Tunisie: Agression d'une patrouille sécuritaire par des migrants - La cueillette des olives, la traversée clandestine et Lampedusa

30 Novembre 2023

L'arrivée en masse de migrants pourchassés du centre de la ville de Sfax a poussé certains oléiculteurs à se passer de la main-d'oeuvre locale excessivement exigeante

A El-Amra (Sfax), les migrants irréguliers cueillent les olives, le regard pointé vers Lampedusa. Pourchassés du centre de Sfax à la suite d'une large campagne sécuritaire, leur décision est déjà prise et leur seul objectif est d'atteindre -- advienne que pourra -- les côtes italiennes.

L'agression d'une patrouille de la Garde nationale à El-Amra, située à quelques kilomètres de Sfax dans la soirée du vendredi 24 novembre a été qualifiée d'incident grave par le porte-parole officiel du Tribunal de première instance de Sfax, Hichem Ben Ayed.

Celle-ci porte atteinte à la sécurité nationale du pays. Le passage à cet acte d'agression devrait alerter les décideurs quant à la nécessité de se pencher plus sérieusement et profondément sur cet incident, ses causes et les solutions à préconiser, sans tomber dans la précipitation et favoriser le tout sécuritaire qui donnera lieu à une accalmie de quelques jours, sans annuler les risques réels d'un probable retour à la case départ.

Le déplacement des migrants vers El-Amra, est-ce la bonne solution?

Ce qui s'est passé à El-Amra est la conséquence directe du déplacement des migrants irréguliers subsahariens du centre de Sfax, notamment de Ribat El Médina et des alentours de la fontaine à Bab El-Jebli, vers d'autres zones dont la région côtière d'El-Amra en septembre dernier, à la suite d'une grande opération sécuritaire.

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Les migrants, rassemblés dans une région côtière, se sont trouvés face à un choix cornélien, soit reprendre la route de la migration vers l'Europe soit rester et profiter des campagnes oléicoles pendant ces deux mois de novembre et décembre contre de modiques sommes pour continuer à vivoter dans une précarité totale. Ils n'ont même pas où passer la nuit.

Certains témoins ont manifesté leur colère. «Ils ont nettoyé le centre de Sfax et ont fait déplacer ces migrants dans notre région. Ceci s'apparente à du bricolage», selon l'un des habitants d'El-Amra.

Quant aux migrants, pour gagner de quoi vivre, ils ont profité de la saison pour travailler dans les champs dans la cueillette des olives.

Les olives non, les raisins oui.... !

En effet, et en dépit du taux de chômage élevé, les jeunes refusent catégoriquement de travailler dans les champs. Et aussi paradoxal que cela puisse paraître, ils optent en revanche pour la migration clandestine. Et travailler.....dans les vendanges, dans des conditions extrêmement difficiles, dénoncées de manière récurrente par les Ong de défense des droits des migrants.

Même les hommes boudent les campagnes oléicoles ou alors ils posent plusieurs conditions pour accepter ce travail. « Ils veulent la « mouna », le petit-déjeuner tôt le matin et le déjeuner l'après-midi, et un salaire journalier de 40 dinars », confie un oléiculteur.

Ce sont les femmes qui se lèvent à l'aube, bravant la pénibilité de la tâche et les risques d'accidents mortels de la route pour prendre part à la cueillette des olives contre la modique somme de 20 dinars par jour.

L'arrivée en masse de migrants pourchassés du centre de la ville de Sfax a, semble-t-il, poussé certains oléiculteurs à se passer de la main-d'oeuvre locale excessivement exigeante, pour se rabattre sur les migrants irréguliers à moindre coût.

L'argent collecté par ces derniers est systématiquement destiné aux traversées clandestines qui devraient les emmener à Lampedusa, d'où l'augmentation à El Amra du trafic des passeurs et des constructeurs des barques en métal ferreux.

Porter atteinte aux forces armées, un acte lourd de conséquences

Ainsi, le problème des migrants n'a pas été résolu. Leur déplacement d'un centre-ville à une région côtière relevant du même gouvernorat relève du provisoire. D'autant qu'elle a conduit à des actes de violence contre une unité de la Garde nationale.

Au-delà de cet acte, quelques séquences vidéo postées sur les réseaux sociaux montrant des migrants déchaînés sur un véhicule renversé de l'unité sécuritaire sont pour le moins choquantes.

Au début, tout le monde a cru à un montage de fake news, mais qu'elle ne fut notre grande surprise, quand on a appris qu'il s'agit de scènes réelles suite à la déclaration du porte-parole officiel du Tribunal de première instance de Sfax 1, Hichem Ben Ayed. « Les migrants subsahariens ont également incendié un véhicule de la Garde nationale et se sont attaqués aux membres de la patrouille, faisant 4 blessés parmi les agents dont un grièvement », a-t-il annoncé.

C'est au moment où les agents de la Garde nationale procédaient à la destruction de barques en fer que l'agression a eu lieu. C'est comme si ces migrants voyaient leur rêve de départ s'écrouler. De fait, c'est bien le cas. Cela ne justifie en rien le recours à la violence.

Et s'attaquer aux unités sécuritaires, c'est porter atteinte à la sécurité nationale du pays.

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