Le ministre des Finances a présenté cette semaine à l'Assemblée une enveloppe de 96 milliards de francs CFA pour les enseignants en 2024. De quoi répondre en partie aux préoccupations des enseignants, selon le gouvernement. Des enseignants du public qui se mobilisent de la maternelle au lycée depuis la rentrée dans le cadre du mouvement «OTS». Cette annonce de 96 milliards vient s'ajouter à une série de « séances de travail avec les autorités » et un premier rendez-vous au secrétariat général de la présidence. Mais c'est une réponse insuffisante, selon le Syndicat des enseignants du Cameroun pour l'Afrique.
Le mouvement OTS pour « On a trop supporté » a commencé en février 2022, rejoint par le Syndicat des enseignants du Cameroun pour l'Afrique (SECA). Cette année, le mouvement a repris le 4 septembre 2023. Le mode de grève « craie morte » utilisé par OTS fonctionne ainsi : les enseignants se rendent dans les établissements, à leur poste, les jours de travail, signent le cahier d'appel, mais ne font pas classe. Ainsi, ils ne peuvent être sanctionnés pour absentéisme.
Le gouvernement a convoqué les syndicats enseignants à plusieurs « séances de travail » depuis septembre. Et pour la première fois, le 22 novembre, les syndicats ont été reçus au secrétariat général de la présidence (SGPR) par un conseiller technique.
Le gouvernement paie une dette qu'il a créée
Mais pour Samory Touré Tenkeng, secrétaire national chargé de la communication du (SECA), « le gouvernement est dans une politique d'atermoiements et d'usure. C'est la même chanson que l'on nous répète "le gouvernement n'a pas de moyens, soyez patients"... » Pour le secrétaire national du SECA, Judaime Yannick Tickwe, « le gouvernement a toujours demandé de patienter, mais on se demande depuis trente ans, on fait que patienter. D'où les slogans "on a trop supporté, on a trop attendu". C'est pour dire qu'on n'en peut plus, c'est le ras-le-bol. »
« Ils ne veulent rien faire, regrette Samory Toure Tenkeng. Le gouvernement paie une dette qu'il a créée, il essaie de donner l'impression qu'il règle un problème. Mais il continue d'accumuler des avancements non payés. Du côté syndical, un bloc revendique les meilleures conditions de vie pour les enseignants. Un autre qui demande le forum national sur l'éducation. Mais sur le plan de la dette, tous revendiquent la même chose. »
« C'est un peu comme quand vous ouvrez un robinet pour ouvrir un seau et que le seau est percé en bas et qu'il coule au même débit que l'eau qui entre, estime Judaime Yannick Tickwe. Vous n'allez jamais finir avec la dette. Beaucoup d'enseignants qui sortent sur le terrain des écoles normales ne sont pas directement pris en charge, ne sont pas payés pendant plusieurs années. Ça fait une dette. Il y a d'autres actes de carrière qui font office de compléments de salaire qui devraient être payés soit tous les deux ans, soit avec les allocations familiales, mais qui ne sont pas payés. Tant qu'ils ne sont pas payés, la dette de l'État continue à s'accroitre. »
Le représentant syndical estime que les 96 milliards promis par le gouvernement sont pas une réponse satisfaisante. « Il va payer 96 milliards mais sur combien ? Combien est-ce que l'État camerounais doit effectivement aux enseignants ? Il ne dit pas cela. Est-ce que l'État est effectivement en train de payer sa dette lorsque, pendant qu'il paye cette dette-là, il accumule une autre dette vis-à-vis des enseignants ? », s'interroge-t-il.
Trouver cette enveloppe-là, ce n'est pas facile du tout
« La question des enseignants est une question que le gouvernement traite avec attention, suivant les instructions du chef de l'État qui fait ce qu'il peut dans le contexte camerounais qui est difficile, répond Denis Omgba, membre du ministère de la Communication. Trouver cette enveloppe-là, ce n'est pas facile du tout, on l'a trouvé en sus de tout le reste. »
À la présidence, le 22 novembre, le conseiller technique auprès du SGPR a demandé aux syndicats de produire « un statut spécial consensuel ». Samory Toure Tenkeng, du SECA, espère que les syndicats, même ceux qu'ils appellent les « syndicats satellites du gouvernement » parleront d'une seule voix.
Le SECA prépare une conférence de presse dans les prochains jours. Sur le terrain, assure Judaime Yannick Tickwe, la grève n'est pas près de cesser. Les grévistes ne rempliront pas les évaluations du premier trimestre, menaçant de faire de l'année scolaire « une année blanche ». Le gouvernement du Cameroun répond que les syndicats font « de la surenchère ». « Le gouvernement planifie en fonction de ses ressources et de ses capacités dans un contexte difficile ».