Mali: Nouvelles attaques complexes au Mali - Le défi sécuritaire reste entier malgré la prise de Kidal

27 Novembre 2023

Alors que le Mali se réjouit à peine de la libération de Kidal des mains des groupes armés séparatistes, deux attaques terroristes complexes et distinctes ont visé, vendredi dernier, des emprises militaires à Goundam et à Niafunké, non loin du chef-lieu éponyme de la région de Tombouctou. Cette attaque « à grande échelle » a été revendiquée par le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (JNIM) affilié à al-Qaida, et perpétrée, selon des responsables militaires maliens, par « plusieurs malfrats » qui ont utilisé des obus de mortier pour leur sale besogne. Les djihadistes qui sont disséminés dans cette vaste partie septentrionale du pays, ont dressé un bilan humain particulièrement lourd de ces deux raids, et présenté, dans une vidéo devenue virale sur les réseaux sociaux, des armes lourdes et des véhicules blindés comme étant la preuve qu'ils ont contrôlé les camps attaqués, pillé le matériel avant de se retirer dans l'ordre et de se fondre dans la nature. Pour eux, il ne s'agit pas d'une légende de guerre, et ils affirment avoir capturé deux soldats et tué des dizaines d'autres, notamment à Niafunké où ils ont utilisé une bombe roulante à l'effet de déstabiliser les occupants du camp et de laisser un itinéraire de sortie aux assiégés qui n'auront pas été tués par les petits groupes de fantassins venus de plusieurs directions.

Les groupes armés sont toujours très actifs dans le Centre et le Nord du pays

L'armée malienne a, quant à elle, donné une version différente des faits, en affirmant avoir apporté une réponse énergique et sans pitié aux exécutants des deux assauts tout en promettant de punir sévèrement les survivants et commanditaires après les opérations de ratissage. Les deux parties sont cependant d'accord sur l'utilisation, par les assaillants, d'obus de mortier et de lance-roquettes multiples pour en amplifier les dégâts, notamment contre le camp de Goudam retrocédé à l'armée malienne le 17 août dernier par la Mission de maintien de la paix des Nations unies au Mali. Quoi qu'il en soit, on a encore la preuve, par la terreur, que les groupes armés sont toujours très actifs dans le Centre et le Nord du pays, et que le défi sécuritaire reste entier bien que la ville de Kidal, considérée par Bamako comme le sanctuaire des fondamentalistes, ait été reprise par les forces armées maliennes il y a tout juste deux semaines.

L'euphorie suscitée par le retour triomphal des troupes gouvernementales dans le fief des indépendantistes touaregs, ne doit pas faire perdre de vue la recrudescence des attaques terroristes et/ou militantes des différents groupes armés qui sévissent dans les six régions du Centre et du Nord du pays. L'on a encore en mémoire les attaques d'envergure au cours de ces derniers mois contre les camps militaires d'Acharane dans la région de Tombouctou, de Bamba non loin de Gao, sans oublier la frappe meurtrière et lâche qui a visé le bateau de transport fluvial de passagers, qui naviguait sur le fleuve Niger, en septembre 2023.

La vigilance doit être toujours de mise du côté des forces armées maliennes

Quant à la situation dans la région de Kidal, il semble qu'elle n'est pas totalement stabilisée malgré le « repli tactique » des combattants touaregs du CSP, dont on ne connaît encore ni la destination, ni les intentions. Beaucoup d'observateurs redoutent d'ailleurs des lendemains difficiles pour les militaires maliens et les populations civiles vivant dans la zone, en raison des divergences idéologiques entre les Touaregs qui affichent une doctrine laïque, et d'autres qui sont les pendants islamistes de la communauté, sans oublier l'existence, dans cette partie du Mali, de deux principaux groupes sociaux antagoniques : les Imghads considérés comme des Touaregs libres mais vassaux de l'autre grand groupe constitué majoritairement des Ifoghas qui sont de la lignée des nobles et dont sont issus les rebelles indépendantistes aujourd'hui en déroute.

La récente nomination de la figure la plus connue des Imghads, le très loyaliste Général Ag Gamou comme gouverneur de Kidal, pourrait d'ailleurs raviver les tensions et accroitre les risques de déchirure sociale dans une région qui a toujours été le foyer incandescent de la révolte contre l'Etat central. Voilà une bombe à retardement que le gouvernement de la transition gagnerait à désamorcer au plus vite, en rapprochant les mouvements armés dessinés par des appartenances lignagères comme le CSP et le Gatia, et en rassurant les autres communautés qu'il n'y aura pas de chasse aux sorcières après le retour de l'Etat dans la région. C'est le défi le plus difficile à relever dans cette marche du Mali vers la paix. Car, sur le plan militaire, Assimi Goita et les siens ont mis les petits plats dans les grands pour détruire presque tous les quartiers généraux des insurgés, qu'ils soient islamistes ou indépendantistes.

Cette montée en puissance de l'armée malienne est visible sur le terrain, mais il ne faut surtout pas dormir sur ses lauriers ni vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué. Car, tant que le JNIM n'aura pas été décapité avec l'arrestation ou la neutralisation de Iyad Ag Ghali ou de Amadou Koufa, des actions spectaculaires et meurtrières comme celles perpétrées la semaine dernière à Niafunké et à Goundam, ne seront pas à exclure. En clair, le serpent qui a inoculé son venin au Mali est grièvement blessé, mais on ne devra déclarer ou annoncer sa mort que le jour où sa tête aura été coupée. On n'en est pas encore là, et la vigilance doit être toujours de mise du côté des forces armées maliennes.

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