Sénégal: Kaolack / Campagne de commercialisation arachidière - Controverse autour d'un prix rémunérateur

27 Novembre 2023

Suite au Conseil interministériel sur la campagne agricole 2023-2024 qui a procédé à la validation partielle des 280 francs CFA fixés cette année comme prix-plancher à l'échange d'un kilogramme d'arachide, le débat autour de cette mesure tarifaire se poursuit encore sur le terrain. Et aujourd'hui, le monde rural est divisé sur cette décision : alors que certains demandent une harmonisation du prix à 300 francs CFA, d'autres portent le regard sur les opportunités qui pourraient découler de ce prix-plancher.

Pour la première catégorie de producteurs, le Comité national interprofessionnel de l'arachide (CNIA) a fait cette proposition sans tenir compte des réalités sur le terrain, autrement dit, sans faire cas de la cherté de certains intrants tels que les semences, leurs qualités en termes scientifiques ou quantité suffisante. Bien que du côté de l'engrais, les prix aient diminué, ces producteurs estiment pour autant qu'il est nécessaire de réajuster certaines pertes enregistrées la saison précédente et qui étaient souvent dues à la faiblesse de la pluviométrie au niveau des zones à faible précipitation, les changements climatiques et autres incidents d'ordre naturel ayant beaucoup impacté sur les rendements et la production de manière générale.

Dans l'autre partie, par contre, on estime que le prix fixé cette année, pour le kilogramme d'arachide, est sensiblement rémunérateur. Puisque depuis quelques années la tonne d'arachide pèse deux voire trois fois une tonne de ciment, les producteurs doivent s'en féliciter et avoir conscience que d'autres opportunités pourront s'ouvrir en eux. D'abord avec la diversité des spéculations qui fait que certains produits de consommation comme le riz que les producteurs allaient chercher sur le marché international sont aujourd'hui cultivés et consommés chez eux. Ce qui, à la limite, leur procure beaucoup d'économie et d'accès aux denrées qu'ils ont tendance à utiliser quotidiennement. Ensuite avec l'ouverture sans doute du marché extérieur, il y a toujours à gagner.

LE MARCHÉ EXTÉRIEUR : UNE ALTERNATIVE D'ACCROISSEMENT DU PRIX HOMOLOGUE...

Depuis quelques années, le marché extérieur a toujours fait l'affaire des producteurs sénégalais notamment les personnes investies dans la filière arachidière. Et ceci malgré les difficultés concurrentielles auxquelles ses investisseurs sont confrontés et de manière permanente. Mais aussi sous prétexte que le marché extérieur absorbe chaque année l'essentiel de la production nationale, y compris le capital semencier. Une hypothèse qui, selon certains producteurs, est sans fondement car jugée fallacieuse et inopportune. Dans tous les cas, ces producteurs se disent en phase avec le président Macky Sall.

Il faut le rappeler que lors de son séjour à Kaolack, pour les besoins du Conseil présidentiel délocalisé dans le Saloum, le 15 novembre dernier, le président de la République s'est dit favorable avec l'ouverture de la campagne au marché extérieur. Car conscient que les 1,7 millions de tonnes d'arachide obtenues cette année dépassent de loin les prévisions d'absorption de toutes les usines confondues et qu'il doit revenir à l'État de trouver d'autres ouvertures pour écouler la production restante. Comme d'ailleurs c'était le cas en 2017 où des milliers de tonnes étaient restées entre les mains des producteurs. N'eût été la Turquie, cette année-là serait une catastrophe.

Pour ces producteurs, la présence des investisseurs étrangers a beaucoup contribué à la transformation de la filière. Car plusieurs centaines de petites et moyennes entreprises de décorticage ou transformation sont nées à partir du marché extérieur. Ces entreprises font travailler des milliers et des milliers de femmes, jeunes y compris ceux de la sous-région. Ainsi, pour cette prochaine campagne de commercialisation, ces producteurs espèrent renouer avec les privilèges du marché extérieur. Ils disent s'attendre à d'autres prix largement supérieur aux 280 francs CFA initialement fixés et plus de mobilisation et d'activités au niveau des points de collecte, de décorticage ou de transformation.

...ET UNE OPPORTUNITÉ CONTRIBUTIVE A LA SAUVEGARDE DE L'ENVIRONNEMENT

Outre les prix grimpants qu'il impose sur le marché, les petites et moyennes entreprises créés et les nombreux emplois absorbés, le marché extérieur joue aussi un rôle très important contre la déforestation, notamment l'exploitation abusive des forêts. Avec le système de décorticage, d'importantes quantités de coques d'arachide et de la cire sont produites par les unités de décorticage. Des produits qui sont rentables et qui contribuent naturellement à la valeur ajoutée. Ainsi vendues à 2000, 3000 voire 4000 francs le sac, la coque d'arachide et la cire qui en découlent sont souvent utilisées comme matière première dans la fabrique de l'électricité au niveau de certaines entreprises industrielles, à l'image de celle de Lyndiane avec la société « Domitexka ».

Pour le cas particulier de la cire, elle constitue depuis un certain moment un facteur déterminant dans la sauvegarde du cadre environnemental dans le monde rural. Car pour la cuisson, les populations n'ont plus besoin d'abuser de la forêt à la recherche de bois. Les fourneaux à cire dont elles disposent peuvent leur assurer tous les jours les trois repas de la famille, avec seulement une petite quantité de cire. Après chaque repas, les femmes ne font qu'enlever la petite branche qui leur sert de mèche pour laisser endormir leur foyer et la remettre dès qu'elles entament une nouvelle cuisson. Toutefois l'enquête que nous avons menée auprès de ces braves dames a révélé qu'avec seulement 4 à 5 sacs, elles sont en mesure de préparer leurs repas pendant toute l'année, sans détruire la forêt.

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