Alerte rouge pour l'approvisionnement en eau potable de Dakar et ses environs. La menace vient de la culture de luzerne, qui sera pratiquée non loin du Lac de Guiers. A cause de sa consommation inestimable en quantité d'eau souterraine, cette culture fourragère est à l'origine de tensions de l'eau ayant secoué certaines grandes localités des États-Unis.
La promotion de l'investissement privé doit-elle primer sur les conditions de subsistance des populations sénégalaises ? La question s'impose vu les craintes suscitées par les futures activités de la société américaine African agriculture Inc (Aagr) qui compte exploiter la luzerne sur 25 hectares à Ndiaël, dans la région de Saint-Louis du Sénégal.
En tout cas, 37 villages sont déterminés à empêcher le début de ce projet. Ils réclament la restitution des terres qui faisaient partie de la réserve spéciale d'avifaune de Ndiaël, une zone humide qui abrite de nombreuses espèces menacées et constitue un lieu de pâturage essentiel pour les éleveurs locaux.
Cette zone dispose également des terres cultivables et à proximité d'eau potable. On y cultive de la patate douce, du manioc, de l'oignon entre autres.
Les craintes soulignées plus haut sont jugées légitimes dans la mesure où l'exploitation de cet aliment pour bétail est perçue comme une véritable menace pour l'écosystème mais surtout les ressources en eaux souterraines.
Ndiaël abrite le lac de Guiers, la plus grande source d'eau douce du pays qui alimente Dakar en eau potable. Il offre l'opportunité aux villages traversés de développer l'agro-écologie, l'agriculture familiale, vecteurs de la sécurité alimentaire dans le monde rural.
La plateforme Mongabay, spécialisée dans « Inspiration et nouvelles de la nature » qui juge problématique cette culture de luzerne, liste un ensemble de problèmes qui risquent d'être fatales à cette localité forte de 10 mille habitants.
Selon cette source, des hydrologues signalent que l'utilisation de pesticides lors de la culture de la luzerne risque de contaminer le lac de Guiers qui fournit 65% de l'eau potable de la capitale sénégalaise.
Déjà, il y a moins de deux ans, le Sénégal a frôlé des « émeutes de l'eau » à Dakar qui reçoit plus de la moitié de sa population. C'est dans ce sens que l'État du Sénégal a initié des projets pour essayer de pallier à cette situation.
En 2016, il a lancé le projet Keur Momar Sarr (KMS 3) qui a débuté la construction d'une station de traitement d'eau potable d'une capacité de 100 mille mètres cube par jour extensible à l'horizon 2025, et d'une conduite de refoulement et de transport d'environ 210 km entre le Lac de Guiers et Dakar, dimensionnée pour 200 mille mètres cube par jour.
D'un coût global de 401 millions d'euros (environ 262 milliards de F Cfa), ce projet adossé à la législation environnementale du pays et incluant les aspects liés à l'adaptation au changement climatique a pour objectifs de sécuriser l'approvisionnement en eau potable et améliorer la qualité de service de l'eau. Mais aussi augmenter la desserte, dans un contexte de forte croissance démographique.
A terme, ce projet devrait permettre le raccordement de plus de 600 mille personnes supplémentaire.
Un objectif qui risque de ne pas être atteint si toutefois les autorités sénégalaises laissent prospérer l'exploitation de la luzerne.
Une culture fourragère qui a est à l'origine de la crise de l'eau dans des localités comme le Colorado, un Etat de l'Ouest des États-Unis qui a vu le rétrécissement de son fleuve qui alimentait quelques 40 millions d'Américains.
La presse américaine qui a fait écho de cette situation a cité les estimations d'une étude réalisée en 2020 et publiée dans la revue Nature Sustainability.
Selon ce travail de recherche, les cultures destinées à la consommation humaine directe, comme les légumes, utilisent moins d'un quart de la quantité d'eau nécessaire à l'alimentation du bétail.
La consommation résidentielle, comme l'arrosage de la pelouse et les douches, en utilise un cinquième de l'eau nécessaire pour le même besoin.
Ce qui fait dire à nos confrères américains que la luzerne est une culture assoiffée, en partie à cause de sa longue période de végétation qui permet de multiplier les récoltes de sa longue période de végétation qui permet plusieurs récoltes par an.
Pour ne pas tomber dans les mêmes travers, l'Arizona, a adopté une démarche préventive. Dans cet État du sud-ouest des États-Unis, la gouverneure Katie Hobbs a annoncé qu'une exploitation agricole appartenant à une société saoudienne qui cultive de la luzerne pour l'exportation va perdre son accès aux terres de l'État, dans le but de "protéger l'avenir de l'eau en Arizona".
La presse américaine qui donne l'information de rapporter que la ferme, située dans la vallée de Butler, dans l'ouest de l'Arizona, a fait l'objet d'une controverse à propos de son pompage illimité d'eau souterraine pour l'irrigation de ses cultures de luzerne assoiffées d'eau.
Devant cet état de fait, le Gouverneur Hobbs annonce dans un communiqué repris par la presse américaine, que l'Arizona s'apprête à résilier immédiatement un bail détenu par la société saoudienne Fondomonte Arizona, qui exploite la ferme, et ne renouvellera pas trois autres baux qui expirent en février.
Autant d'exemples qui montrent que la galère des populations risque de ne pas s'estomper sitôt.
La concession accordée à la société exploitante dont le propriétaire n'est personne d'autre que l'homme d'affaire roumano-australien, Frank Timis, qui détient une concession de 50 ans obtenue à hauteur de 11 milliards de F Cfa.
Ce dernier, à travers AAGR, a lancé en mars dernier une opération d'introduction en bourse (Nasdaq) pour lever plus de 25 milliards de F Cfa afin de financer ses activités au Sénégal et approvisionner correctement le marché saoudien.