Le président français, Emmanuel Macron, a nommé son homologue sénégalais, Macky Sall, au poste d'envoyé spécial du Pacte de Paris pour la planète et les peuples (4P). Mais cette nomination n'est pas du goût du Front pour l'inclusivité et la transparence des élections (FITE) qui y voit une humiliation du peuple sénégalais. Et il l'a fait savoir à travers une lettre ouverte adressée, le 25 novembre dernier, à Macron, dans laquelle il accuse ce dernier de s'être immiscé dans la politique intérieure du Sénégal en faisant les éloges du président Macky Sall alors que ce dernier n'a pas encore quitté le pouvoir.
Et on ne saurait donner totalement tort à l'opposition sénégalaise. En effet, que cherche le locataire de l'Elysée en posant un tel acte? En fait, le geste est d'autant plus maladroit qu'il intervient au moment où la classe politique sénégalaise affûte ses armes pour la présidentielle du 24 février prochain. Le moins que l'on puisse dire, c'est que Macron donne des verges pour se faire fouetter. Et on ne saurait le plaindre. Car, on récolte toujours ce que l'on a semé.
C'est vrai que Macky Sall a renoncé au mandat de trop, c'est-à-dire à un troisième mandat. Toute chose qui, à bien des égards, pourrait lui valoir des lauriers. Mais de là à le nommer à un tel poste avec en sus des éloges qui contrastent avec la réalité, c'est un pas que Macron aurait pu se garder de franchir. Certes, il est vrai que nul ne peut objectivement remettre en cause les efforts de développement consentis par le président Macky Sall durant ses deux mandats.
Macky Sall serait bien inspiré de jouer la carte de la discrétion
Mais de là à vouloir le présenter comme celui-là qui a toujours organisé des élections dans les règles de l'art, c'est courir le risque de se faire démentir. A preuve, les différents rapports des missions électorales déployées au Sénégal en 2021 et 2022, révèlent des manquements dans les processus électoraux. Et ce n'est pas tout. On se rappelle aussi les cas Karim Wade et Khalifa Sall. C'est dire si Emmanuel Macron semble être passé à côté de la plaque. Du reste, pourquoi une telle précipitation alors que visiblement, il n'y a pas de raisons valables à se hâter ? Dans moins de trois mois, Macky Sall ne sera plus aux affaires. Alors, pourquoi ne pas attendre qu'il se revête du manteau d'ancien chef d'Etat avant de le promouvoir à ce poste ?
En tout cas, l'atmosphère sociopolitique au Sénégal est déjà si électrique qu'il ne faudrait pas en rajouter. Cela dit, Emmanuel Macron doit se convaincre d'une chose : si le sentiment anti-français gagne du terrain en Afrique, c'est en partie à cause de ce genre de maladresses. Toutefois, il convient d'appeler aussi l'opposition à la modération. Elle ne doit pas se tromper de combat ni d'adversaire. Certes, Emmanuel Macron s'est livré à un jeu trouble dont lui seul en connaît les raisons. Mais cela ne doit pas pousser l'opposition à disperser ses énergies en cette période de précampagne.
Quant au président Macky Sall, il serait bien inspiré de jouer la carte de la discrétion face à cette nouvelle fonction qui lui tend la main, d'autant que lui et son homologue ivoirien passent pour être « deux valets locaux de la France » sur le continent africain.