Afrique: Football - Hervé Renard se livre sur l'équipe de France et sur le football féminin en Afrique

interview

Hervé Renard, le sélectionneur de l'équipe de France féminine et notamment ancien sélectionneur de l'équipe nationale masculine du Maroc, de la Côte d'Ivoire et de la Zambie, dresse pour RFI un premier bilan de son mandat à la tête des Bleues et évoque la montée en puissance du football féminin en Afrique.

Des matchs à enjeu approchent : le Final Four de la Ligue des nations et puis les JO à Paris, avec peut-être une médaille au bout. Est-ce que la possibilité d'aller chercher des titres, pour vous le compétiteur, ça commence un peu à vous titiller ?

On est des compétitrices et compétiteurs. L'objectif numéro un, c'était de se qualifier pour ce Final Four. On a tout entre nos mains on va dire, on aime ça. Les matchs amicaux, c'est un peu fade. Donc plus il y a d'enjeu, plus il y a d'adrénaline, c'est ce qui nous transforme. Après, j'ai la chance d'avoir un groupe où il y a beaucoup de très grandes compétitrices et qui ont une envie d'aller décrocher quelque chose. Le football féminin français reste avec un palmarès vierge, forcément c'est toujours intéressant d'être les premiers ou les premières. Maintenant, il ne suffit pas de le penser ou de le dire, il faut le faire.

Vous qui avez brillé à l'international hors de France, est ce que les Jeux olympiques à Paris, chez vous en tant que sélectionneur de l'équipe de France, ce n'est pas l'occasion de prendre une certaine revanche et de devenir enfin prophète dans votre pays ?

Ce sont souvent les journalistes qui parlent de revanche. Moi, je n'ai pas de revanche à prendre. J'ai un parcours qui a débuté il y a 25 ans. Vous en avez les grandes lignes, mais pas toutes. Il y a eu des moments beaucoup plus difficiles que ceux vécus à Lille. Il y a eu des périodes d'inactivité et des périodes où on pense qu'on aura du mal à retrouver un travail et puis après l'horizon s'éclaircit. Donc tout ce qui vient maintenant, ce n'est que du plaisir. Si on est capable de gagner quelque chose, tant mieux. De toute façon, ce qu'il faut bien se dire c'est qu'avec tous les efforts qui sont mis en oeuvre par la Fédération française de football, cette équipe de France va gagner à un moment donné. Avec qui, quand et comment ? Ça, c'est une autre histoire. Mais je pense que la Fédération a mis ce football féminin sur de bons rails. Maintenant, il faut travailler, garder de l'humilité et puis avancer.

Est-ce que vous êtes impatient de diriger Marie-Antoinette Katoto, l'une des grandes absentes de votre aventure à la tête de l'équipe de France jusqu'ici et évidemment l'une des grandes vedettes du football féminin ?

Elle a vécu une année difficile avant son retour. On lui laisse le temps pour l'instant de revenir à son meilleur niveau. On a besoin aussi de Delphine Cascarino, qui est quelque part une joueuse irremplaçable pour cette équipe de France. Mais ça fait partie du football d'aujourd'hui, il y a beaucoup de blessés et je dirais qu'il faut faire avec.

Est-ce qu'avec ces joueuses qui vous ont manqué l'été dernier, vous auriez pu aller plus loin et franchir le cap des quarts de finale en Coupe du monde ?

C'est trop facile de dire ça. L'Australie peut aussi vous dire : « Si on avait eu Sam Kerr pendant toute la compétition, on aurait pu gagner la Coupe du monde chez nous ». On peut toujours aller chercher des arguments. Le fait est qu'on s'est fait éliminer aux tirs au but en quart de finale et point final. Ce n'est pas passé loin, mais ce n'est pas passé donc il manque ce petit supplément d'âme à apporter. Les autres progressent beaucoup et la Coupe du monde a été une grosse alerte pour tout le monde. On voit en Ligue des champions féminine que les grands clubs, les grands noms du football masculin, mettent beaucoup d'efforts dans le football féminin comme par exemple Chelsea et le Bayern Munich. Les équipes deviennent de plus en plus compétitrices. Tout le monde progresse, il ne faut plus rester à la traîne et on doit passer à la vitesse supérieure. La sonnette d'alarme a été tirée il y a huit mois à peu près, avec une réorientation des clubs français dans un premier temps et l'instauration de centres de formation. La formation à la française comme elle est faite dans le football masculin doit se faire de la même façon dans le football féminin. Tout a été mis en oeuvre pour qu'il y ait une nouvelle dynamique qui reparte. Ça va payer à un moment donné, il faut que la Fédération en soit sûre.

