En Afrique et particulièrement au Sahel, les enjeux climatiques et de santé s'entremêlent au quotidien. Cette région fait face à une succession de sécheresses en raison de la hausse des températures. Une situation qui favorise l'émergence des maladies dites climato-sensibles, telles que la méningite, le paludisme ou encore le choléra. C'est le cas au Niger, un pays très concerné par ce phénomène.
« Quand on était enfant, avec mes cousins qui venaient d'Agadez, nous ne connaissions pas le paludisme », témoigne Zeinab Noura, 30 ans, docteure spécialisée en endocrinologie. Au Niger, cette maladie infectieuse, responsable de plus de 500 000 morts par an, « arrivait dans des périodes spécifiques, notamment pendant la saison pluvieuse », observe-t-elle. « Aujourd'hui, elle s'installe toute l'année. »
C'est le signe de l'impact du changement climatique sur la santé, estime l'experte. En voulant faire comprendre cette réalité aux Nigériens, elle s'est heurtée à nombre de préjugés. « Les gens pensaient que le changement climatique était d'abord un problème culturel. Ils voyaient que les pluies ne tombaient presque plus, mais ils se disaient que c'était parce nous ne sommes plus aussi croyants qu'avant. »
Surmonter les préjugés
Pour faire enfin saisir le lien entre le changement climatique et la santé, la militante s'est alors adressée au ministère nigérien de la Santé par un vibrant plaidoyer en faveur du renforcement et de la résilience des écosystèmes face aux impacts climatiques. Un plaidoyer inspiré par sa participation à la COP27 en Égypte, où elle avait appris que les Nations unies élaboraient une Convention sur la santé et le climat. Elle a donc décidé de s'y intéresser de plus près.
« Je suis allée creuser l'aspect de cette convention-cadre touchant spécifiquement le Niger, pour créer un point focal sur ce pays. J'ai multiplié les réunions techniques pour présenter aux responsables de l'ONU tous les sujets qui concernaient le lien entre le changement climatique et la santé, et deux mois plus tard, on a mis en place un comité interministériel consacré à ces questions. » Un succès qu'elle entend désormais prolonger : « Avec mon équipe, nous prévoyons d'élargir le mouvement des professionnels de santé pour le climat sur l'ensemble du Sahel » grâce notamment à un centre de recherche qu'elle a créé en janvier 2033.
Ces activités sont saluées par le docteur Alassane Hado Halidou, professeur à l'université de Niamey. Car « l'impact le plus important du changement climatique a été observé en Afrique de l'Ouest, et au Sahel en particulier », confirme-t-il à RFI.
Hôpitaux saturés à cause des canicules
Le Niger est particulièrement concerné : « L'impact se traduit ici par l'intensification de la pluviométrie, des températures de plus en plus élevées, la multiplication des périodes de canicule. À Niamey, on a enregistré beaucoup de décès dans les années 2010, liés aux fortes chaleurs. »
Zeinab Noura milite pour la recherche de solutions contre ces effets néfastes, un engagement qui lui donne la motivation nécessaire pour continuer à lutter face à l'adversité. « Je ne peux pas me taire quand je vois tout ce qui se passe aujourd'hui, surtout dans mon service médical », dit-elle en faisant allusion à l'Hôpital Général de Référence de Niamey, où elle accomplit actuellement une période de stage. « Quand il y a des périodes de canicule, notre service d'endocrinologie et de diabétologie est totalement débordé. Les canicules sont devenues insupportables, même pour quelqu'un qui n'est pas diabétique, mais ces malades en particulier ressentent beaucoup plus la chaleur que nous. »
Hydratation constante, repos à l'ombre, Noura tente d'aider ses patients comme elle le peut, mais elle espère que les dirigeants réunis à la COP28 à Dubaï prendront enfin au sérieux l'urgence du problème, notamment sous ces latitudes. « Nous devons assurer l'avenir de nos enfants. Ils ne nous pardonneront pas un échec », confie-t-elle, en ayant une pensée pour ses trois garçons. « Notre économie ne peut pas se passer de l'utilisation de nos ressources naturelles. Mais on ne doit pas faire la même erreur que les autres. »
Sur la piste de l'hydrogène vert
Parmi ses priorités à la COP28, elle place avant tout la transition énergétique. « Aujourd'hui, les enfants meurent dans nos pays. Ces enfants-là n'ont pas demandé à être nés dans des régions si vulnérables, qui par ailleurs ne polluent presque pas et produisent si peu de CO2 par rapport aux autres nations. Il faut qu'on mette en place des énergies renouvelables, qu'on réfléchisse au développement de l'hydrogène vert pour pouvoir arriver à compenser ce que nous allons émettre. »
Produit à partir de l'électrolyse de l'eau, l'hydrogène vert représente un levier pour accélérer la transition vers la neutralité carbone. Mais le professeur Alassane Hado Halidou tempère : « Cette technique demande beaucoup plus d'énergie. Là, nous sommes dans une zone vulnérable, ce qui fait qu'on ne va pas se hasarder à adopter cette stratégie. Si on veut une solution plus pratique peut-être, il va falloir plutôt penser à revégétaliser les différents bassins versants, c'est-à-dire à les reboiser. » Une manière également, selon lui, de lutter contre la déforestation, un phénomène qui prend une ampleur inquiétante au Niger en raison de « la coupe abusive de bois ».
Des données clés pour le Sahel
Pour sa part, hydrogène vert ou pas, Zeinab Noura n'en démord pas. Pour la première fois dans l'histoire de la COP, il y aura une journée thématique consacrée à l'impact du réchauffement climatique sur la santé. Une avancée majeure, selon l'activiste : « J'espère que les ministres de la Santé donneront à cet enjeu une priorité dans tous les États de la région. » Avec à la clé, si possible, la récolte de données concernant les maladies dites climato-sensibles, qui manquent cruellement au Sahel. Et de conclure par ce souhait : « J'aimerais qu'un fruit va pousser, qu'une lumière va jaillir. »