l'environnement, car ça va faciliter la transition écologique et une économie circulaire. »
Car, explique cet expert, « des éleveurs déposent la fiente de poules devant les cours, là où des enfants jouent ; créant un grand risque de contamination car il y a des antibiotiques qui ont des délais d'attente dans les fientes de poules. Ce sera un problème de santé humaine qui sera parti de la santé animale »
« Nous sommes pressés de bénéficier de la pratique du biogaz dans nos fermes avicoles », conclut Palé Bindjété.
Cet article a été produit avec le soutien de l'Initiative des organismes subventionnaires de la recherche scientifique (IOSRS), qui vise à renforcer les capacités institutionnelles de 17 agences publiques de financement de la science en Afrique subsaharienne.