Aujourd'hui, quand on est sélectionneur des Bleues, quand on s'occupe de l'équipe de France féminine, est-ce qu'on est pas un peu plus qu'un simple entraîneur, un simple technicien, un simple coach mais aussi un ambassadeur du football féminin ?

On a toujours une responsabilité. Une responsabilité quand on est sélectionneur d'un pays, quel que soit le pays, que ce soit une équipe masculine ou une équipe féminine, c'est important. Ce qu'il a fallu, c'est ramener une certaine sérénité. Il y avait trop de choses qui étaient dites sur l'équipe de France en dehors de la partie terrain. Pour l'instant, on a réussi dans cette entreprise mais il manque de meilleurs résultats encore.

Les progrès fulgurants du football féminin en Afrique

Vous étiez aux premières loges pour admirer les résultats historiques de l'Afrique en Coupe du monde : trois équipes en huitièmes de finale, dont le Maroc que vous avez battu pour vous qualifier en quarts. C'est du jamais vu, hommes et femmes confondus. Est-ce que vous aviez senti venir, à l'époque où vous étiez sélectionneur de l'équipe masculine du Maroc, la progression spectaculaire de ce pays dans le foot féminin ?

C'est une volonté de la Fédération et du président Lekjaa qui a démarré en 2016. J'étais en plein dedans. J'ai un de mes adjoints, David Ducci, qui était à la Direction Technique Nationale marocaine et qui s'occupait du football féminin. Il s'entraînait de très bonne heure le matin. Les entraînements étaient à 6h30. Ils ont démarré comme ça, avec des joueuses qui n'étaient certainement pas au niveau de ce qu'elles sont aujourd'hui. Ils ont su ratisser aussi des joueuses binationales, donc ça travaille. Aujourd'hui, ils ont remplacé le coach Pedros par celui qui a réussi à gagner le titre de champion du monde, ce n'est pas par hasard. La Fédération marocaine a des objectifs très élevés. Ce qu'on a vu à la Coupe du monde 2023, ce n'est qu'un simple aperçu de ce que va être le football féminin marocain dans les années à venir parce qu'ils vont beaucoup progresser et ça ne sera plus l'équipe qu'on a vu lors de cette dernière Coupe du monde.

La première Coupe du monde que l'Afrique remportera, est-ce que ce ne sera pas plutôt une Coupe du monde féminine ?

Pourquoi pas ? Mais elle peut être masculine également. Il y a des équipes qui se rapprochent. Le niveau est tellement élevé que gagner une compétition mondiale, c'est très difficile. Maintenant pour le Maroc, être demi-finaliste d'une Coupe du monde, je pense que le mot « exceptionnel » n'est même pas assez fort. Il faut surveiller aussi des équipes féminines comme celle du Nigeria, qui a laissé une très très belle impression durant cette Coupe du monde féminine. Attention, tout le monde est là. On prend la Colombie qui a été surprenante également et qui est déjà qualifiée pour les Jeux olympiques. Attention à ces nations dont on ne parlait pas trop dans le football féminin mais qui émergent et qui seront de plus en plus difficiles à battre.

Hervé Renard est dans Mondial Sports ce samedi et ce dimanche à 16h10 TU ! Le foot féminin en France, au #Maroc, ses Coupes du monde passées et à venir, la #CAN2024, les chances de la Côte d'Ivoire et du #Sénégal ... le sélectionneur des Bleues a le regard clair et c'est sur @RFI pic.twitter.com/sfycIBfWMF-- RFI - Sports (@RFIsports) November 25, 2023

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