Congo-Brazzaville: An LXV de la République - Construction d'une mémoire nationale

La mémoire est le souvenir qu'un peuple a gardé des événements importants, heureux ou malheureux de son passé. Pour les célébrer, les historiens parlent du devoir de mémoire, une obligation morale de se rappeler collectivement de ces derniers.

Au Congo, disons-le d'entrée de jeu, la population a un rapport assez ambigu avec son passé lointain. En témoigne la proclamation de la République faite le 28 novembre 1958 qui ne sera célébrée pour la première fois que plus d'un demi-siècle après. Comme si pendant près de 80 ans, la colonisation n'avait été qu'un long fleuve tranquille.

L'histoire qui nous a été enseignée pendant la période coloniale et les traces durablement conservées que la colonisation elle-même a laissées sur nos paysages urbains et dans nos têtes, parce qu'elles participent activement de la fabrication de l'oubli, ont sérieusement empêché la construction d'une mémoire nationale. Cette réalité s'est aggravée avec les divers troubles politiques dont la récurrence et la violence occupent encore aujourd'hui tous les esprits.

Ils ont endormi, voire effacé la mémoire du temps qui a précédé la proclamation de la République célébrée à Brazzaville pour la première fois le 28 novembre 2010, 52 ans après la naissance de la République et environ 20 ans après le rétablissement du premier ordre républicain par la Conférence nationale souveraine. Et depuis, la journée est fériée et chômée.

Cette première commémoration de la proclamation de la République fut, entre autres, marquée par un fait important car hautement symbolique, l'inauguration dans la capitale de la première et jusque-là l'unique « Place de la République » du pays, à l'endroit de ce qui était jadis communément appelé « Rond-point du Centre culturel français ».

Le 28 novembre 2023, la République aura 65 ans. La célébration de ce bel âge pourra être placée sous le signe de la « Construction de la mémoire nationale ». Ce moment de repenser les commémorations sera dédié à l'élaboration d'un programme d'achèvement de ce devoir de mémoire initié il y a 13 ans. Il s'agit, dans un premier temps, de multiplier les « Place de la République » en les élargissant aux douze chefs-lieux de nos départements administratifs et aussi à certaines des villes importantes du pays.

Celles-ci devraient être ouvertes dans les anciennes villes à l'endroit des espaces où pendant la période coloniale furent célébrés les 14 juillet et depuis la proclamation de l'indépendance, les 15 août. De chacune d'elles pourraient partir, si les circonstances le permettent, une « Avenue du 28 novembre 1958 » et aussi « une Avenue ou une Rue de la République ». Autant de lieux de mémoire où la République sera désormais célébrée comme espace de concorde nationale et donc de renforcement de l'esprit patriotique.

Au Congo, les historiens ont depuis manqué d'ambition réelle, renonçant ainsi à explorer les grandes questions mémorielles du pays. Ce qui confère du mérite à un artiste comme Jacques Loubelo, chantre de la Nation et du patriotisme s'il en est. Sa chanson, « Congo », sortie au début des années 1960, chantée en lari et en lingala, fait de cet hymne à la paix le « chant des patriotes » et doit être traduite en Kituba, autre langue locale du pays et en plusieurs de nos langues maternelles pour être comprises par tous. Elle devrait être chaque fois entonnée après l'hymne national, « La Congolaise », dans les grandes manifestations qui célèbrent la Nation.

La mise en exécution de ce programme, prélude à la construction d'un vrai sentiment patriotique, exige de la part du ministère des Industries culturelles la convocation d'un colloque scientifique sur le thème de la « Construction d'une mémoire nationale ». Les conclusions devraient déboucher sur la création d'une Délégation nationale à la mémoire. Placée sous sa férule, elle sera chargée de l'élaboration et de la mise en œuvre d'une véritable « Politique nationale de la mémoire » dans le but précis de la construction, du partage et de la transmission d'une mémoire collective.

Fortement et durablement enracinée dans la vie de la population, la mémoire participera au renforcement de l'unité nationale et à la construction d'un vrai sentiment patriotique sans lesquels, comme il nous est donné de le constater dans la plupart des domaines, tout effort de développement et tout idéal de paix sont illusoires et demeureront pour longtemps de vains slogans. La mémoire bien expliquée et bien comprise par le peuple permet de faire de la Nation au sens noble de resserrer les rangs autour d'une patrie en proie à l'oubli de son passé et aux tiraillements divers qui lui sont conséquents.

Anthropologues, artistes, architectes, enseignants d'histoire-géographie, historiens, hommes de culture, sociologues... seront tous regroupés au sein de cette Délégation pour que renaisse plus forte et plus vraie la nation congolaise.

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