Dans un communiqué diffusé mardi 28 novembre, la Cour d'appel de Bamako a accusé des chefs du Groupe de soutien à l'Islam et aux musulmans (Jnim) et des rebelles du Cadre stratégique permanent (CSP) de s'être associés « pour semer la terreur », lançant une procédure judiciaire commune à l'encontre de plusieurs de ces personnalités. Cela suit la ligne de la Transition malienne, qui ne font plus de distinction entre les jihadistes liés à al-Qaeda et les rebelles issus des mouvements signataires de l'accord de paix de 2015.
Sont visés par la procédure le chef du Haut conseil pour l'unité de l'Azawad (HCUA) Alghabass Ag Intalla, chef du Mouvement national pour la libération de l'Azawad (MNLA) Bilal Ag Acherif et cinq autres responsables de groupes armés du Nord signataires de l'accord de paix de 2015. Ces derniers sont aujourd'hui rassemblés sous la bannière des rebelles du CSP.
La procédure concerne également trois chefs jihadistes du groupe terroriste Jnim, lié à al-Qaeda, et pas n'importe lesquels : Iyad Ag Ghaly, numéro un du Jnim et fondateur d'Ansar Dine, ainsi qu'Amadou Kouffa, de la Katiba Macina, sont notamment cités.
Tous sont accusés par le procureur général de la Cour d'appel de Bamako d'avoir formé une « association ayant pour but de semer la terreur, de porter atteinte à l'unité nationale, à l'intégrité territoriale et à ternir l'image des Forces armées maliennes ». Le procureur précise fonder ses accusations sur la base de l'« exploitation de renseignements à lui transmis », sans détailler lesquels, ni par qui.
« Association de malfaiteurs »
À ses yeux, ces faits sont toutefois « susceptibles de constituer des infractions présumées d'association de malfaiteurs » ou encore « d'actes de terrorisme ».
Une enquête a donc été ouverte et confiée au pôle spécialisé antiterroriste. Ce dernier s'était déjà vu attribuer il y a une semaine l'enquête sur le charnier que les militaires maliens affirment avoir découvert le 16 novembre à Kidal, deux jours après leur entrée dans cette ville, jusqu'alors aux mains des rebelles du CSP. Aucune information - localisation, nombre de corps - n'a été communiquée jusqu'à présent sur ce charnier.
La procédure commune lancée contre les chefs du CSP et du Jnim formalise, par une action en justice, la ligne adoptée depuis plusieurs mois par les autorités maliennes de transition : avant même la reprise de la guerre avec les groupes du Nord, ces dernières avaient commencé à qualifier indistinctement les rebelles et les jihadistes de « terroristes ». Une manière de légitimer devant l'opinion malienne et la communauté internationale la reconquête militaire de Kidal et la rupture de fait de l'accord de paix de 2015.
Les autorités de Bamako « font de la diversion »
La porosité entre les différents groupes armés du nord est connue depuis de longues années : certains combattants sont passés par différents groupes et, pour rappel, le HCUA est même né d'une scission au sein d'Ansar Dine, en 2013. Aujourd'hui, l'armée malienne et ses supplétifs russes de Wagner sont l'ennemi commun du Jnim et du CSP.
Mais les rebelles nient toute forme de collaboration et assurent, en résumé, que chacun mène ses attaques de son côté.
Une situation semblable à celle de 2012 : indépendantistes et jihadistes avaient cumulé leurs forces contre l'armée malienne. Les jihadistes avaient ensuite dominé les indépendantistes et pris, seuls, le contrôle des régions du nord du Mali.
« C'est du n'importe quoi, réagit un cadre rebelle du CSP, ils font de la diversion face aux multiples accusations d'exaction contre des civils dont ils font l'objet. » Selon ce membre du HCUA, cette procédure « n'engage que la junte qui l'a produite et n'entamera en rien la destinée du CSP ».
« Cette comédie ne nous fait ni chaud ni froid », abonde un autre cadre du CSP, qui estime que « si quelqu'un doit être jugé, ce sont les responsables de la junte qui ont amené les mercenaires de Wagner qui exécutent les populations ».