À Madagascar, le président sortant Andry Rajoelina est donné réélu à la tête de l'État ce week-end avec près de 59 % des voix. Une victoire au 1er tour qui doit encore être validée par la plus haute juridiction du pays dans les sept prochains jours. Comment les habitants d'Antananarivo accueillent cette nouvelle, à l'issue d'un scrutin hors normes marqué par le boycott de 10 des 13 candidats ? Et que prépare l'opposition ?
Dans le quartier d'Analakely, à Antananarivo, les résultats de l'élection présidentielle suscitent de nombreux commentaires.
« Ça me fait mal au coeur ... C'est une mascarade... » À l'évocation du sujet, la mine de ce passant se fige. Les résultats des élections, lui ne veut pas en entendre parler. « ... De toute façon, c'était un forcing, c'est quelque chose d'illégal, donc ça ne m'intéresse pas. S'il y a des manifestations, je veux bien y aller, je veux bien y participer. »
Les manifestations, c'est justement ce qui a trop fait souffrir ces dernières semaines, ce vendeur de panini, installé aux portes du marché d'Analakely. « Cela a beaucoup nui à nos affaires. C'est pour ça que j'ai toujours été pour que les élections se fassent, et je suis aujourd'hui pour qu'on accepte ces résultats. Je me souviens même d'un jour de manifestation où mes pains ont été renversés à cause des gens qui s'enfuyaient, j'ai vendu à perte ce jour-là ! Nous avons juste besoin de gagner notre vie. »
Cette riveraine, elle, dit avoir accueilli la nouvelle avec indifférence et une pointe d'amertume. « Je n'ai pas trop d'opinion, que ce soit Andry Rajoelina, [Marc] Ravalomanana, ou qui que ce soit qui soit élu président... Mais je suis juste un peu déçue que l'élection ait été truquée. Je veux une élection transparente, que ce soit le choix du peuple et pas d'une seule personne. »
Au niveau de la classe politique, dix candidats sur treize ne reconnaissent pas la victoire d'Andry Rajoelina. Pour le Collectif des 10, qui avait appelé à boycotter les urnes, la réélection du président sortant, annoncée samedi 25 novembre, est tout simplement « nulle et non avenue ». Mais au-delà de cette non-reconnaissance, comment envisage-t-il la suite de la contestation ?
Roland Ratsiraka (neveu de l'ex-président Didier Ratsiraka au pouvoir de 1975 à 1993 et de 1997-2002), l'un de ses membres, nous assure que « la lutte continue » et nous éclaire sur la stratégie du groupe. « On dit que cette élection est nulle et non avenue. Pour nous, c'est comme s'il n'y avait pas eu d'élection. Sur la forme, avant la proclamation de l'HCC [la Haute cour constitutionnelle, NDLR], je pense qu'on va rester sur ce qu'on est en train de faire en ce moment : continuer notre lutte pour rétablir l'État de droit. »
Mais il ne prévoit pas de manifestations dans la rue, pour le moment « parce que la répression est trop forte : chaque fois, il y avait des blessés. On est en train de voir ensemble quelle stratégie (adopter) si jamais - je dis si jamais parce que j'espère toujours que dans quelques jours, Andry Rajoelina ne fera pas d'investiture, ne sera pas, donc, proclamé président - mais après ça, si jamais ça se faisait, on va exprimer une stratégie ; on sera solidaires, toujours ensemble, pour dénoncer toute cette méthode. Et là, je dis à tout le monde : à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire... il "triomphe" sans gloire, sans fête, sans sourire. Soyez forts, mais on va gagner ! »
Alors qu'un recours pour annuler l'élection du 16 novembre a été déposé, la Haute Cour constitutionnelle doit encore proclamer officiellement la réélection d'Andry Rajoelina, le 4 décembre au plus tard.