Afrique de l'Ouest: Abrogation d'une loi sur la migration au Niger - Les pays du Maghreb s'inquiètent à leur tour

Plusieurs pays maghrébins ont exprimé leurs inquiétudes après l'abrogation le week-end dernier, par la junte militaire au pouvoir au Niger, d'une loi criminalisant le trafic de migrants.

La loi criminalisant le trafic de migrants avait été votée en mai 2015 dans le cadre d'un accord avec l'Union européenne pour endiguer les flux d'exilés ouest-africains en route pour l'Europe via la Libye ou l'Algérie.

Le Niger est une plaque tournante de l'immigration vers l'Europe, alors que le Maghreb est devenu le point de passage via la Méditerranée vers les côtes européennes. La Libye et la Tunisie sont particulièrement affectées par ce phénomène et les migrants dans ces deux pays sont confrontés à des traitements parfois inhumains dénoncés par les institutions des droits de l'Homme.

Selim Ben Abdesselem, ancien député tunisien et membre du conseil d'administration de l'ONG France fraternités, revient sur cette abrogation et met en garde sur ses conséquences, au micro de Houda Ibrahim de la rédaction Afrique de RFI.

« On voit très bien que même dans les pays où des lois existent, qui répriment des trafics, les lois ne sont pas totalement appliquées. Parfois, il peut ne pas y avoir de volonté des États de les appliquer ou parfois, pas les moyens de les appliquer.

Vous imaginez, surveiller des frontières comme les frontières du Niger dans le désert, c'est quand même un travail titanesque, ou des frontières maritimes pour certains pays, comme la Tunisie ou la Libye que vous venez de citer ?! On voit qu'aujourd'hui, c'est totalement impossible même pour des pays riches qui ont les moyens de surveiller leurs frontières en théorie, mais qui ne le peuvent pas quand les frontières sont trop étendues.

Donc trois questions pour résumer : un, est-ce qu'on s'arrêtera à l'abrogation de cette loi sans la remplacer ? Deux, est-ce que cette loi sera appliquée ? Et trois, est-ce qu'on laissera ce genre d'actes criminels [impunis] ?

Parce qu'on parle de trafic d'êtres humains, il y a aussi de la traite derrière, des maltraitances, des viols, de l'exploitation sexuelle, de l'exploitation d'enfants, du trafic de gens qui sont peut-être vendus comme esclaves, qu'on laisse dans le désert ou en mer mourir de soif et de faim. On peut difficilement imaginer qu'un régime qui se voudrait respectueux ne serait-ce qu'un peu de la personne humaine puisse gagner quelque respectabilité en abrogeant une telle loi et en ne criminalisant pas de tels actes. »

En début de semaine déjà, l'Union européenne s'était déclarée « très préoccupée » suite à l'abrogation par le Niger de la loi sur le trafic de migrants. La commissaire européenne aux Affaires intérieures réagissait à l'ordonnance de la junte du CNSP mettant fin à la loi qui, depuis 2015, criminalisait les entrées et sorties illégales de migrants sur le territoire nigérien. Une loi « votée sous l'influence de certaines puissances étrangères », selon la junte au pouvoir à Niamey.

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